Escapade au Piémont: de Turin aux pistes de ski
D’un côté, l’élégante cité de Turin. De l’autre, la plus grande station de ski d’Italie, alias Via Lattea. Votre cœur balance entre une virée au ski et un city-trip ? Qui a dit que vous deviez choisir ?
Les apparences sont souvent trompeuses. A Sestriere, le plus haut village d‘Italie, les vieilles pierres sont sacrées. Aussi, nous prenons soin de formuler avec prudence notre première impression de ce hameau collé le long de la frontière française, et qui ressemble à une simple cicatrice dans le paysage hivernal. On apprend de ses erreurs. Il fut un temps, par exemple, où l’on considérait Les Arcs comme affreux, sans savoir que quelques années plus tard, leur architecture moderniste serait déclarée « patrimoine français du XXe siècle ».
C‘est riche de cette expérience, nous contemplons aujourd‘hui les deux tours d‘hôtel aux formes arrondies qui se dressent au bas des pentes – les toutes premières constructions de Sestriere – datant de 1933. Deux exemples parfaits du rationalisme, un mouvement architectural qui a trouvé un accueil enthousiaste dans l‘Italie fasciste. Le client ? Giovanni Agnelli, l‘homme d‘affaires visionnaire qui, en 1899, a créé la marque automobile piémontaise Fiat et qui, trois décennies plus tard, marquait la naissance de la première station de ski italienne…
Un vrai clash architectural
Nonante ans plus tard, Sestriere est devenu le cœur battant de Via Lattea (« voie lactée »), la plus grande station de ski interconnectée du pays avec 400 km de pistes, dont une petite partie se trouve en France – à Montgenèvre, pour être précis. Là-bas, dans ce coin reculé de la France, les pistes sont un peu plus douces, les pentes un peu plus indulgentes et les fromages un peu plus délicats. Sur le sol italien, les pentes peuvent être qualifiées de corsées… voire d’olympiques. En effet, en 2006, les Jeux olympiques d‘hiver – notamment certaines disciplines comme le slalom, le ski de fond et le bobsleigh – se sont déroulés ici, à Via Lattea. Les deux tremplins de saut à ski, aujourd‘hui à l’abandon, et le village olympique de Pragelato, ressuscité par le Club Med six ans après les Jeux, en sont les témoins. Le groupe hôtelier français y exploite depuis 2012 le seul Club Med situé dans une station de ski italienne : un hameau aux allures piémontaises dans une vallée paisible remplie de chalets en mélèze, où le temps semble flotter dans une atmosphère alliant mélancolie et nostalgie. Un choc architectural intéressant avec Sestriere, où l‘architecte Vittorio Bonadè Bottino – connu pour le Lingotto, l‘ancienne usine Fiat de Turin – avait reçu carte blanche des décennies plus tôt.
Un trajet rapide et agréable
La Via Lattea se révèle rapidement être un savoureux patchwork de styles : du rationalisme au néo-piémontais et du modernisme au contemporain. A Sauze d‘Oulx, planté à un long trajet en télécabine de Sestriere, les amateurs d‘architectures pourront se régaler, dans tous les sens du terme, en passant devant les restaurants de montagne Capanna Molino – un projet de l‘architecte moderniste Carlo Mollino – et La Marmotta – une interprétation hypermoderne d‘un chalet – jusqu‘au vieux centre très animé de Sauze d‘Oulx, construit autour d‘une église du XVIe siècle. C‘est aussi là que se trouve la route qui mène à Oulx, un peu plus bas, et qui constitue la porte d‘entrée du domaine skiable pour les voyageurs en train. Le trajet dure 1 heure et 17 minutes, le temps de se remémorer les descentes sur des pentes raides et peu fréquentées, des remontées mécaniques lentes et souvent anciennes, une excellente gastronomie et un puzzle de styles architecturaux… disons fascinants.
Alors que les montagnes défilent calmement, le mercure grimpe en flèche. D‘après notre appli météo, une température de 20 °C agrémentera nos prochaines journées et nous sommes en mars. Via Lattea et Turin, le combo hivernal parfait pour les fans de ski et de visites? Existe-t-il un équivalent au niveau de l’offre? Genève, peut-être, bien que la ville suisse ne soit pas aussi grande que Turin. Idem pour Salzbourg. Vienne, alors ? Trop éloignée des grands domaines skiables. Même problème pour Munich et Lyon. Avant même que notre train n‘entre en gare, le verdict est donc limpide: le Piémont constitue la destination idéale pour les voyageurs en quête d’éclectisme. Surtout que, l’air de rien, Turin a réussi à se débarrasser de son image de ville industrielle morne…
L’étonnante Turin, au-delà des préjugés
Car les clichés ont la peau dure, c’est sûr. « Nous luttons toujours contre ce préjugé », nous explique Silvia Lanza, qui dirige le département du tourisme de Turin, qui promet de nous faire tomber amoureux de sa ville. « Les touristes connaissent Venise, Milan, Florence et Rome comme des villes d‘art magnifiques, au caractère bien marqué ; même Gênes parle davantage à l‘imagination. Turin vit un peu dans l‘ombre, longtemps vue comme une « ville-usine », berceau de Fiat, Martini, Lavazza et la Juventus.
Or, elle a énormément d‘atouts. Comme elle a été la première capitale de l’Italie, elle abrite de nombreux palais et résidences royales. Elle est aussi réputée pour son art moderne et son amour du cinéma. C’est aussi la ville des cafés historiques, de la gelato et du vermouth, mais aussi l‘une des cités les plus vertes d’Italie. Souvent, les touristes n’y restent que deux ou trois nuits, alors qu‘ils devraient en passer au moins cinq. »
En tant que première capitale de l’Italie, Turin abrite de nombreux palais et résidences royales.
Nous confirmons. Dès notre première balade dans les entrailles turinoises, nous sommes submergés par le style et l‘élégance des longues arcades – 18 kilomètres au total – qui bordent les rues et les places. Celles-ci protègent les habitants et les touristes des intempéries (qu‘il pleuve ou qu‘il vente) mais abritent surtout une multitude d‘hôtels et de restaurants branchés. Onze cafés historiques y ont également pignon sur rue.
Témoins de l‘histoire de la ville, ils catapultent leurs visiteurs dans les XVIIIe, XIXe et début du XXe siècles grâce à leurs intérieurs fantastiquement préservés. Le Café Torino, sur la Piazza San Carlo, est un exemple frappant, avec son néon rouge estampillé Martini, son opulent intérieur Art nouveau, ses énormes lustres, ses plafonds décorés, son bar en bois et son grand escalier.
Plus loin, nous restons tout aussi ébahis face au Café Mulassano, une pépite Art déco remplie de miroirs, de marbre, de bois doré, de bronze et de laiton. C‘est là qu‘est né le tramezzino, la version italienne du sandwich. Dans ce genre d’établissement, on déguste un « bicerin », la fameuse boisson café-chocolat inventée il y a plusieurs siècles au Café Al Bicerin, qui fut longtemps le lieu de rencontre des philosophes, écrivains, musiciens et artistes. Une icône de Turin, sans aucun doute.
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Comment les J.O. ont tout changé
Après seulement une demi-journée passée à Turin, à naviguer entre les places animées, les palais royaux et les parcs luxuriants, nous sommes conquis. Il n’y a rien d’insipide ici. « Beaucoup de choses ont changé en 2006, avec les Jeux olympiques. Des zones piétonnes ont été créées, des rues ont été rénovées et la première ligne de métro a été construite », nous explique Silvia Lanza, qui nous suggère également de visiter Lingotto, l’ancienne usine Fiat située juste à l’extérieur du centre historique. Nous y courons.
Celle qui, en 1922, était encore la plus grande usine automobile du monde, a finalement fermé ses portes en 1983, pour être transformée dans les années 90 en centre commercial, cinéma, hôtel, salle de concert, faculté et musée. L’impressionnante piste d’essai, sur le toit, est d’origine. Une attraction supplémentaire y a vu le jour en 2002 : la Pinacoteca Agnelli, un espace d’exposition flottant construit par l’architecte Renzo Piano et baptisé du nom du fondateur de Fiat, rempli de 25 chefs-d’œuvre (Renoir, Picasso, Manet, Matisse, Modigliani…) provenant de la collection privée de la famille Agnelli.
Cette famille continue d’ailleurs à marquer Turin de son empreinte. Chaque année, en novembre, se tient Artissima, l’une des cinq foires d’art les plus importantes au monde, fondée en 1994 après une nouvelle crise de l’industrie automobile italienne.
Notre dernière journée turinoise est dédiée aux incontournables. Le premier est le célèbre suaire de Turin, une relique dont certains chrétiens pensent qu’il s‘agit du tissu dans lequel Jésus a été enveloppé et enterré après sa mort sur la croix. Il est joliment accroché dans la cathédrale de Turin.
Notre dernière journée turinoise est dédiée aux incontournables. Le premier est le célèbre suaire de Turin, une relique dont certains chrétiens pensent qu’il s‘agit du tissu dans lequel Jésus a été enveloppé et enterré après sa mort sur la croix. Il est joliment accroché dans la cathédrale de Turin. Beaucoup plus intéressant : le Museo Egizio, le célèbre musée qui expose la plus importante collection d‘art égyptien ancien au monde en dehors d’Egypte. De là, nous flânons jusqu‘à la Galleria San Federico, un centre commercial unique des années 1930, où le Cinema Lux nous replonge dans les sphères de l’Art déco. Enfin, direction les Giardini Reali, les fabuleux jardins qui sommeillent derrière le Palais royal. Autant dire que Silvia avait vu juste : nous sommes amoureux.
Lire aussi: Notre reportage dans le Sud-Tyrol italien.
En pratique
Y ALLER
Ryanair propose des vols de Charleroi à Turin trois fois par semaine pendant les mois d‘hiver. Comptez 1 h 10 de vol. ryanair.com
SE LOGER
Club Med Pragelato. Situé à Via Lattea, ce complexe hôtelier all in comprend 82 chalets de style piémontais (dont 17 flambant neufs), un vaste spa et deux restaurants. Dès 1 734 euros par personne et par semaine. clubmed.be
Turin Palace. Un élégant hôtel 4-étoiles situé juste en face de la gare Porta Nuova. turinpalacehotel.com
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