La citerne basilique, l’un des joyaux d’Istanbul, vient de rouvrir au public (en images)
On y rentre en frissonnant, après la touffeur de Sultanhamet, pour plonger dans la fraicheur mystique de Byzance: la citerne basilique de l’empereur Justinien, l’un des joyaux d’Istanbul, vient de rouvrir après 5 ans de gros travaux.
Après cinq ans de lourds travaux destinés à la protéger du prochain séisme, régulièrement promis à la ville, cette étape incontournable de l’histoire sur les rives du Bosphore s’est muée en une scène spectaculaire de sons et lumières qui révèle l’immensité des lieux (138 m de long sur 65 de large).
Construite en 542, la citerne-basilique de Justinien s’inscrivait dans un réseau de plus d’une centaine d’autres entamé par les Romains, poursuivi par les Byzantins puis par les Ottomans pour ravitailler en eau courante la ville et leurs palais.
Connue à Istanbul sous son nom turc de Yerebatan Sarnıcı (la citerne enfouie sous terre), la basilique souterraine qui avait accueilli James Bond (« Bons Baisers de Russie ») menaçait de s’effondrer à la moindre secousse un peu violente, explique Aysen Kaya, directrice-adjointe du Patrimoine à la municipalité d’Istanbul. Il y avait donc urgence à renforcer son infrastructure tout en la toilettant. Elle est restée d’abord en partie fermée depuis 2017, puis totalement depuis la flambée de Covid en 2020.
Des tiges d’acier ont été tendues pour relier entre eux les chapiteaux des 336 colonnes de l’édifice – douze rangées de 28. Les murs de briques roses ont été débarrassés des traces laissées par plusieurs interventions intempestives.
« En grattant les couches de ciment rajoutées, on a remis les briques à jour », reprend Aysen Kaya, qui désigne en passant deux conduites dévoilées par les travaux et jusqu’ici ignorées: l’une apportait l’eau à la basilique Sainte-Sophie toute proche, l’autre au palais byzantin qui précédait le Topkapi des sultans.
La citerne était capable de stocker près de 80.000 litres d’eau fraiche arrivant des montagnes à 19 km au nord. Une prouesse pour garantir Byzance contre les sécheresses estivales.
Les Méduses à l’envers
La remise en état a encore permis de démanteler la précédente passerelle aménagée pour les visiteurs à 1,60 m au dessus du sol pour ramener la déambulation à moins de 50 cm au dessus des pavements, rendus pour la première fois visibles sous l’eau.
Mais au-delà des aménagements techniques nécessaires à la sauvegarde du bâtiment, la rénovation s’est attachée à protéger le caractère mystique, presque spirituel des lieux par un jeu de lumières qui modifie les perspectives et révèle les détails.
Les fameuses têtes de Méduse qui ornent deux des piliers d’angle – sculptées à l’envers pour ne pas transformer en pierre le visiteur qui les regarde, selon la légende de l’Odyssée – apparaissent encore plus vivantes et terrifiantes.
Et au cœur de cette construction vieille de 1.500 ans, représentative de l’art et des techniques de l’époque, ont été déposées des œuvres contemporaines, comme cette main surgie de l’eau, ces méduses en verre translucide et ces projections de lumière qui dansent sur les colonnes. « Nous voulions une installation lumineuse qui n’enlève rien à l’atmosphère mystique du lieu », justifie la représentante de la municipalité.
A voir le succès qui entoure cette réouverture et les longues files d’attente sous le soleil pour pénétrer dans cette semi-pénombre aménagée, le pari est réussi.
En témoigne Nick Alatti, un quadragénaire de Birmingham qui peine à trouver les mots à la hauteur de son enthousiasme: « Absolument incroyable, vraiment unique. Je n’ai jamais rien vu de tel et je ne suis pas près de l’oublier », confie-t-il
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