Le coeur de Paris se rhabille
Après seize ans de fermeture, la légendaire enseigne La Samaritaine vient de rouvrir ses portes. A quelques pas de là, l’ancienne Bourse de Commerce et la poste centrale, elles, s’offrent un lifting. Youpi : le quartier Châtelet-Les Halles revit !
Depuis 1183, le quartier Châtelet-Les Halles est considéré comme le berceau de la capitale française. Jusqu’au début des années 70, un gigantesque marché y est établi, sous les élégants pavillons de verre et d’acier imaginés par Victor Baltard. Après leur démolition, le quartier est entièrement repensé, avec l’arrivée du Centre Pompidou puis du centre commercial Forum des Halles et enfin, en sous-sol, de la station de métro qui devient la plus fréquentée d’Europe. A l’époque, le centre Pompidou, conçu par Renzo Piano et Richard Rogers, ne fait pas l’unanimité, mais il insuffle une nouvelle vie au Marais. Quant aux Halles – entre-temps renommées Westfield – elles deviennent rapidement obsolètes. Un concours d’architecture et des centaines de millions d’euros plus tard, le lieu est repensé et sa structure émergée est remplacée par un énorme auvent d’acier lui donnant des allures de gare asiatique ultramoderne. Depuis la fin des travaux en 2018, le quartier bouillonne, même si cela ne se voit pas forcément au premier regard. Il faut dire qu’à l’exception de la rue de Rivoli et son récent tronçon réservé aux cyclistes, presque toutes les nouvelles constructions se trouvent… à l’intérieur d’anciens bâtiments, et beaucoup doivent encore être inaugurées.
Ce 19 juin, plus d’un an après la réouverture prévue en avril 2020 et repoussée pour cause de crise sanitaire, c’est la le grand magasin La Samaritaine sera à nouveau accessible, après seize ans d’oubli, qui intéressera les foules. Quelques semaines après la Collection Pinault, pour laquelle l’architecte japonais Tadao Ando a transfiguré l’ancienne Bourse du Commerce. Ce bâtiment circulaire datant de 1889, voisin du Forum des Halles, a pour ambition de s’imposer comme un centre d’art contemporain de référence.
Petit détail important : La Samaritaine appartient aujourd’hui au groupe de luxe LVMH, alors que la Collection Pinault est l’initiative du fondateur du groupe Kering. Un autre géant de la mode, le Groupe Galeries Lafayette, a également laissé sa trace dans le voisinage de l’hôtel de ville, en redonnant vie, il y a quelques années, au célèbre grand magasin Bazar de l’Hôtel de Ville, sous le nom de BHV Marais, qui accueille un bâtiment neuf consacré à la mode masculine.
Ce n’est pas tout. Récemment, une filiale de la chaîne italienne Eataly a établi ses quartiers dans le Marais, tout comme le centre d’art Lafayette Anticipations qui, lui, s’est posé dans un immeuble revu par Rem Koolhaas. L’an passé, le groupe Lafayette ouvrait deux nouvelles enseignes : une petite dans le centre commercial Beaugrenelle, près de la tour Eiffel, et un concept store sur les Champs-Elysées, dans une ancienne banque des années 30 rénovée par Bjarke Ingels.
Cette année, nous assisterons encore à la renaissance de l’énorme Poste du Louvre. Le nouveau complexe accueillera un hôtel, des restaurants et, bien entendu, des surfaces commerciales. Enfin, une centaine de mètres plus loin, rue de Rivoli, un autre chantier ambitieux a vu le jour : les anciens Grands Magasins du Louvre seront repensés par la fondation Cartier, fleuron du groupe de luxe Richemont. Rendez-vous en 2024 pour découvrir ce bâtiment dont l’architecture a encore été confiée à une pointure, alias Jean Nouvel.
N°1 La Samaritaine
Le chantier de La Samaritaine fourmille jour et nuit. En avril, le mythique magasin longeant la Seine renaîtra après cinq ans de travaux. Sous la coupole, l’armature en fer a été peinte en gris, sa couleur originelle. Les fresques de style Art nouveau ont été restaurées avec finesse, et le grand escalier a été conservé. A part cela, il ne reste plus grand-chose de l’icône au célèbre slogan » On trouve tout à La Samaritaine « .
L’histoire du magasin remonte au XIXe siècle. Son fondateur, Ernest Cognacq, vend alors des étoffes dans une corbeille du Pont-Neuf, à côté de la plus ancienne pompe à eau parisienne, appelée la Samaritaine. Il ouvre sa première enseigne, A La Samaritaine, le 21 février 1870, dans l’arrière-salle inutilisée d’un café, rue de la Monnaie. En 1872, il épouse Marie-Louise Jaÿ, une ancienne employée du Bon Marché, où elle était responsable du département confection, tout en aidant à la rédaction des catalogues et à l’organisation d’événements. Leitmotiv du couple : un magasin doit être comme un théâtre, où les clients viennent découvrir des produits. Les prix sont alors fixes, et les visiteurs ne se sentent jamais obligés d’acheter. Une vraie révolution pour l’époque !
La Samaritaine ne cesse de grandir : de 48 m2 en 1870, elle passe à des centaines quatre ans plus tard. En 1900, elle devient Les Grands Magasins de La Samaritaine, suivant le modèle du Bon Marché. L’enseigne est divisée en départements, disposant de chefs autonomes. En 1910, Ernest Cognacq fait appel à l’architecte Frantz Jourdain pour transformer les lieux en oeuvre d’Art nouveau. En 1926, il obtient le droit d’agrandir le magasin jusqu’à la Seine. La construction, en style Art déco, est laissée à l’imagination de Frantz Jourdain et Henri Sauvage. Ceux-ci sont aussi à l’origine d’un troisième édifice pour La Samaritaine, en 1930, année du décès d’Ernest Cognacq, qui laisse derrière lui un empire de 270 000 m2.
En 2001, ses héritiers revendent La Samaritaine au groupe LVMH, qui possède déjà le Bon Marché. Sans prévenir, le groupe ferme le magasin en 2005, pour des raisons de sécurité. Quinze ans plus tard, le bijou parisien renaît de ses cendres. Le nouveau magasin est beaucoup plus petit, certains espaces ayant été transformés en bureaux, en logements sociaux ou en crèche. Mais il reste vaste : sept étages dans l’immeuble historique, trois étages à la rue de Rivoli et un gigantesque espace reliant les bâtiments et abritant le plus grand département beauté de l’Europe continentale. A la rue de Rivoli, où un bâtiment architecturalement peu intéressant a été démoli, se dresse aujourd’hui une création des architectes japonais SANAA, tout en légèreté. Dans cette aile Art déco, le long de la Seine, trône un hôtel de luxe de la chaîne Cheval Blanc, dont l’intérieur est l’oeuvre de Peter Marino, le » biker » connu pour sa collaboration avec des boutiques de luxes (notamment Dior), tandis que le restaurant est supervisé par le chef étoilé Arnaud Donckele.
19, rue de la Monnaie, à 75001 Paris.
N°2 Joséphine
Le Théâtre du Châtelet, l’une des plus célèbres scènes de spectacles parisiennes, a rouvert l’année dernière après deux ans et demi de travaux de rénovation. La disposition classique de la salle et des foyers n’a pas changé, mais l’institution a été dotée d’un » culture club « , soit une boîte de nuit à la programmation étendue (concerts, DJ, shows…). On peut comparer l’endroit au Silencio, le club créé par David Lynch, également dans la Ville lumière, dont l’équipe dirige désormais le Joséphine – du nom de Joséphine Baker. Un endroit de 900 m2 répartis sur deux étages, avec notamment un bar à cocktail, un espace de projection et une terrasse bénéficiant d’une vue panoramique. La décoration a été confiée à Virgil Abloh et Ben Kelly, l’architecte du légendaire club Hacienda à Manchester.
17, bis Avenue Victoria, à 75001 Paris. club-josephine.com
N°3 Bourse de Commerce – Collection Pinault
L’ancienne Bourse de Commerce parisienne devient la vitrine française des collections de François Pinault, le fondateur du groupe Kering, qui rassemble entre autres Gucci, Saint Laurent et Balenciaga. Depuis des années, l’homme d’affaires voulait construire un complexe ambitieux sur une île de la Seine, l’ancien site Renault de Boulogne-Billancourt, mais ce projet n’a jamais vu le jour. La fondation s’est établie à Venise, où elle possède aujourd’hui trois sites, dont le Palazzo Grassi. Mais il lui fallait une adresse dans l’Hexagone, et c’est chose faite. Avec sa coupole en verre de 40 m de hauteur, l’ancienne bourse a été complètement rénovée par Tadao Ando. Sa principale modification : un cylindre en béton sous la coupole. Le résultat ? Un espace d’exposition de 300 m2, où les premiers accrochages sont attendus en juin.
2, rue de Viarmes, à 75001 Paris.
N°4 Eataly
La chaîne italienne, fondée en 2007, s’est également installée à Paris l’année dernière. Le complexe était logé dans deux bâtiments, dont l’un est l’ancien restaurant du personnel du grand magasin voisin, le BHV Marais. Les travaux ont duré deux ans et les Galeries Lafayette, propriétaires du lieu, s’attendent à recevoir jusqu’à un million de visiteurs par an. On y trouve sept restaurants, avec une capacité totale de 400 couverts, et une centaine d’autres sur la terrasse. Eataly est ouvert sept jours sur sept, de 8 h 30 à minuit.
37, rue Sainte-Croix de la Bretonnerie, à 75004 Paris. eataly.fr
N°5 La Poste du Louvre
L’édifice de La Poste, datant du XIXe siècle, est l’endroit où les Parisiens viennent envoyer leur déclaration d’impôts à la dernière minute. Le lieu de 35 000 m2, réaménagé par Dominique Perrault, reste propriété de La Poste qui y a aménagé un nouveau bureau, aux côtés du poste de police, des logements sociaux, un hôtel 5-étoiles et des magasins. Le centre de tri qui occupait la plus grande partie a été démoli. Un passage couvert traverse le bâtiment et une terrasse s’ouvre en toiture. L’inauguration est prévue pour le milieu de cette année. L’hôtel, lui, devrait suivre quelques mois plus tard. Selon le site Web de La Poste, il serait géré par la société à l’origine du Kong, un restaurant décoré par Philippe Starck dans une ancienne aile de La Samaritaine.
16, rue Etienne Marcel, à 75002 Paris.
N°6 Lafayette Anticipations
Lafayette Anticipations est l’ambitieux centre d’art contemporain imaginé par la famille possédant le Groupe Galeries Lafayette. La fondation existe depuis 2013, et en 2018, elle a emménagé dans un bâtiment du BHV datant du XIXe siècle, en face d’Eataly. L’architecte Rem Koolhaas (OMA) a conçu un intérieur modulable qui abritera trois grandes expositions par an et trois festivals pluridisciplinaires, ainsi que des événements et des ateliers. Entrée gratuite. Dès le mois de juin, une exposition sera consacrée à Martin Margiela. A la même adresse : un concept store avec une sélection originale d’objets, de livres et de vêtements A Rebours, et une succursale de Wild & The Moon, une chaîne d’en-cas bio.
9, rue du Plâtre, à 75004 Paris.
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