Sylvain Ercoli, le réceptionniste de nuit devenu directeur d’un palace
A 64 ans, Sylvain Ercoli est désormais à la tête du Bulgari Paris. Passé par les plus grands palaces, de France et d’ailleurs, il a pourtant commencé en bas de l’échelle, comme réceptionniste de nuit au Sofitel de Nancy.
Directeur du Ritz à Paris à 30 ans, Sylvain Ercoli a dirigé depuis des prestigieux palaces dans la capitale française, dont le George V et le Crillon, et des établissements à Londres, Cannes, Nice, Saint-Tropez, Megève et l’île Maurice. Il nous raconte son audacieux parcours.
Quels ont été vos débuts?
Mon père avait une petite entreprise de maçonnerie. Après mon service militaire, j’ai travaillé trois mois avec lui, mais je voulais arrêter. Quand on a 20 ans et que, comme moi, on sort de 18 mois dans un régiment de parachutistes, on pense connaître tout de la vie. Après avoir passé un an dans l’océan Indien avec des troupes d’élite, je me sentais invincible. Le monde m’appartenait et j’étais pétri de certitudes. Le transfert dans la vie active m’a, je dirais, fait un choc!
C’est ma mère qui a trouvé une annonce dans le journal pour être réceptionniste de nuit dans un hôtel à Nancy. Il faut savoir mettre son pied dans la porte. J’ai expliqué au directeur que je connaissais déjà tout de ce métier. Je lui ai dit que j’avais déjà travaillé «dans le sud». Il n’était pas dupe mais il m’a laissé une chance. Ce jour-là, je lui ai demandé jusqu’où on pouvait grimper dans l’hôtellerie et il ma répondu en souriant: «Peut-être qu’un jour, vous serez directeur.» Etait-il ironique? En tout cas, ça m’a motivé. Cinq ans plus tard, j’étais directeur des opérations au Ritz à Paris.
Comment expliquez-vous cette ascension?
Se mettre un peu en danger permet d’avancer. Dans ce métier, on peut s’arrêter à un moment donné et se dire qu’on a trouvé le bonheur. Quand je suis arrivé au Ritz, en 1985, il y avait des caissiers qui étaient là depuis quarante ans et qui faisaient leur boulot avec beaucoup d’amour. Moi, j’ai pris une autre voie.
Après le Ritz, j’ai rejoint le George V comme directeur général. Après, je suis parti à l’île Maurice, au Saint Géran et au Touessrok, puis je suis rentré en France car mes enfants grandissaient. J’ai pris en charge le Byblos à Saint-Tropez et Courchevel, suivi par le Martinez à Cannes, que j’ai transformé, et le Claridge’s à Londres… avant de revenir au Crillon. Au bout de trois ans, s’est présentée une aventure: la fermeture, démolition, construction et réouverture de l’hôtel Royal Monceau.
Un ami m’a alors proposé de m’occuper d’un nouvel hôtel à Londres, le Bulgari. Ça me plaisait de travailler pour une marque d’hôtels encore méconnue. En parallèle, j’ai trouvé cet immeuble des années 70 à vendre, à Paris. J’en ai parlé avec mes investisseurs qui m’ont d’abord dit non… Finalement, j’ai ouvert le Bulgari Paris en avril dernier.
Il faut se remettre en question pour pouvoir avancer.
Qu’aimez-vous dans ce métier?
Avant tout, faire plaisir aux gens. J’ai grandi à Nancy et je suis allé en internat dans les Vosges quand j’étais petit. A l’époque, je voulais devenir Jimi Hendrix, une rock star. J’ai longtemps fait partie d’un groupe, et aujourd’hui encore, je joue de la guitare. Ce qui m’aide dans mon travail. Faire de la musique, c’est non seulement se changer les idées et prendre confiance en soi, mais aussi communiquer et partager des émotions avec les autres.
C’est toutefois un travail très exigeant…
Etre au top 24 heures sur 24 est l’aspect le plus difficile. Mais dans l’hôtellerie, chaque jour est différent. C’est aussi la raison pour laquelle j’aime ce travail. Je ne pourrais pas imaginer faire autre chose, parce que les retours sont phénoménaux. Et puis, ce n’est jamais un one man show. Ce n’est qu’en équipe qu’on peut gagner. Personnellement, je n’arrive pas à regarder les choses d’une manière dépassionnée. J’aime les gens qui arrivent à dédoubler leur personnalité, qui ont une vie personnelle et une vie professionnelle bien séparées. Pour moi, c’est la même vie.
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Que réprésente pour vous le luxe?
Le luxe, c’est l’exception, l’excellence et, de plus en plus, l’émotion. Il y a des choses qu’on ne peut pas acheter. Pour moi, le luxe, c’est aussi le silence et le temps. On ne peut pas le remonter, le temps, on ne fait que retarder une échéance. Les Grecs définissent le temps avec deux termes, «chronos», qui signifie le temps qui passe, et «kairos», l’instant de l’opportunité, le moment pour agir. Le luxe, c’est pouvoir s’asseoir dans un jardin et regarder les étoiles. Et le faire dans le jardin privé d’un penthouse, sur le toit d’un hôtel du VIIIe arrondissement, en dehors des turpitudes, avec peut-être une bouteille de Krug ou de Dom Pérignon, c’est rare.
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