Au large de l’Espagne, les attaques d’orques sèment la terreur

Orque
© Getty Images

Depuis trois ans, les attaques d’orques contre des voiliers se multiplient au large des côtes de l’Espagne, suscitant les interrogations des scientifiques et des autorités, notamment sur le rôle mystérieux de Gladis, matriarche d’un clan de cette espèce réputée pour son intelligence.

« Ils ont directement attaqué le radar. Ils n’ont pas tourné autour du bateau ni cherché à jouer… rien! Ils ont foncé à toute vitesse sur le radar », raconte à l’AFP Friedrich Sommer, propriétaire allemand du « Muffet », un voilier endommagé par une attaque d’orques.

The Pecci Shipyards, en réparation à Barbate, près de Cadiz, fin mai 2023

Il n’est pas le seul à attendre à Barbate, petite ville de la côte atlantique andalouse (sud de l’Espagne), que son bateau soit réparé.

« Celui-ci a complètement perdu son gouvernail » et les orques ont fait « des dégâts structurels au niveau de la coque », explique Rafael Pecci, chargé des réparations, à propos d’un voilier appartenant à un autre étranger.

Depuis la plage principale, on aperçoit non loin le mât d’un bateau ayant coulé début mai après une attaque de ces cétacés, qui peuvent atteindre neuf mètres de long pour les mâles et sept pour les femelles, pour un poids de 3,5 à 6 tonnes.

Ces « interactions », terme employé par les spécialistes et les autorités pour décrire ces attaques, ont débuté en 2020 au large des côtes atlantiques de la péninsule ibérique, particulièrement entre Cadix et Tanger (Maroc).

Cela s’explique par la présence accrue dans cette zone à proximité du détroit de Gibraltar de l’une des proies favorites des orques: le thon rouge, qui vient au printemps de l’Atlantique pour pondre en Méditerranée.

Selon l’organisation de sauvetage en mer espagnole Salvamento Marítimo, 28 « interactions » ont déjà eu lieu en 2023. Entre 2020 et 2022, leur nombre a atteint près de 500, selon le Groupe de Travail sur l’Orque de l’Atlantique (GTOA).

Gladis et sa petite-fille

« On en sait très peu sur les causes de ces interactions », affirme à l’AFP José Luis García Varas, responsable du programme Océans du Fonds mondial pour la nature (WWF) en Espagne. 

Les légendes ne manquant pas dans la région, une orque est rapidement devenue l’emblème du phénomène: Gladis Lamari, matriarche d’un clan, à laquelle on attribue de nombreuses attaques, aurait appris à ses petits à s’en prendre aux voiliers.

Sur son site, le GTOA affiche l’arbre généalogique d’un groupe d’une quinzaine d’orques apparentés nommés « les Gladis », qui ont attaqué des voiliers et dont elle est considérée comme la matriarche. 

Les orques « forment des familles, des groupes, ils sont très intelligents et il y a une sorte de transmission orale de la connaissance entre eux », souligne José Luis García Varas. 

María Dolores Iglesias, présidente d’une organisation locale de protection de l’environnement, pense, elle, que la matriarche est morte, mais que les membres du clan continuent à attaquer les voiliers en raison d’un ressentiment qu’elle leur aurait transmis. « Il y a une petite-fille de Gladis » qui attaque les bateaux avec « fureur », affirme-t-elle.

Docteur en sciences marines et président de l’organisation Circe (Conservation, Information et Etude des Cétacés), Renaud de Stephanis estime, pour sa part, qu’il existe « plusieurs hypothèses » pouvant expliquer ces attaques. 

L’une y voit de simples « jeux », alors qu’une autre explique ce comportement par « l’animosité ».

A l’heure actuelle, « nous n’avons pas d’explication définitive », ajoute le spécialiste, qui parcourt les eaux espagnoles afin de repérer et suivre les orques grâce à un marquage satellite, dans le cadre d’un programme du ministère espagnol de la Transition écologique destiné à « limiter les interactions avec les embarcations » dans la zone.

« Terrifiant »

« C’était assez terrifiant », a raconté sur son compte Instagram la navigatrice britannique April Boyes, dont le voilier a été attaqué par un groupe d’orques alors qu’il venait d’atteindre le détroit de Gibraltar.

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« Ils ont commencé par donner des coups dans le gouvernail pendant plus d’une heure », et après l’envoi de deux messages de détresse, « ils ont réussi à l’arracher », ajoute-t-elle.

Cette situation a obligé l’équipage à écoper l’eau du bateau pour éviter le naufrage avant l’arrivée des secours, comme le montre une vidéo accompagnant son récit.

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