Le dérèglement climatique va-t-il très vite changer vos envies de voyage?

Majorque Espagne plage
Majorque

Des incendies destructeurs, un thermomètre qui flirte avec les 40 degrés et des touristes qui rentrent chez eux en catastrophe: le changement climatique va-t-il aussi changer la donne pour le tourisme, en particulier en Méditerranée?

Quel est l’état des lieux?

Les régions attirant le plus les vacanciers sont aussi les plus touchées par le changement climatique. En Grèce, des milliers de touristes ont été évacués des îles de Rhodes et de Corfou, ravagées par des incendies favorisés par la canicule. L’aéroport international de Rhodes a pris des allures de campement improvisé, envahi par des vacanciers déboussolés, comme Daniel-Cladin Schimdt, un touriste allemand. « On est épuisés et traumatisés », confie-t-il à l’AFP. « Je crois qu’on ne réalise pas trop ce qu’il s’est passé ».

D’autres pays du pourtour méditerranéen sont touchés. En Espagne, les températures ont parfois dépassé de 15°C les normales saisonnières. L’Italie a aussi subi ces vagues de chaleur, le mercure frôlant même 48°C en Sardaigne. Lundi, Tunis suffoquait avec 49 °C. Or, le tourisme représente une part très importante de l’économie de la région. Notamment en Grèce et en Espagne où il constitue respectivement près d’un quart du Produit intérieur brut (PIB) et 12%.

Les pays les plus chauds seront-ils boudés?

Les fortes températures estivales pourraient refroidir les ardeurs des visiteurs, alertent des professionnels du secteur. Pour le PDG de Voyageurs du monde Jean-François Rial, « le réchauffement climatique va rendre des destinations de moins en moins fréquentables. Toute la Méditerranée est concernée, alors qu’elle est la principale destination des voyagistes européens ». 

En Espagne, « on commence à entendre des touristes s’interroger » sur l’opportunité de venir passer l’été sur la côte méditerranéenne, souligne ainsi Joantxo Llantada, professeur à la IE Business School de Madrid.

Selon une note récente de Moody’s, les canicules pourraient réduire l’attractivité du sud de l’Europe, ou « au moins réduire la demande en été, avec des conséquences économiques négatives ».

Fini, le soleil?

Pas tout à fait. Hamit Kuk, président de l’association des agences de voyage turques, tempère: « Ce n’est pas un problème qu’il fasse chaud à Antalya, car les touristes européens viennent pour le soleil ».

Même son de cloche en Tunisie, selon la  présidente de la fédération tunisienne de l’hôtellerie, Dora Miled: « Il n’y a pas d’impact de la chaleur sur le tourisme », dit-elle à l’AFP. « Si on n’a pas encore retrouvé le niveau d’activité de 2019 (…) , c’est en raison tout d’abord du coût élevé de l’aérien ».

Didier Arino, dirigeant du cabinet de conseil Protourisme, en France, abonde: « Pour leurs vacances, les gens ne rêvent pas de destination fraîche, ils veulent du beau temps. »

Même en Grèce, il n’est pas certain que les incendies dissuadent les touristes. Kostas Chryssohoïdes, vice préfet du Dodécanèse, indique ainsi que dimanche et lundi, « 24.000 vacanciers sont arrivés sur l’île de Rhodes » et note tout juste « quelques annulations par précaution ».

D’autres pays peuvent-ils en profiter?

Lorsqu’il devient impossible de visiter une ville transformée en étuve, les touristes peuvent se tourner vers d’autres pistes. Depuis une dizaine d’années, note Jean-François Rial, « les destinations du nord de l’Europe montent ». Il estime aussi que l’Angleterre, peu prisée, pourrait en bénéficier, tout comme l’Irlande. 

En Belgique, Pierre Coenegrachts, de l’agence régionale de tourisme en Wallonie, indique que la recherche de lieux frais « revient régulièrement dans les demandes des visiteurs ». Avec à la clef de plus en plus de visiteurs… espagnols et italiens.

Lire aussi notre dossier : À faire et voir près de chez vous, en Belgique

Va-t-on vers un autre tourisme?

Il est un point sur lequel les professionnels du secteur s’accordent: le tourisme va changer. Ils anticipent ainsi que la Méditerranée pourrait attirer davantage de visiteurs à d’autres saisons qu’en été, un phénomène rendu possible par le fait qu’une partie non négligeable des touristes sont des retraités. 

Hamit Kuk estime même que « si les dérèglements climatiques mondiaux continuent de s’accroître, il faudra repenser nos saisons (…). Peut-être que novembre sera à inclure dans la saison d’été, et avril dans la saison d’hiver ».

Pour Jean-François Rial, « Cela peut être une chance pour faire baisser le +surtourisme+, en perdant certes des clients l’été mais en les augmentant sur les neuf autres mois ». 

Pour Didier Arino, l’offre touristique va dans tous les cas être amenée à évoluer avec le climat: « On doit concevoir un peu différemment nos villes, les stations balnéaires, l’offre d’activités ». 

Lire aussi: Tous à la montagne été comme hiver? Voilà comment les stations se réinventent

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content