On a testé Brooklyn à vélo (et, attention spoiler, on a adoré)

© Dries Cromheecke

De plus en plus de villes déroulent le tapis vert aux vélos. Honnêtement, on voyait mal comment la fourmilière new-yorkaise pouvait rejoindre le mouvement. Mais en se promenant de Manhattan au quartier de Prospect Heights, on a pédalé de surprise en surprise.

Il y a du monde sur l’Hudson River Greenway, et on ne s’attendait clairement pas à autant de cyclistes. Alors que les biclous nous dépassent les uns après les autres dans un sifflement, on essaie de pédaler tranquillement pour s’imprégner de l’ambiance. Cyclistes urbains avertis, nous nous rendons aujourd’hui à Prospect Heights, un quartier de Brooklyn qui, selon certains New-Yorkais avec lesquels nous avons papoté, est non seulement très prometteur, mais aussi très agréable à explorer en deux-roues. A première vue, on n’est pas dans la ville la plus « bikeable » du monde. Mais en longeant l’Hudson, on est très vite surpris par la fluidité et la facilité avec laquelle nous pédalons sans la moindre interruption. Même si cette autoroute pour vélos le long de l’eau constitue un bel exemple du potentiel de New York… et du chemin qui reste à parcourir. Plusieurs sondages récents le confirment: parmi les villes menant une politique efficace en faveur du vélo, l’Europe reste en pole position avec, en tête, Copenhague, Amsterdam, Utrecht et… Anvers. En dehors du Vieux Continent, ce sont Bogotá, Tokyo, Taipei, Montréal et Vancouver qui tirent leur épingle du jeu. La Grande Pomme? Elle est absente de tout classement pour l’instant.

© Dries Cromheecke

‘C’est un morceau de ville en évolution perpétuelle.’

Alors qu’une capitale comme Paris souhaite miser sur les cyclistes avec un vaste plan étalé jusque 2026, la métropole américaine traîne un peu la patte, estime Danny Harris de Transportation Alternatives, une organisation qui milite pour une ville plus agréable à vivre, où les rues appartiennent aux gens et non à la Reine Auto. « On sent que la demande est là. De plus en plus de personnes utilisent le vélo pour aller travailler ou simplement pour bouger. Depuis l’arrivée du système de vélos partagés Citi Bikes il y a plus ou moins dix ans, on voit presque autant de vélos partagés que de taxis jaunes ou de stands de hot dogs. De nouvelles pistes cyclables sont installées chaque année. Sur ce point, New York affiche un très bon bulletin par rapport à d’autres villes américaines, mais il manque quand même une vision durable au sein de l’administration municipale. »

C’est bien simple: 40% des trajets effectués en taxi à New York couvrent une distance inférieure à 3,5 km, explique l’activiste. « Nous devons vraiment trouver une solution à ce problème urbain. » Transportation Alternatives a pour cela soumis un plan à la ville contenant 25 points d’action pour une cité plus agréable à vivre d’ici 2025: parkings pour vélos sécurisés, routes cyclables plus sûres ou extension du système de vélos partagés. « Je garde espoir, sourit Danny. New York ne doit pas devenir Paris ou Copenhague, mais il faut que nous construisions notre propre vision de la ville bicycle-friendly. »

Brooklyn Museum.
Brooklyn Museum. © SDP

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Une avenue en fête

Direction Brooklyn, de l’autre côté de l’East River. L’arrondissement devient de plus en plus populaire auprès des New-Yorkais branchés. Pas seulement en raison des nombreux commerces qui s’y ouvrent, mais aussi parce que le vélo, plus qu’à Manhattan, y gagne du terrain. A la hauteur du Teardrop Park à Tribeca, nous tournons en direction du Brooklyn Bridge. A côté du célèbre chemin de promenade sur l’East River, une piste séparée permet de rouler sans risque de heurts avec les flots de touristes. Une petite heure après avoir quitté Central Park à Manhattan, nous nous précipitons, affamés, sur la terrasse de Ciao Gloria, pour nous régaler d’un copieux petit-déjeuner local. Note pour plus tard: un repas léger avant de rouler n’est pas un luxe superflu.

Attablés, nous en profitons pour récapituler nos envies du côté de Prospect Heights, ce quartier de plus en plus couru de Brooklyn. Si le parc, tout proche, constitue le poumon vert de la zone, la Vanderbilt Avenue en est l’artère qui y injecte la vie. Cette rue animée aligne d’innombrables endroits où manger et faire du shopping. Impossible de tout visiter en une seule journée. « En été, c’est encore plus agréable, assure Devin Field, un habitant du quartier. Dès la fin avril, la rue est fermée aux voitures pendant le week-end et se transforme en un grand boulevard pour les piétons et les cyclistes. Les bars et les restaurants agrandissent leurs terrasses, les enfants jouent au milieu de la rue et on y organise même des cours de danse. »

« Un petit joyau urbain », voilà comment Devin qualifie Prospect Heights. « De nouvelles boutiques ouvrent régulièrement et le quartier présente un côté de Brooklyn très architectural. Dans les rues perpendiculaires à la Vanderbilt Avenue et autour du parc, se déploient les merveilleuses brownstones – ce grès rouge typique des maisons new-yorkaises édifiées vers le milieu du XIXe siècle. C’est un morceau de ville en évolution perpétuelle, mais qui parvient à garder sa personnalité. »

Mieux que Central Park

Le très agréable Prospect Park.
Le très agréable Prospect Park. © getty images

Avec quelques donuts dans notre sac à dos pour l’après-midi, nous roulons vers Prospect Park avant d’attacher nos vélos au Brooklyn Museum. Après le Metropolitan Museum of Art (MET), c’est le deuxième plus grand musée de New York, avec plus d’un million et demi d’œuvres d’art et d’objets. En bonus, quitte à être dans le coin: le Brooklyn Botanic Garden adjacent. Au Prospect Park, après un petit tour, nous nous posons dans l’herbe. Même si nous ne sommes visiblement pas les seuls à espérer trouver ici un peu de calme, c’est bien moins agité qu’à Central Park. Comme son grand frère de Manhattan, le lieu a comme pères spirituels les architectes paysagistes Olmsted et Vaux. Le domaine, achevé à la fin du XIXe siècle, abrite plusieurs pelouses, lacs et parcelles boisées. Si Central Park reste le chouchou des touristes, Olmsted et Vaux ont toujours considéré cette oasis verdoyante comme leur chef-d’œuvre.

Un autre art de vivre

Malgré sa proximité avec la grande ville, Prospect Heights affiche une atmosphère très différente. C’est moins la course, comme si on appuyait plus souvent sur la touche pause. « C’est une autre manière de vivre, confirme la tenancière du bar LaLou en tendant un verre de vin orange à deux touristes aux cheveux plaqués par leur casque. Moi, si j’étais vous, je resterais ici! » Pour nous convaincre, elle nous sert une délicieuse brandade de morue et une salade fraîche de chicorée, orange et noisette… qui sied parfaitement avec notre apéro du jour.

Chez LaLou.
Chez LaLou. © SDP

Trois minutes à vélo plus tard, c’est déjà l’heure du dîner. Au restaurant iranien Sofreh, on est heureux d’étendre nos jambes sous la table, tout en profitant d’un endroit qui, selon le New York Times, mérite le détour rien que pour ses toilettes entièrement habillées d’affiches persanes. Pour être honnêtes, ce sont surtout les plats que nous retiendrons, entre l’aubergine fumée à la sauce tomate avec des œufs pochés et le chou-fleur rôti au yaourt à l’échalote, au piment et à la pistache… Coups de cœur absolus! L’estomac bien rempli, nous retournons vers le parc en pédalant à travers les nombreuses rues aux belles maisons brunes, jusqu’à ce que nous atteignions le cinéma Nitehawk. Peut-être est-ce dû au cocktail que nous avons commandé pour regarder un film, ou aux centaines de coups de pédale de la journée, mais nous voilà vannés. C’est donc avec les yeux somnolants que nous regagnons ensuite l’obscurité de la ville qui ne dort jamais. Avec une idée en tête: dans le fond, ce ne serait pas une si mauvaise idée d’élire domicile à Prospect Heights…

En pratique

– Pour préparer ce reportage, nous avons fait confiance à Connections, qui connaît la ville comme sa poche depuis trente ans et qui y propose une vaste offre de voyages à vélo. Avec le forfait Bike in Business, vous pouvez réserver un voyage complet, du vol à l’hébergement, qui comprend une visite guidée à vélo dans Central Park et une journée complète de location de vélo pour explorer la ville à votre rythme. Voyage complet dès 1 480 euros, location de vélo dès 29 euros la journée. connections.be

– On vous suggère de louer directement le vélo pour deux jours, histoire de ne pas devoir tenir compte de l’heure de fermeture du service de location. Par ailleurs, assurez-vous que votre hôtel dispose d’un local à vélos fermé à clé pour ranger votre vélo pendant la nuit. C’est une exigence de la plupart des magasins de location, compte tenu des nombreux vols.

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