Road trip en famille le long de la côte sud de l’Angleterre
On a arpenté un véritable joyau de la Couronne: une côte ornée de falaises majestueuses, de cités balnéaires décontractées comme Bournemouth ou Brighton, mais aussi d’une ravissante New Forest. Récit d’un road trip familial éblouissant.
Jour 1 – Le long de la Jurassic Coast
Les Anglais, ici, promènent leur élégance sur les digues d’un littoral baigné d’un vaillant soleil d’été – n’allez surtout pas croire que la pluie ne leur offre jamais de trêve. Dès qu’on pose les pieds sur cette superbe Jurassic Coast, on s’y sent bien. Pour tout vous dire, on est arrivés la veille via l’EuroTunnel, avant de rouler d’une traite jusqu’au Dorset en empruntant les voies rapides, l’idée étant de revenir sur nos pas au fil des jours par les routes côtières. Le Dorset? Les Britanniques y passent leurs vacances comme les Français filent à la Côte d’Azur, profitant paisiblement d’une contrée décontractée, champêtre et championne dans l’art de préserver ses charmes. Direction Swanage pour y entrer par la grande porte.
Du parking de Middle Beach, la balade dure environ 30 minutes jusqu’aux superbes Old Harry Rocks, repaire de falaises blanches surplombant la mer de leur carrure surpuissante. En contrebas, la chorégraphie aléatoire des petits bateaux, des jet-skis et des kayaks, qui se régalent d’une vue tout aussi impressionnante sur les monstres de craie. Difficile de quitter le décor des yeux, tant il est hypnotisant. Le vent nous pousse pourtant vers le tout aussi bien taillé Corfe Castle. Une ruine qui en jette, mais surtout un village attenant, tout en pierres, qui mérite la halte.
L’après-midi, nouvelle excursion vers la cité balnéaire de Weymouth, sa jolie digue ornée de boutiques et de lunaparks. Sur la plage, un rictus nous échappe devant le marchand de glaces proposant un menu pour les humains et un pour les… chiens. Il est loin l’été où, dans cette même cité côtière, des milliers de jeunes soldats terrifiés s’entraînaient avant de traverser la mer jusqu’à Omaha Beach…
Jour 2 – De Durdle Door à Bournemouth
Toujours sur la Jurassic Coast, on se laisse séduire par un décor orné de maisons en toits de chaume, d’églises ancestrales entourées de pierres tombales égarées sur les pelouses, et des routes de campagne embrassées par une végétation coupée à ras du bitume. Pour la deuxième fois, on a eu l’excellente idée de se lever tôt pour admirer l’un des célèbres spots côtiers du Dorset, voire de toute l’Angleterre: l’arc de Durdle Door. Un bijou sculpté dans la roche, entouré de landes verdoyantes et baignant dans des eaux qui, selon l’humeur du ciel, passent du limpide au livide. C’est d’une beauté apaisante, comme ces morceaux d’Ecosse où semblent se confondre les saisons. Petite balade. Admiration… et frissons.
L’après-midi, le contraste est forcément saisissant quand on atteint Bournemouth via une route bordée de villas où les footballeurs de la Premier League jouent à celui qui a la plus belle seconde résidence. Régnant sur la plage et le Pier, l’inévitable Grande Roue offre un panorama sur tout le comté. Dans l’agréable centre-ville, les rues à boutiques et à bons petits restos s’échappent toutes du même cocon: un parc coquet où l’on peut tout aussi bien assister à un concert improvisé, un atelier de cirque ou une projection sur écran géant – quand on est passés, c’était Mary Poppins, les Anglais n’ont jamais rien contre les évidences. A propos de Mary, c’est aussi à Bournemouth que repose une certaine Mary Shelley, mère littéraire de l’adorable… Frankenstein.
Jour 3 – Au cœur de la New Forest
Cap vers l’est pour s’aventurer dans la surprenante New Forest, jadis terrain de chasse favori de Guillaume le Conquérant. Particularités de ce parc national où sommeillent 570 km2 de landes et de pâturages? Non seulement il s’agit de l’une des forêts les plus vastes du Royaume-Uni, mais en plus, cochons, cerfs, poneys ou vaches s’y baladent en toute liberté, sans barrière. Il va sans dire qu’on y roule très prudemment: un animal peut en cacher un autre dans ce paysage à l’atmosphère mi-épique, mi-féerique.
Ce qu’il faut voir dans les parages? Les rhododendrons et les camélias des jardins d’Exbury, le minuscule mais ravissant village portuaire de Buckler’s Hard, ou l’épitaphe de la dénommée Alice Liddell qui n’est autre que la jeune fille ayant inspiré Lewis Carroll pour rédiger Alice au Pays des Merveilles –vous savez désormais pourquoi l’univers fantasmagorique du livre imprègne littéralement toute la région. Le prestigieux musée Beaulieu, lui, attire bien des touristes, et pour cause: il abrite une collection clinquante de voitures anciennes que toute l’Angleterre jalouse.
Jour 4 – Paultons Park
Dans le nord-est de la New Forest, se cache un parc d’attractions qui nécessite une journée entière de lâcher-prise. Ses quelque 70 manèges et montagnes russes ont été soigneusement imaginées pour que parents et enfants s’y délectent. Car oui, fait rare: même les roller-coasters sont accessibles dès le plus jeune âge, tandis qu’une aire entière du parc est réservée à Peppa Pig, ce dessin animé britannique au succès planétaire qui a fait un buzz éclair en 2022 en devenant le premier cartoon à mettre en scène un couple homoparental.
Après une journée bien remplie, la récompense s’appelle The Royal Oak, à moins de vingt minutes de là. Un pub du XVIIe siècle qui sent bon la boiserie et la boustifaille dégustée entre deux pintes… brassées sur place. Bien sûr, le fish & chips est également au menu. Et l’air de rien, les plus petits sont (déjà) de retour au paradis, accueillis par un serveur qui dépose des crayons de couleur et un kid’s menu sur la table. Un rituel d’ailleurs commun à toutes les pauses food de ce road trip – à croire que dans ce pays, les enfants sont encore plus rois que le king.
Jour 5 – Winchester
Sa colossale cathédrale est une raison amplement suffisante pour aller se dégourdir les jambes à Winchester. L’édifice abrite la deuxième plus longue nef d’Europe après… Saint-Pierre de Rome – excusez du peu. Une nef très courue en raison d’une hôte prestigieuse nommée Jane Austen, dernière personnalité publique à avoir eu droit à un tombeau au sein d’une telle maison de foi. Il faut dire que l’autrice d’Orgueil et préjugés adorait s’y recueillir, flâner dans ses jardins et acheter des livres dans la petite bibliothèque attenante, planquée sous les voûtes depuis quatre siècles. Les autres lieux de pèlerinage font bien sûr l’objet d’un parcours fléché, entre l’ancien cottage transformé en musée ou la maison du n°8 de la College Street où Jane Austen a vécu les dernières semaines de sa vie avant de s’éteindre durant l’été 1817.
Une promenade plus large permet de mieux apprivoiser cette cité qui, aux IXe et Xe siècles, fut ni plus ni moins la capitale de l’Angleterre. Le charme médiéval de la vieille ville est intact, les rues piétonnes regorgent de chouettes adresses pour se sustenter, et pour ceux qui aiment les musées, le choix est débordant, entre un Westgate Museum racontant l’histoire des Tudor et des Stuart, ou un Great Hall où sommeille la célébrissime table ronde du roi Arthur. Entre chaque escale, les enfants s’adonnent à un jeu de pistes addictif qui consiste à trouver 15 lièvres géants éparpillés aux quatre coins de la ville. Pourquoi des lièvres? Elémentaire, nos chers lecteurs: c’est l’animal emblématique du comté du Hampshire que l’on foule.
Jour 6 – Brighton
Quel que soit votre GPS, demandez-lui – poliment – de passer par la route côtière pour rallier Brighton: sinon, il vous ramènera sur l’autoroute… où l’ambiance est moins bucolique. Sur place, par contre, inutile d’essayer de se soustraire à l’énergie d’une ville aussi cool qu’exubérante. Direction le quartier de North Laines, d’abord, pour se perdre dans un ancien bidonville désormais orné de boutiques branchées où dégoter fringues vintage, objets d’art et bijoux à gogo.
On pousse aussi les orteils jusqu’à Hanovre, au sommet d’une colline, pour photographier ses célèbres maisons pastel. On redescend ensuite vers Kemptown, à la fois repaire d’artistes et fief de la plus grande communauté LGBTQ du pays. Plus ouverte d’esprit que Brighton, y’ a pas.
Ses autres facettes apparaissent à la tombée de la nuit. Dans le mythique quartier des Lanes, les viandards comme les végétariens trouveront de quoi jubiler. L’ambiance se fait alors un brin plus électrique, les bars s’animent, les «live music» résonnent jusqu’au fameux Royal Pavilion qui est de tous les guides. On boit un cidre ou une craft beer sur un bout de terrasse, avant de traverser des ruelles garnies de fresques murales ou d’accepter une conversation improbable avec des jeunes en route pour le Pier.
C’est là-bas, d’ailleurs, qu’on jette ses dernières forces, sur ce bras de mer s’échappant de la plage. Les lumières du lunapark se reflètent sur l’eau. L’insouciance est totale, la fête s’emballe. Pour observer Brighton de (très) haut, on monte à bord de la tour British Airways i360, une capsule panoramique qui se hisse à 162 mètres d’altitude… La bohème en pleins cieux.
Jour 7 – Eastbourne
Le paysage est à nouveau plus sauvage sur la route menant vers Eastbourne, ville côtière exempte de toute excentricité mais que certains auraient trop vite fait de qualifier de «Brighton du 3e âge». Certes, Eastbourne attire un autre public, mais ses charmes n’en sont pas moins vigoureux. Le Pier, coiffé de dômes dorés, abrite un mini-golf indoor fluorescent, un bar jazzy-lounge et des Victorian Tea Rooms dont on accepte volontiers l’invitation à venir se régaler de scones et de confitures, le temps d’un goûter so british face aux embruns de la Manche.
Le long de la plage de galets, se déploient des échoppes d’artisans et de street food. En face, les hôtels avec vue affichent une élégance d’un autre temps, donnent aux lieux une aura poétique. Alors on se laisse happer. Et le vent nous accompagne jusqu’à l’immense Opposite Grand Hotel qui n’est autre que le seul et unique 5-étoiles de Grande-Bretagne avec pignon sur mer. On prend ensuite un bus à deux étages pour gagner le paisible village d’East Dean, dont on pourrait acheter n’importe quelle maison au hasard, assurés de s’y sentir bien. On pourrait aussi passer (au moins) mille nuitées au Tiger Inn, un hôtel qui accueille des visiteurs depuis le… XVIe siècle.
Sur la route, des hordes de moutons picorent le décor, tandis que l’appel du large reste insistant. Une balade s’impose vers les falaises de Beachy Head et son phare rouge et blanc aujourd’hui centenaire qui flotte dans l’eau claire. Il n’y a pas de sentier, on marche sur une immense plaine verdoyante dont le point de repère suivant est un (autre) phare: celui de Belle Tout, jadis construit pour tenter de freiner le nombre de naufrages dans ce fragment agité du Sussex et qui, durant ses vies suivantes, servit notamment de cadre à une scène du film Tuer n’est pas jouer – y a-t-il seulement un endroit d’Angleterre que James Bond n’a pas foulé?
Enfin, toujours plus loin, comme une ultime gracieuseté, la contrée nous offre les éblouissantes Seven Sisters. Une succession de falaises crayeuses qui sert de carte de visite à un parc naturel baptisé Country Park, paradis des randonneurs. Des géants blancs qui nous rappellent ceux de Swanage, aperçus au premier jour de notre périple. Un peu comme si tout recommençait. Après tout, ici, on dit parfois que demain ne meurt jamais.
En pratique
– Visites, logements et restos: visitbritain.com
– Via l’EuroTunnel, la traversée de Calais à Folkestone dure 35 minutes. Puis comptez 4 heures de route jusqu’à la Jurassic Coast par l’autoroute.
– Pour conduire? Pas de panique: la conduite à gauche est bien plus intuitive qu’il n’y paraît. Il suffit de suivre le flux, puis on s’habitue très vite. Bon à savoir: les limitations de vitesse sont indiquées en miles. En théorie, votre GPS peut les convertir en kilomètres.
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