Du lait et des oeufs bientôt produites sans animaux: focus sur la fermentation de précision

Animals toys (no logos or brands) arranged together in front of the camera to represent natural food.

Créer de véritables protéines de lait ou d’oeuf sans utiliser d’animaux: des start-ups cherchent, grâce à la fermentation de précision, à reproduire la texture, le goût et l’apport nutritif de fromages ou omelettes délestés de l’empreinte carbone de l’élevage.

Dans les laboratoires de Standing Ovation à Paris, c’est dans une salle sombre que débute la conception du produit: il faut insérer dans un micro-organisme (levure, champignon, bactérie) des gènes de la vache capables de produire de la caséine, la principale protéine contenue dans le lait.

Ces micro-organismes « poussent » ensuite dans des fioles avant d’être transférés dans des fermenteurs où, mélangés à de l’eau, du sel, de l’azote et du sucre, ils se multiplient. A partir d’une fiole de 30 millilitres, l’entreprise peut produire un litre en 24 heures.

Filtrés, centrifugés, délestés des micro-organismes génétiquement modifiés du départ, ils deviennent une poudre blanche que la start-up prévoit de fournir, en sacs de 25 kilogrammes, aux industriels. Charge à eux de la transformer en équivalent de camembert, crottin, fromage à tartiner ou crème glacée, d’en reconstituer la fermeté, le filant ou le fondant.

Les produits se rapprochent plus de leurs équivalents d’origine animale que les substituts vegan, fabriqués à partir d’huile de coco ou de noix de cajou par exemple, assure Romain Chayot, cofondateur de Standing Ovation. « A la fin, la protéine est la même que celle qui sort du pis de la vache », dit-il. 

Pas une solution miracle pour les allergiques aux protéines de lait donc, mais potentiellement une bonne nouvelle pour les intolérants au lactose, le sucre produit par le lait.

Standing Ovation peut aussi partir de l’ADN d’une chèvre, d’une brebis, d’une bufflonne ou même, si l’envie venait, d’une baleine.

Moins d’émissions

Transformer le blé en pain, le raisin en vin: la fermentation est une méthode éprouvée depuis des siècles dans l’alimentation.  Mais s’y sont récemment ajoutées des techniques permettant d’entraîner des micro-organismes à produire des protéines ou enzymes spécifiques.

Les principales utilisations: la reproduction de protéines de lait (caséine et lactosérum), d’oeuf, ou de substances comme le hème, utilisé par des fabricants de burgers végétaux pour se rapprocher de la viande rouge.

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Contrairement à la viande issue de la culture de cellules, la fermentation de précision n’utilise pas de cellules animales.

Le secteur a décollé depuis 2020, attirant 938 millions de dollars d’investissements en 2021 et 382 millions en 2022, selon Good food institute (GFI), un organisme américain qui promeut les alternatives à la viande.

La start-up lyonnaise Bon Vivant, qui produit aussi des protéines de lait, a annoncé jeudi avoir levé 15 millions d’euros supplémentaires pour se développer.

Aux Etats-Unis (Perfect Day, Every), en Allemagne (Formo), en Israël (ReMilk), d’autres entreprises se lancent sur ce créneau. GFI en recensait 62 dans le monde fin 2022.

Des crèmes glacées fabriquées à partir de la protéine de lactosérum de Perfect Day sont vendues depuis 2020 aux Etats-Unis.

C’est dans ce pays que Standing Ovation espère commercialiser sa poudre à partir de 2024, indique Romain Chayot. 

Le processus d’autorisation dans l’Union européenne, celui réservé aux « nouveaux aliments », est plus long. Standing Ovation y vise 2025 ou 2026. 

La start-up produit actuellement dans un fermenteur – une cuve en acier -, de 10 m3 mais veut passer à terme à un fermenteur de 200 m3. Elle espère que les produits fabriqués à partir de sa poudre seront au même prix que leurs équivalents d’origine animale.

Les encourgements de l’agro-industrie

Les industriels encouragent ces innovations. Standing Ovation a noué en 2022 un partenariat avec Bel, le fabricant du Kiri et du Boursin, qui distribue déjà une gamme de fromages végans à base végétale.

Nestlé et Unilever mènent aussi des expérimentations. 

Les produits issus de la fermentation de précision « produisent une fraction des émissions de l’élevage », régulièrement épinglé pour le méthane issu des rots des ruminants, « et utilisent moins d’eau », remarque Stella Child, employée par Good Food Institute pour promouvoir la recherche dans ce domaine en Europe. 

« De la même façon que les gouvernements ont aidé au développement des énergies renouvelables, ils devraient aider le secteur de la fermentation à passer à l’échelle supérieure » pour promouvoir une alimentation plus durable, avance-t-elle.

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