Nan Ping Gao, une Chinoise au cœur des vignes françaises

Nan Ping Gao
Nan Ping Gao

Arrivée de Chine en 1986, Nan Ping Gao est devenue une figure du vignoble français des Corbières (sud-ouest) à la tête du château La Bastide, elle a tiré d’une terre aride des cuvées servies dans une vingtaine de restaurants étoilés.

« Ils voulaient acheter à Bordeaux, je les ai convaincus d’investir dans les Corbières », relate-t-elle souriante, devant la grande demeure du XVIIIe siècle, au coeur du domaine acquis en 2015 par le groupe chinois BHC International Wine Assets Management. Avec leur cabinet de conseil, Nan Ping Gao et son mari Xu n’étaient initialement que des intermédiaires pour la transaction. Mais ils ont été promus à la tête de l’exploitation de 180 hectares, située sur les communes d’Escales et Lézignan-Corbières, entre Carcassonne et Narbonne (sud-ouest).

Cette femme de 60 ans ironise sur son irruption dans un milieu viticole plutôt fermé. « Au début, avec ma tête de Chinoise, cela n’a pas été facile. On n’a pas été accueillis chaleureusement. Mais à force de travail et de passion, on s’est fait respecter et accepter », dit-elle à l’AFP. Depuis, elle n’a pas pris un jour de vacances et prépare ses huitièmes vendanges. Membre de la Confrérie des illustres seigneurs des Corbières, de l’association Parole de femmes Aude, intronisée au Consulat de Septimanie, organisme local de promotion des vins, et bientôt à l’Académie universelle du cassoulet, son engagement pour le terroir est largement salué.

Du Sichuan au Languedoc

Née de parents enseignants en 1962, elle a grandi à Chengdu, capitale de la province du Sichuan. A 24 ans, elle part poursuivre ses études de littérature à Montpellier (sud). Elle y découvre le vin et rencontre son mari, Chinois aussi, qui prépare un doctorat en géologie. En 1989, pendant les évènements de la place Tian An Men, elle s’est mobilisée contre le gouvernement chinois.

Nan Ping Gao

Déchue de sa nationalité, elle sera naturalisée française en 1993. Nan Ping et Xu Gao travaillent ensemble. A Montpellier, où elle était interprète du maire Georges Frêche, ils ont tenu un restaurant pendant vingt ans, et créé un cabinet de conseil mettant en relation les viticulteurs du Languedoc et des importateurs en Chine. « Elle a les idées, je les mets en oeuvre. Moi, c’est plutôt les chiffres et les finances, elle la stratégie. Elle est littéraire et créative, je suis scientifique », résume son mari, 62 ans, avenant et discret. Joviale et hyper-active, lunettes rondes et T-shirt rouge siglé « Château La Bastide », Nan Ping Gao parcourt ses vignes dès le lever du jour, surveille les prévisions météo.

Evoquant le gel tardif de 2021, elle a les larmes aux yeux. « Là, j’étais à genoux. On a perdu 80% de la récolte », se souvient-elle en passant la main parmi les feuilles d’un vert intense, qui cachent des grappes bien formées.

Femme engagée

« Ils ont énormément développé le domaine, salue Catherine Verneuil, directrice du syndicat général de l’AOC Corbières. La Bastide est devenu un cru de prestige, c’est précieux pour l’image de l’appellation ». Sur les 250 exploitations du terroir, une poignée sont sous pavillons russe, belge ou britannique. Seule La Bastide appartient à des Chinois, quand le Bordelais en compte une centaine.

Les bonnes années, la production atteint 350.000 bouteilles de rouge, blanc et rosé, vendues de sept à 35 euros selon les cuvées. Environ un tiers sont exportées en Chine, 2e marché après la France.

Nan Ping Gao
© afp

La Bastide affiche « 18 récompenses, dont huit médailles d’or. Ce fleuron des Corbières était à l’abandon. Ils lui ont redonné son éclat », souligne Michèle Granier, chancelier du Consulat de Septimanie.

Nan Ping Gao, mère de deux enfants et grand-mère, n’envisage pas de prendre sa retraite. « Le travail me remplit de joie », dit-elle, attachée depuis deux ans à la conversion bio du domaine, afin de revenir aux méthodes ancestrales.  Une de ses fiertés est que la cuvée Istoria 1770, assemblage de cépages syrah et grenache, avec un soupçon de mourvèdre, accompagne les plats de Gilles Goujon, de l’Auberge du vieux puits à Fontjoncousse, trois étoiles au Michelin.

Les chefs sont selon elle « les meilleurs ambassadeurs ». Le plus difficile à convaincre a été un restaurateur de Lézignan-Corbières, ancien rugbyman. Pour tenir la conversation, Nan Ping Gao s’est initiée au rugby à XIII. Il a fini par incorporer les vins de La Bastide à sa carte.

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