© Joël Saget, AFP via Getty images

Hugo Desnoyer, le boucher français qui défend la viande à contre-courant

« Les bouchers sont très dévalorisés alors qu’on fait un métier fantastique »: pour Hugo Desnoyer, qui fournit les meilleures tables de Paris et partage dans ses livres des recettes simples et conviviales, il faut se mobiliser pour défendre la bonne viande.

Ce symbole du patrimoine gastronomique français, longtemps indissociable des grands repas au restaurant ou en famille, a de plus en plus mauvaise presse. Soucieux d’envoyer un message moderne et écoresponsable, de nombreux chefs déplacent leur créativité vers les légumes et les céréales. Et, dans les menus proposés aux athlètes des JO-2024, la France mettra l’accent sur le végétal.

« C’est un peu gênant », confie à l’AFP Hugo Desnoyer, 52 ans, dans sa boucherie-restaurant à Paris. « Notre métier a besoin de vivre et de respirer. Cela fait 26 ans que je suis installé, j’étais en progression et, maintenant, stagnant au niveau des chiffres ». « Auparavant, le boucher était l’homme le plus riche du village » et, « du temps des rois, c’était des familles qui étaient nommées par la cour, des gens anoblis », rappelle-t-il.

Celui qui passe depuis une vingtaine d’années une semaine par an au Japon pour transmettre l’art de la découpe française, « meilleure au monde », regrette aussi que, dans l’Hexagone, les jeunes ne se bousculent pas pour faire ce métier. « Bien sûr que la viande doit être défendue. En tout cas la bonne viande, le travail que je fais, parce que, quand on voit ce qui se passe dans les élevages intensifs sur la planète, en Amérique, en Australie, cela m’écœure », dit-il.

Douches et musique classique

En dépit des injonctions omniprésentes à réduire la consommation de la viande, le boucher estime tout de même qu’il a de « belles années » devant lui. « Je n’ai jamais recommandé de manger beaucoup de viande: 3-4 fois par semaine, mais la bonne ».

Il a mis au point avec un nutritionniste une alimentation au foin pendant les huit derniers mois de la bête afin d' »affiner » le boeuf, ce qui lui donne un goût très particulier. « Les gens veulent ces produits, veulent la bonne qualité », affirme-t-il, en avançant que « les mentalités vont peut-être changer dans dix ans ».

Artisan médiatisé, Hugo Desnoyer a fait l’objet d’attaques de la part des vegans et défenseurs des animaux, qui ont manifesté devant ses boutiques. Pour y remédier, il explique sa démarche destinée à réduire la souffrance des animaux dans les abattoirs: il a demandé des joints en caoutchouc pour que les portes ne claquent pas, ainsi que d’introduire de la musique classique et des douches pour détendre les bêtes.

« Au début, on m’a pris pour un taré et, maintenant, tout le monde fait ça », assure-t-il. En 2019, il a également cosigné une tribune contre l’élevage intensif avec l’association L214, avec laquelle il dit avoir « des échanges constructifs ».

Cuisine de grand-mère

« Partisan boucher » est le titre de son dernier ouvrage, dont il est « fier » parce que ses recettes de bavette à l’échalote, effiloché de porc, boulettes d’agneau ou pot-au-feu sont à la portée de tout le monde et impliquent aussi des « bas morceaux », plus démocratiques. « Je ne suis pas un chef mais un boucher qui a appris à cuisiner avec sa mère, sa grand-mère », souligne-t-il.

« J’aime bien cette idée du partage à table, le rôti, le poulet de dimanche, les bons plats en sauce que faisait ma mère. C’était convivial, cela rapprochait, cela crée le lien familial et social », poursuit Hugo Desnoyer, estimant qu’on ne se retrouve pas de la même manière autour d’un plat de tofu.

Dans un autre registre, on trouve dans le livre son tartare de veau, nature ou « habillé de caviar », qui a été servi ces derniers mois à sa table d’hôte, placée au cœur de la boucherie, avec du cognac Hennessy. Un projet éphémère autour d’un accord de viande et alcool fort dont l’Asie raffole mais qui n’est pas dans l’air du temps en Occident et qui a « marché… gentiment », reconnaît-il.

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