Le renouveau de la cuisine asiatique (+ 3 recettes)
Loin des idées reçues sur les restaurants asiatiques, certains se démarquent de la tradition pour explorer d’autres contrées gustatives. Gastronomique, lounge ou familiale, on vous emmène à la découverte de trois de ces adresses empreintes de saveurs… et de l’un de leurs plats signatures.
Monsieur Ho est une légende! C’est Yen Pham du Yi Chan, un restaurant de notre capitale aujourd’hui célébre pour ses cocktails, qui le dit. Et pour cause, Monsieur Ho en question, qui ressemble à s’y méprendre à Maître Miyagi de Karaté Kid, est un pilier de toute la communauté taïwanaise à Bruxelles. Il fut le premier à lancer le Tai Hon, un mot qui signifie générosité, dans le quartier de la Grand-Place.
Pourtant, durant ses études au Conservatoire de Taipei, l’homme n’aurait jamais imaginé prendre cette voie. Lorsqu’il quitte son pays, c’est d’abord pour étudier la composition musicale à Vienne, avant de venir à Bruxelles, une année plus tard, toujours dans le but de parfaire son parcours artistique. Mais il faut bien faire bouillir la marmite… C’est alors qu’en 1989, avec son épouse Chang Yi Lin, ils décident d’ouvrir une première table, au centre-ville. Le couple y propose des plats issus de la tradition familiale. Et l’affaire se développe. Mais il y a huit ans, la sagesse pousse le chef à revenir à ses origines : il inaugure une nouvelle adresse, à deux enjambées de la place Jourdan, où il travaille avec ses proches et se limite à une poignée de couverts. Son fils Ho Hong Thou officie en cuisine, reproduisant à la fois les recettes de sa maman, comme cette surprenante sauce à la tomate et au beurre, ou initiant une mayonnaise de son cru. Désormais, ce petit local sans ostentation affiche souvent complet. Les clients s’y délectent de beignets de scampis et de bananes ou encore d’aubergines servies en plat végétarien ou accompagnées de morceaux de viande. Les fritures, à base de fécule de pomme de terre, sont aériennes… un régal simple et bon. Quant aux notes de piments, elles sont maîtrisées pour révéler la saveur et non le côté piquant. Rachid, qui fait partie du clan, mène le service de sa voix bien marquée, soulignant entre autres que vous pouvez remplir d’eau chaude la théière que vous venez de terminer à quatre reprises et que de nouveaux arômes apparaîtront avec les mêmes feuilles de Oolong…
Mixage de cultures
On entre dans un univers totalement différent chez Baguettes et Fourchette, à Gembloux. Le bâtiment en béton lisse et l’intérieur contemporain, doublé d’une cuisine ouverte, surprennent de prime abord. C’est que Ping Yong, le propriétaire, est fan d’architecture et qu’à son arrivée chez nous, il s’est inscrit aux beaux-arts. Pour payer ses études, il travaillait comme cuistot, jusqu’à décider d’obtenir, en cours du soir, l’équivalence d’un diplôme d’hôtellerie déjà conquis dans sa ville natale, Nankin. C’est d’ailleurs là-bas qu’il a rencontré, sur les bancs de l’école secondaire, son épouse et bras droit Wang Tao. En 1994, le couple ouvre un premier établissement dans cette cité de la province de Namur, pour déménager en 2012 dans un lieu qui leur permet de vivre avec son temps. Le nom de l’endroit indique d’ailleurs sa volonté d’utiliser des ingrédients de la cuisine française avec des notes de son pays d’origine, pour élever le tout à un niveau gastronomique. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y parvient avec beaucoup d’élégance.
Cocktails et vapeur
Pour découvrir le troisième temple de cette empire du Milieu revisité, on revient sur Bruxelles, entre la Bourse et les halles Saint-Géry. C’est là que, depuis près de trois ans, Yen Pham a donné un sérieux coup de neuf au restaurant créé par ses parents. « C’était au début des années 80, Le Bambou Fleur fut le premier asiatique de la rue Van Praet, rappelle-t-il. Ma famille avait fui la Chine à l’arrivée du communisme, pour aboutir au Vietnam. Mon père y a connu la guerre, il a quitté le pays dans l’exode des boat people. Ouvrir une petite table a donc été un moyen de nourrir ses cinq enfants. Un des plats mythiques était le phao vietnamien, qui se prononce feu-euh. C’est un bouillon de boeuf enrichi d’épices: girofle, badiane, coriandre, cardamome, cannelle… Si mes frères ont accompli de brillantes études, j’étais loin d’être un élève assidu. Par contre, j’ai fait des petits boulots dans l’horeca, à commencer par la plonge, jusqu’au jour où j’ai décidé de voir le monde et je me suis découvert un intérêt pour les cocktails. » Son mentor deviendra Filippo Baldan, le barman légendaire de l’hôtel SAS.
Fort de ce bagage, l’homme reprend en 2016 l’affaire de ses parents et la rebaptise Yi Chan, ce qui signifie héritage. A la carte, on trouve toujours le phao, mais la colonne vertébrale, ce sont les long drinks servis avec des paniers vapeur. Leur assortiment est réduit à cinq Xiao Long Bao, dont celui au foie gras. On trouve aussi un grand classique de la cuisine cantonaise, le char siu bao, un petit pain cuit à la vapeur (dont la préparation nécessite 2 jours) et farci de viande de porc marinée et rôtie. Mais là où Yen et ses barmans excellent, c’est dans la préparation de cocktails originaux. Pour atteindre le sommet de la pureté des saveurs, ils n’hésitent pas à recourir aux techniques les plus avancées: extraction par ultrasons, concentration par évaporation sous vide… L’approche est résolument moderne et séduisante.
3 recettes:
Yi Chan: Filet de porc Char Siu
Baguettes et fourchette: Coeur de ris de veau, arômes d’Asie
Tai Hon, 356, chaussée de Wavre, à 1040 Bruxelles. Tél.: 02 230 01 31 (réservation conseillée). p>
Baguettes et Fourchette, 201, chaussée de Charleroi, à 5030 Gembloux. Tél.: 081 61 61 82. p>
Yi Chan, 13, rue Jules Van Praet, à 1000 Bruxelles. Tél.: 02 502 87 66. p>Et une petite perle en plus…
Ramen Délice, 356, chaussée de Boondael, à 1050 Bruxelles. Tél.: 02 640 71 27. p>
Prisé des connaisseurs, ce petit restaurant sert une cuisine chinoise du Sichuan, donc la plus épicée. Signe de sa qualité, il est souvent fréquenté par des Chinois de tout âge dont de jeunes cadres expatriés à Bruxelles. Pour les Européens, les plats sont déclinés dans une version moins relevée… Quant au nom japonisant du lieu, le couple de jeunes propriétaires ne l’a pas changé quand il a repris l’enseigne, il y a trois ans déjà. p>
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