Les arepas, les galettes traditionnelles venezueliennes qui font craquer le monde entier

arepa

Des rues de Caracas à la jet-set new-yorkaise, de Paris à Tokyo ou Hong-Kong, l’arepa, la galette vénézuélienne à base de maïs, surfe sur la mode du sans-gluten et « conquiert le monde », portée par la vague d’émigration d’un pays en crise.

Prête en quelques minutes en mélangeant farine de maïs précuite et eau, l’arepa peut être remplie avec les ingrédients de son choix: des restes dans le réfrigérateur jusqu’à des préparations plus élaborées. La préférée des Vénézuéliens est la « reina pepiada »: poulet, mayonnaise et fromage.

Les différentes recettes d’arepa

Les arepas, les galettes vénézuéliennes à base de farine de maïs qui se retrouvent sur les tables des cinq continents, peuvent se garnir avec des accompagnements divers et variés. Voici les recettes qui rencontrent le plus de succès et dont les noms en argot se réfèrent souvent à la femme.

– Viuda (veuve): Comme son nom l’indique, elle n’a pas d’accompagnement, c’est la galette sans rien. Sèche.

– Reina pepiada (Reine amoureuse ou Reine de mes rêves): poulet mayonnaise et avocats. Il est communément admis que c’est la plus populaire. Elle a été crée par des restaurateurs de Caracas et son nom est un hommage à Susana Duijm, la première Vénézuelienne sacrée Miss Monde en 1955.    

– Sifrina (frimeuse ou snobe): Une dérivée de la Reina pepiada mais avec du fromage râpé en plus. 

– Rumbera (fêtarde): On assure que c’est celle-là qu’il faut manger en sortie de discothèque pour éponger l’alcool. Gigot ou émincé de porc avec du fromage.

– Pelua (chevelue ou poilue): Les « cheveux » sont la viande émincée qui dépasse de la galette. Plus fromage rapé.

– Catira (la blonde en argot): poulet avec un fromage jaune type cheddar ou gouda (d’où le terme de blonde)

– Domino: Haricot noir et fromage blanc râpé

– Rompe-Colchon (brise-matelas): On fait référence ici aux vertus prétendument aphrodisiaques des fruits de mer qui en sont la garniture.

– Aguita de Sapo (eau de crapaud): Pas de cuisse de grenouilles mais de l’émincé de gigot de porc arrosé avec le jus de la cuisson. Une spécialité de la région de Maracaibo (ouest)

– Peluca (avec perruque): Avec le fromage râpé sur la galette et non dedans.

– Musiua (l’étrangère): c’est un hamburger où le pain est remplacé par la galette.

« Là où il y a un Vénézuélien, il y a une arepa. L’arepa est en train de conquérir le monde », assure le critique gastronomique vénézuélien Ricardo Estrada Cuevas, auteur du livre Arepologo .  

« C’est le pain quotidien du Vénézuélien. Il en mange tous les jours, tous les soirs », souligne Patrick Ribas, qui a traduit la version française. « On peut y mettre tout ce qu’on a envie. C’est un plat qu’on peut manger aussi sans rien dedans quand on n’a pas beaucoup d’argent. C’est le cas malheureusement de pas mal de Vénézuéliens ».

La crise, qui a vu le PIB se contracter de 80% entre 2013 et 2022 dans le pays, a provoqué l’exode de plus de sept millions de Vénézuéliens (sur 30 millions) qui se sont disséminés partout dans le monde, diffusant l’arepa.

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« Ca change »

Marlyn Quiroga, 47 ans, était avocate au Venezuela qu’elle a quitté il y a cinq pour s’installer à New York. « Au début je faisais un peu de tout comme tous les immigrés qui arrivent », dit-elle, mais en 2021 elle s’est lancée dans un service traiteur d’arepas alors qu’elle « ne savait pas faire un oeuf » auparavant.

« Je faisais du porte-à-porte dans le Queens: salons de beauté, bureaux, cliniques. Je donnais des échantillons, raconte-t-elle.

Le succès a été fulgurant et la patronne de « Arepa LaNewyorquina » assure que dans les fêtes new-yorkaises on préfère désormais les arepas, sans-gluten, au pain. 

« Ca change des hamburgers qu’on trouve partout », confirme Jean-François Lamaison, concepteur numérique de 63 ans dans le restaurant Aji dulce – Le goût du Venezuela, à Paris, dont l’ardoise prône l' »Arepa Power ». 

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« Ça a le mérite d’être une galette de maïs avec des trucs assez bons, style banane plantain ou autres. J’aime bien la diversité des goûts », dit-il.

Le patron Luis Fernando Machado, ingénieur de l’industrie pétrolière avant son départ du Venezuela en 2011, a commencé par un « food-truck » de gastronomie vénézuélienne en 2014. Succès aidant, il a désormais pignon sur rue avec un restaurant dans le 9e arrondissement qui emploie 10 personnes et dont la cuisine est ouverte pour que « la clientèle puisse voir la préparation ».

« Les Parisiens aiment découvrir la nourriture exotique et là c’est comme faire un petit voyage dans les Caraïbes », explique l’homme originaire de Punto Fijo, au nord-ouest du Venezuela.

« Les choses faites maison avec des produits frais, ça plaît », ajoute-t-il, soulignant s’approvisionner dans des épiceries exotiques (colombienne, africaine, antillaise) de la capitale française.

« Une arepa, c’est ma mère »

Luis Fernando Machado assure aussi bénéficier de la demande croissante de « repas complets » sans gluten. « Il y a beaucoup de touristes qui viennent (…) car nous sommes bien référencés dans les restaurants +gluten-free+ », se réjouit-il.

« Nourriture de rue saine et sans gluten »: c’est ainsi que Raul Marquez, vénézuélien de 42 ans, et son épouse japonaise Miho, présentent leur food-truck de galettes vénézuéliennes à Tokyo.

Edner Trenteetun, patron du Viva Mi Arepa à West Roxbury (Boston)

« Le Venezuela a traversé une période difficile (…) il y a une forte émigration. Nous apportons avec nous une partie de ce qui nous appartient. Les arepas en font partie. Pour moi, une arepa, c’est ma mère. C’est manger le matin avant d’aller à l’école (…) c’est ce que je mets aujourd’hui quand je vends des arepas: cette passion, cet amour qui vient de chez moi », dit Raul Marquez.

A Caracas, Lisbeth Marquez vend depuis 15 ans des arepas dans « la rue de la faim », de 16H00 et 02H00 du matin. Sa préférée ? La « pabellon » avec du beurre fondu, des haricots noirs, un oeuf et du fromage râpé.

Et si elle en vend quelque 1200 par jour, elle en confectionne chez elle avant d’aller au travail: « je ne me lasse pas d’en manger. La meilleure arepa, c’est celle de la maison ».

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