La bière en poudre, l’avenir écologique de la brasserie

Une robe blonde, de la mousse, une saveur amère : la dernière création de Stefan Fritsche ressemble à une bière sans alcool ordinaire. Mais elle a été obtenue sans brassage, juste avec de l’eau et une farine aux reflets jaunâtres.

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L’enthousiaste patron de la brasserie de Neuzelle, dans l’est de l’Allemagne, à la frontière polonaise, se vante d’avoir développé « la première bière en poudre au monde », pour l’instant sans bulles et sans alcool.

Dans une salle de réception au style ancien, l’homme mélange 50 grammes de la précieuse poudre à un demi-litre d’eau, à la manière d’un chimiste. En quelques secondes, la boisson est prête.

L’intérêt est de « pouvoir exporter seulement le goût de la bière, sans bouteille ni eau », explique M. Fritsche qui collabore depuis 2 ans avec des laboratoires européens. 

L’enjeu environnemental est de taille : cela permettrait, selon lui, de réduire de 90% le coût de transport d’une bière en bouteille. « On veut devenir la première brasserie durable au monde », insiste cet Allemand de 56 ans.

Selon le calculateur d’empreinte carbone « Impact CO2 », l’emballage et le transport représentent 70% des émissions d’un litre de bière.

Un gain de temps également, car la production en laboratoire est plus rapide que le brassage traditionnel, long de deux mois en moyenne.

Avec cette poudre, « chacun pourrait disposer de sa propre brasserie à la maison », promet-il.

Exporter en Asie

Mais un long chemin reste à parcourir avant la commercialisation et la vente à d’autres brasseries ou supermarchés.

Il faudra encore au moins 4 mois de travail – et l’aide de nouveaux investisseurs – pour produire une poudre alcoolisée en quantité industrielle. 

Le brasseur compte aussi exporter la variante sans alcool. Les pays africains et asiatiques, plutôt qu’européens, seront le coeur de cible car le transport de bière y est plus coûteux, selon M. Fritsche. 

La poudre devra aussi passer l’examen du « décret de pureté » (Reinheitsgebot), une règle vieille de plus de 500 ans, qui encadre strictement en Allemagne l’appellation de « bière » et les ingrédients autorisés, au risque de limiter les innovations, selon certains acteurs de la brasserie.

Mais Stefan Fritsche se dit confiant, ayant déjà bataillé dans le passé devant les tribunaux pour obtenir une autorisation spéciale de production pour une de ses bières brunes.

A terme, le brasseur rêve même d’une « méga-usine » de bière en poudre dans la région de Berlin. 

« Nous savons que les buveurs de Pils et les passionnés de bière artisanale, surtout en Allemagne, seront d’abord sceptiques vis-à-vis de notre produit », concède la brasserie dans un communiqué. 

La poudre de bière est une « innovation sympa », mais « ça ne viendra pas mettre en danger, ni même chambouler nos brasseries traditionnelles », réagit Benedikt Meier de la fédération des brasseries privées de Bavière, interrogé par l’AFP.

« Une bière en poudre qui se prépare à la maison n’est pas une alternative sérieuse pour les amateurs de bière » qui cherchent la convivialité des bistros, ajoute Heiner Sieger de l’association bavaroise « Bier und Wir ».

Vendre de la bière en poudre n’est pas une idée nouvelle. En 2016, une brasserie danoise annonçait déjà avoir créé 4 variétés de poudres aux goûts différents. Mais aucune trace de ce projet ne subsiste sur leur site internet.

Avant cela, l’entreprise américaine Lipsmark avait défrayé la chronique avec ses sachets d’alcool fort en 2014. Le produit a été banni dans la majorité des Etats puis retiré avant sa commercialisation.

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