interview et recettes boucher dierendonck
© Amber Van Bossel

Le boucher star Hendrik Dierendonck ouvre une boutique à Waterloo: “La viande ne sera plus essentielle”

Nathalie Le Blanc Journaliste
Fanny Bouvry Journaliste

Une cinquième place sur la liste des 101 meilleurs restaurants de steaks au monde avec Carcasse, une nouvelle table au Zoute et, d’ici fin septembre, une première boutique en Wallonie: l’empire du boucher Hendrik Dierendonck ne cesse de grandir. Rencontre.

«J’ai beaucoup d’ambition, oui.» Hendrik Dierendonck (49 ans) contemple la salle de son nouvel établissement, au Zoute, où nous le rencontrons au début de l’été. Tout a commencé avec la boucherie de son père à Saint-Idesbald, Dierendonck, puis sont arrivées des enseignes à Nieuport, Courtrai et Bruxelles, un atelier de production et un restaurant, Carcasse. Depuis 2019, cette table, située à Coxyde, est auréolée d’une étoile Michelin et cette année, elle a été nommée parmi les meilleurs établissements préparant le steak en Europe. Autant de raisons pour ouvrir en 2024 un second Carcasse, à Knokke cette fois…

«Nous rêvions d’une autre implantation dans une ville, sans vraiment chercher à concrétiser ce projet, nous explique le boucher. Et puis ce bâtiment s’est libéré. Lorsque mon chef, Timon Michiels, m’a paru prêt à s’y installer, nous avons sauté le pas. Knokke-Heist n’est pas une ville, mais le public international qui s’y rend partage l’intérêt et le budget nécessaires pour adopter notre offre haut de gamme.»

Les inaugurations ne sont cependant pas terminées pour le Ouest-Flandrien. Car en cette rentrée, c’est du côté du sud du pays qu’il met pour la première fois le pied. Fin septembre, il ouvrira une boutique, chaussée de Tervuren à Waterloo, avec un concept un peu différent. Pour sûr, ses habitués, conquis lors de leurs vacances à la côte, attendent cette arrivée avec impatience. Le roi du tartare coupé au couteau nous en dit un peu plus…

Le nom Dierendonck est-il connu en Wallonie et y avait-il une véritable attente?

Nous avons toujours eu de nombreux clients «ambassadeurs» qui venaient déjà à Saint-Idesbald depuis toute la Wallonie et qui ont contribué à faire connaître notre nom partout en Belgique. Nous avions depuis longtemps l’intention de nous rapprocher littéralement d’eux. Cependant, parler d’attente serait un grand mot. La notoriété de notre marque est un atout, mais nous devons toujours partir du principe que chaque nouvelle boutique commence de zéro. L’artisanat, le terroir et la passion restent les valeurs fondamentales que nous véhiculons dans chacune de nos boutiques.

L’approche est-elle la même qu’en Flandre?

La qualité de la viande, la présentation, l’apparence et le service restent les mêmes partout, mais l’emplacement de notre nouvelle boutique est un peu différent, étant moins central. Pour cette raison, nous avons décidé d’élargir notre assortiment. Ce sera une sorte d’atelier/épicerie Dierendonck, où nous proposerons également des fromages sélectionnés en Wallonie et en Flandre en collaboration avec les affineurs de Van Tricht. De plus, une rôtisserie offrira de délicieux poulets fermiers rôtis et du jambon braisé.

Envisagez-vous l’ouverture d’un restaurant en Wallonie plus tard?

A Waterloo, il y aura environ quatorze places assises où les clients pourront déguster un petit plat, avec un choix parmi six tartines toastées différentes, avec entre autres du tartare de bœuf frais, du pastrami ou du vitello tonnato. De là à ouvrir un véritable restaurant, ce n’est pas à l’ordre du jour pour l’instant. Notre priorité est de bien soigner notre nouvelle boutique et de continuer à satisfaire nos clients.

Travaillez-vous avec des producteurs wallons de viande?

Absolument. Notre bœuf rouge flamand est produit en quantité limitée, et en tant qu’artisan, j’ai besoin de nouveaux éleveurs qui partagent la même passion et philosophie que nous. Nous travaillons depuis quelques mois avec une deuxième race ou, plus précisément, une sélection issue des Ardennes, le bœuf des Ardennes. Nous collaborons avec six éleveurs environ qui élèvent quatre races différentes. C’est merveilleux, car le fait de s’implanter en Wallonie attire spontanément de nouveaux éleveurs vers nous… Vive le terroir!

Votre empire ne cesse de s’accroître, cette fois de l’autre côté de la frontière linguistique. Quel est votre secret?

Lorsque j’ai repris l’affaire de mon père, nous comptions deux employés, aujourd’hui nous sommes cent trente. Ce que nous faisons n’est pas si exceptionnel. Tout le monde pourrait nous copier, mais ce n’est pas le cas. Pas avec la même passion pour l’artisanat et le terroir, ni avec le même souci du détail. Je vise haut, je veux que tout soit parfait. Cela engendre beaucoup de pression, mais aussi de la reconnaissance. Nous sommes devenus une marque mais je ne cherche pas nécessairement à devenir un grand nom, j’aime sincèrement mon métier. Je suis toujours fier lorsque j’entre dans l’une de nos boutiques. Présenter de bons produits d’une belle manière: voilà notre mission.

Mais êtes-vous vraiment encore boucher?

J’entends parfois les gens dire que je ne suis plus un boucher, mais un entrepreneur. Prenons un artiste qui a du succès et qui a donc une trentaine d’employés. Cela signifie-t-il qu’il n’est plus un artiste? Construire une équipe, trouver des collaborateurs avec qui le courant passe et qui partagent notre vision, guider leur formation et leur développement, c’est aussi une de mes passions. Les jeunes ont un autre état d’esprit, et ça me motive. J’apprends beaucoup d’eux. J’aime soutenir les gens et les voir grandir, mais je me sens toujours boucher et artisan. Je ne me lève plus à 5 heures pour enfiler un tablier, mais je continue à développer des produits. (rires) Je suis le fou qui dirige Dierendonck, ma femme Evelyne m’apporte une structure et je veux mettre en avant Timon Michiels (26 ans) comme le visage de Carcasse pour qu’il puisse exceller dans sa cuisine. Mais il n’y a jamais un moment où je ne remets pas tout en question. Le produit, le menu, le service, tout est essentiel.

Quand votre restaurant de Coxyde a décroché une étoile au Michelin, qu’avez-vous ressenti?

J’étais à l’étranger quand on m’a appelé et j’étais un peu gêné. Je vais parfois dans des établissements étoilés, je sais ce qu’ils servent, et voilà que nous entrons dans ce club sélect. Grâce à nos produits. La viande Dierendonck s’est avérée être notre force. A l’époque, notre cuisine était encore un peu brute, nos clients étaient souvent des groupes d’hommes qui venaient manger de la côte à l’os et commandaient une bonne bouteille de vin. Une fois cette étoile décrochée, tout a changé. Soudain, des couples sont venus et les commandes sont devenues plus complexes (rires). Le menu est devenu plus gai et plus sophistiqué, nous avons commencé à accorder plus d’attention aux accompagnements et aux légumes. C’est ainsi que nous travaillons aujourd’hui. Mais cela demande du temps et de la créativité.

Carcasse est le restaurant de viande par excellence mais la façon dont nous, en tant que société, considérons la viande a changé de façon spectaculaire au cours des vingt dernières années…

Et l’avenir ne sera pas différent. Si mon fils veut reprendre l’entreprise, il devra faire preuve de souplesse et de créativité. Cela fait des années que je dis que nous devrions manger moins de viande, mais mieux, et j’ai l’impression que ce message est enfin passé aujourd’hui. Il y a quelques années, j’étais vraiment inquiet. On voyait des restaurants végétariens ouvrir un peu partout. De nombreux livres de cuisine étaient publiés sur le sujet. Aujourd’hui, je ressens une sorte de renouveau. Les jeunes veulent manger de la viande, mais de manière responsable. Nous avons des clients qui ne mangent de la viande que quelques fois par an et qui viennent chez nous spécialement pour cela. Quel beau compliment! Je pense que la majorité des gens continueront à manger de la viande, mais qu’elle deviendra un produit de niche. Quelque chose que l’on déguste en petite quantité. Nous nous inscrivons parfaitement dans cette tendance, et nous avons peut-être même contribué à en déterminer l’orientation, car nous travaillons depuis des années sur le terroir et l’origine de nos produits. La viande a longtemps été trop bon marché, et c’est fini. Les clients doivent encore s’y habituer.

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Atelier Dierendonck, 133, chaussée de Tervuren , à 1410 Waterloo et 24, rue Sainte-Catherine, à 1000 Bruxelles notamment. Carcasse, 5, H. Christiaenlaan, à 8670 Coxyde et 1, Oosthoekplein, à 8300 Knokke-Heist. dierendonck.be

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