Au Central, plus grand restaurant du Pérou, la cuisine est un hommage au patrimoine naturel du pays
Avant de devenir chef, Virgilio Martinez s’entraînait du matin au soir pour être skater professionnel. Une fracture à une clavicule l’a amené à changer ses plans et désormais c’est au restaurant péruvien Central, le meilleur d’Amérique latine, qu’il effectue ses pirouettes.
Classé pour la deuxième année consécutive quatrième au classement mondial du magazine Restaurant, Central est pour ce chef de 38 ans une « extension de sa famille », son épouse Pia étant d’ailleurs elle aussi aux manettes en cuisine.
Ouvert en 2009 dans le quartier touristique de Miraflores à Lima, l’établissement compte désormais trois cousins, deux à Londres et un autre sur le point d’être inauguré à Dubaï. « J’adorais le skateboard et je voulais parvenir à un niveau professionnel mais cela n’a pas marché, mais j’ai toujours eu envie de faire des choses intenses », confie Virgilio, de corpulence mince et d’air sérieux.
« La première fois que je suis entré dans une cuisine je me suis rendu compte que j’allais être cuisiner. J’ai un fort degré d’obsession qui fait que, quand j’aime quelque chose, j’y vais jusqu’au bout. La cuisine, c’est mon gymnase et je m’y entraîne pour m’améliorer », ajoute-t-il.
Disposant de 15 tables, Central propose un menu dégustation coûtant environ 120 dollars par personne, incluant par exemple de la chair de crabe sur des roches marines. Sur la carte, il est précisé à côté de chaque plat l’altitude ou la profondeur d’où proviennent les aliments. Ce sont « des voyages à travers les écosystèmes du Pérou », explique le cuisinier. « Vous pouvez manger (un plat) de l’écosystème marin ou des produits (cultivés) à plus de 4.000 mètres au-dessus de la mer ».
‘Un ceviche surprendra toujours’
Le Pérou offre « des provisions énormes de produits totalement inconnus dans le monde et qui commencent à se répandre, comme la quinoa ou différents maïs… des produits importants qui voyagent avec le nom du Pérou », souligne Virgilio. Et « ici à Central, il y a une philosophie très forte : oui, on peut manger des produits entiers, crus, la transformation de l’aliment ne doit pas être si grande (car) la connexion avec le producteur est le plus important, ainsi que la qualité, tout ce qu’il y a derrière » un plat.
Quand il n’est pas dernière les fourneaux, le chef dirige Mater Iniciativa, un groupe de professionnels de la gastronomie qui étudie les produits péruviens en association avec des producteurs locaux. « Notre obligation est de découvrir et d’étudier, d’avoir une cuisine toujours en évolution et en innovation », explique-t-il, estimant que bientôt la haute cuisine s’exprimera aussi dans des « laboratoires et des départements de recherche et développement au Pérou ».
Le pays sud-américain s’est fait connaître, sur la scène gastronomique mondiale, par le ceviche, poisson ou fruits de mer crus et marinés dans du jus de citron et assaisonnés : « un ceviche surprendra toujours », assure Virgilio, citant « le piment frais, les oignons, les citrons parfaitement mûrs et le poisson du jour » comme ses ingrédients-phares.
Alors que 22% de la population péruvienne vit dans la pauvreté, le chef assume de « cuisiner pour les élites, des gens qui réservent avec trois mois d’avance », mais s’interroge : « comment un pays peut avoir une haute cuisine quand il existe la malnutrition et la faim? ». « Une façon de changer les choses est de promouvoir ce qui est à nous », dit-il, avant de souligner que dans son restaurant, « 100% des produits sont du Pérou ».
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