Le Danemark, fief de la gastronomie mondiale

Des plats déjantés à base de pattes de poulet ou d’ailes de papillon ou bien de simples produits du cru : au Danemark, le nouveau fief de la gastronomie mondiale, des établissements rivalisent de créativité pour prendre la relève du Noma, plusieurs fois sacré meilleur restaurant au monde.

Sis au fin fond d’une ancienne zone industrielle, dans un ex-chantier naval, Alchemist transforme la nourriture en or en promettant à ses fortunés visiteurs – le menu, unique, est à 4.900 couronnes (658 euros) – une « expérience holistique » composée de 50 « impressions ».

Le Chef Rasmus Munk dans son restaurant Alchemist à Copenhague

« L’ambition, c’est de changer le monde à travers la gastronomie et d’essayer de faire vivre une expérience immersive (…) en amenant différents champs artistiques dans le monde culinaire », explique à l’AFP le jeune chef de 32 ans, Rasmus Munk, deux étoiles au Michelin.

Le chef Rasmus Munk
Le chef Rasmus Munk © AFP

Une immersion qui attire: 10.000 personnes figurent sur la liste de l’attente de l’établissement qui sert 52 couverts par jour.

Passée la lourde porte en bronze, les gourmets sont plongés dans une ambiance quasi mystique: effets musicaux lumineux, performance de danse contemporaine… 

Un premier salon pour des amuses-bouches, puis le « dôme », où l’essentiel du repas a lieu, sous une coupole où des paysages sous-marins flamboyants mais ravagés de pollution plastique précèdent sur écran des extraits anxiogènes de journaux télévisés.

Création baptisée « Burnout Chicken » au restaurant Alchemist à Copenhague

Caviar installé dans la pupille d’un oeil factice ou plastique fait à partir d’un bouillon de morue séché: stimuler le cerveau du visiteur importe presque plus que de subjuguer ses papilles.

« Mon moment favori, c’est quand les gens commencent à débattre, à créer des liens avec la nourriture et les expérience », assure M. Munk.

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Si le Noma, plusieurs fois sacré meilleur restaurant de la planète et l’un des deux restaurants à compter trois étoiles Michelin, fermera ses portes fin 2024 pour se réinventer en laboratoire culinaire, le Danemark compte sur nombre de restaurants pour continuer d’attirer les touristes.

Lundi, cinq nouveaux établissements ont reçu une étoile et un sixième deux.

Un restaurant étoilé dans un ancien asile

A une centaine de kilomètres à l’ouest de Copenhague, changement total de décor. Une autre étoile de la gastronomie danoise, Claus Henriksen, a récemment installé son restaurant, Mota, dans un ancien asile psychiatrique. Ici, tout est calme, simple et champêtre.

Claus Henriksen devant son restaurant, Mota

Malgré l’apparente quiétude, « c’est un lieu où l’on peut faire plein de choses folles », s’amuse-t-il.

Entouré d’une nature foisonnante, entre champignons, asperges, algues et merlus, le quadragénaire débonnaire pioche dans son environnement immédiat pour composer ses menus.

« Il y a 20 ans, on faisait beaucoup de cuisine française classique, de l’italien (…), on en a oublié nos propres produits », constate ce bon vivant qui met à l’honneur les producteurs locaux. 

Même dans la carte des vins car sous ces latitudes, la viticulture se développe, à la faveur du réchauffement climatique.

Initiée par la star de Noma, René Redzepi, cette redécouverte des saveurs nordiques a permis, en se concentrant sur des mets locaux éthiques, de réinventer la cuisine scandinave.

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Près de 40% des touristes étrangers motivaient ainsi leur visite à Copenhague par son offre culinaire.

Claus Henriksen a passé deux années « fantastiques » dans les cuisines de Redzepi. « Il y avait une créativité, c’était aussi un endroit où on pouvait se trouver et on apporte un regard particulier aux produits », dit-il.

En plus d’avoir placé le Danemark sur la carte de la haute gastronomie, noma a attiré de jeunes chefs du monde entier qui ont choisi de poser leurs valises dans le petit pays scandinave balayé par les vents.

Adieu pommes de terre à l’eau et carré de porc baigné de sauce brunâtre, place aux mets raffinés décorés de baies nordiques et de fleurs comestibles.

« J’ai pu le voir se développer, de plus en plus de gens étaient intéressés (…) On voyageait du monde entier pour pouvoir y manger, y travailler », se souvient Louise Bannon, ancienne cheffe pâtissière à noma et désormais boulangère dans le vent.

Lors de ses années dans la Mecque de la gastronomie, elle a développé une appétence pour la boulange. 

Après des mois de voyages et de formation, elle est revenue au Danemark et fait son pain exclusivement avec de la farine fraîche de moulins des alentours, dont le sien.

Ses clients, beaucoup de propriétaires de maison de vacances à la pointe d’une presqu’île sauvage, savent eux aussi faire la différence: « Ici, les gens apprécient énormément la qualité, ils en connaissent le goût (…) et sont prêts à payer pour ça », note-t-elle.

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