STUDIØ27, l’agence qui organise des dîners privés extraordinaires pour Louis Vuitton et Saint Laurent

Studio27
© Ben Baltus

Paul-Antoine Bertin, ex-chef du restaurant bruxellois Ötap, organise désormais des dîners privés pour Vuitton ou Saint Laurent. Rencontre avec un chef créatif et ambitieux.

C’est toujours un peu douloureux d’appeler quelqu’un par le mauvais prénom. Mais à notre décharge, sur sa carte d’identité, il est bien écrit Paul-Antoine. «En réalité, tout le monde m’appelle Polo», sourit le jeune homme de 29 ans, Paul-Antoine – pardon, Polo – Bertin.

C’est presque une chance de le rencontrer, car il ne fait qu’un court passage à Bruxelles avant de repartir pour Biarritz. Pas pour les vacances, mais pour y imposer sa patte au restaurant De Puta Madre à la Villa Magnan.

Ce n’est qu’en septembre qu’il reviendra à sa vie d’ici. Rester immobile? Très peu pour lui: «J’avais besoin d’un changement de décor, sourit-il en reposant son café. De temps en temps, il faut que je puisse m’évader et faire quelque chose de totalement différent. Mais ne m’appelez surtout pas ‘chef nomade’, l’offre à Biarritz est simplement arrivée au bon moment…»

Paul-Antoine Bertin.
Paul-Antoine Bertin.

A ceux qui prétendent que les jeunes de 20 ans ne savent plus ce que travailler veut dire, le CV de Bertin offre une réplique parfaite. Dès ses 15 ans, le gaillard enchaînait les petits boulots (vendeur dans un magasin d’électronique, livreur de sushis…) et en 2017, à l’âge de 21 ans, il ouvrait à Bruxelles le restaurant Ötap (devenu plus tard Raki, aujourd’hui fermé). Deux ans plus tard, avec Victoria Depré, il lançait la boulangerie Grain. En 2020, place au bar à vins Rebel, en compagnie de Léopold Robert.

Puis, il y a deux ans, avec son associé Nathan Gullentops, il fondait STUDIO27, une agence de création d’événements qui a organisé des dîners privés pour des marques comme Louis Vuitton, Saint Laurent et Coperni.

C’est un CV plutôt impressionnant pour quelqu’un qui n’a pas encore atteint la trentaine…

Oui, je suis assez ambitieux, je crois! En fait, j’ai surtout beaucoup d’idées que je veux concrétiser. J’ai arrêté le restaurant et quitté le bar à vins, mais j’aime les rencontres qui mènent vers des nouveaux projets.

Par exemple, je n’avais jamais prévu d’ouvrir une boulangerie, mais quand l’opportunité s’est présentée, je l’ai saisie à deux mains.

Beaucoup de chefs disent que l’amour de la cuisine leur a été transmis dès l’enfance. Chez vous, c’est plutôt le fruit du hasard.

Ma mère a toujours cuisiné de bons repas, mais ce n’était pas pour elle une grande passion. Moi non plus, durant mon enfance, je n’ai jamais vraiment cuisiné. Et quand, à 18 ans, je suis arrivé comme commis dans la cuisine de Point Albert, ce n’était pas parce que je voulais absolument apprendre les ficelles du métier: je voulais simplement gagner de l’argent pour pouvoir voyager.

STUDIØ27
Buffet spécialement conçu pour Coperni.

Au départ, je ne devais y rester qu’un mois, mais j’y suis finalement resté deux ans. Contrairement à mes autres jobs, j’adorais passer des heures en cuisine, et on a souvent travaillé jusque tard dans la nuit… Quand ils se sont mis plus tard au catering, c’était encore plus amusant, parce qu’on rencontre plein de gens dans des galeries d’art et des magnifiques maisons… Un monde entier s’est ouvert à moi.

Est-ce là qu’a germé l’idée de STUDIO27?

D’une certaine façon, oui. Ma philosophie, c’est que je dois saisir chaque opportunité: c’est ainsi qu’on découvre sans cesse de nouvelles personnes et de nouveaux lieux. J’accepte souvent une chose avant de réfléchir à la manière dont je vais exactement m’y prendre (rires).


Vous semblez courir d’une mission à l’autre. Comment tenez-vous le coup?

Je suis toujours concentré, mais heureusement, j’aime mon travail. Je me suis longtemps ennuyé professionnellement, mais là, j’ai enfin trouvé quelque chose pour lequel je veux me donner à 100%. J’adore Bruxelles, mais j’aurai toujours ce besoin d’aller travailler ailleurs, d’explorer d’autres pistes.

J’accepte souvent une chose avant de réfléchir à la manière dont je vais exactement m’y prendre

Paul-Antoine Bertin

Et surtout, grâce à STUDIO27, je peux à nouveau laisser ma créativité prendre le dessus. Quand j’ai fermé Raki il y a deux ans, c’était devenu ma vie pendant huit ans. Avec le recul, il y avait trop de gestion: le personnel, les commandes… Après le Covid, je ne me retrouvais plus dans ce travail, c’était devenu une routine, et s’il y a une chose que je ne veux pas dans mon métier, c’est bien ça.

On dit que vous aviez déjà cette tendance quand vous étiez adolescent.

C’est venu assez jeune, oui. A 15 ans, j’étais déjà lassé de l’école. Ma mère m’a dit que je pouvais aussi faire autre chose, mais qu’il faudrait alors que je travaille pour ça.

J’ai essayé un truc après l’autre, puis j’ai eu l’opportunité de partir comme étudiant à l’étranger et d’y faire ma cinquième année. Je n’ai pas hésité une seconde et j’ai troqué la Belgique pendant un an pour les Philippines.

STUDIØ27 Jubelpark
Un événement organisé par STUDIØ 27 en collaboration avec Hangar : dîner dans le parc du Cinquantenaire.

Pourquoi précisément les Philippines?

Parce que je ne connaissais pas ce pays (large sourire). L’organisation m’avait donné une liste d’une centaine de destinations et comme je n’avais jamais entendu parler des Philippines, j’ai choisi l’aventure. Quand je suis arrivé à l’aéroport, ma famille d’accueil était introuvable. Ils ne sont jamais venus me chercher.

J’ai donc décidé de voyager en sac à dos à travers le pays. Par la suite, grâce à l’organisation, j’ai pu être accueilli dans une famille formidable. Je devais y passer une seule nuit, mais je suis resté six mois. J’ai compris à ce moment-là que ce serait sans doute l’expérience la plus incroyable de ma vie. Ces gens ont tout fait pour moi, alors qu’ils n’avaient pas beaucoup. Pour vous donner une idée, nous dormions tous ensemble dans le même lit.

Avec STUDIO27, vous créez des nouveaux mondes en combinant art, design et gastronomie. Au départ pourtant, vous ne proposiez qu’un service traiteur.

C’est vrai, on pouvait nous engager comme chefs privés – grâce à Ötap, j’avais quelques contacts. Très vite, on s’est rendu compte que beaucoup de gens nous demandaient aussi d’apporter des fleurs, le linge de table, etc.

De Puta Madre Biarritz
L’été dernier, Paul-Antoine Bertin travaillait au restaurant De Puta Madre à Biarritz.

À un certain moment, on a donc changé notre approche, avec des événements à composer sur mesure. Nous ne travaillons pas avec une structure fixe, c’est un peu rock’n’roll. Je demande aux clients ce qu’ils recherchent, et c’est là que démarre notre processus créatif.

Ce n’est pas toujours simple, parce que nous ne pouvons pas facilement montrer à l’avance à quoi un événement va ressembler. Nous ne préparons pas de moodboards façon Pinterest pour ensuite les copier. Petit à petit, nous mettons en place l’événement idéal. C’est toujours un plaisir de voir les gens entrer pour la première fois dans la salle et dire «c’est vraiment conçu pour nous.»

Bien sûr, tout le monde n’aime pas ça. Pour les mariages, par exemple, les gens sont généralement plus stressés et veulent avoir quelqu’un au téléphone chaque semaine. Ce n’est pas une manière agréable de travailler pour moi, donc nous ne le faisons pas. Je veux me sentir libre dans ce que je fais.

Passez-vous encore du temps derrière les fourneaux?

Je cuisine toujours, mais j’ai quelques personnes qui s’occupent de la mise en place. Je viens aussi d’engager un nouveau chef. Cela nous permet d’échanger nos idées.

Pour ma part, je préfère éviter de recourir à d’autres services traiteurs lors de nos événements, histoire de pouvoir toujours proposer quelque chose de différent de nos concurrents. A terme, j’aimerais prendre un peu de distance avec la cuisine pour me consacrer pleinement à l’organisation créative.

Cette approche porte ses fruits: deux ans après le lancement, vous avez une impressionnante liste de clients, parmi lesquels Louis Vuitton, Saint Laurent et Coperni…

Notre première mission dans le monde de la mode a été l’after-party de Courrèges à Paris, en collaboration avec le guide culinaire Fooding. Ils nous avaient demandé d’assurer le catering. Peu après, Coperni nous a sollicités pour une collaboration avec Evian, afin de concevoir deux buffets.

Louis Vuitton ijsblok
Evènement pour Louis Vuitton.

C’était l’occasion de montrer que nous pouvions faire bien plus que servir de la bonne nourriture. Depuis, nous avons déjà organisé plusieurs dîners privés pour des marques de mode comme Saint Laurent, Louis Vuitton ou Massimo Dutti. Nous essayons toujours d’y ajouter une touche personnelle amusante, que ce soit un bar sur mesure ou des glaçons gravés du logo Vuitton.

Quelles autres marques aimeriez-vous encore séduire?

Rick Owens, peut-être? Fouiller un peu plus ce côté sombre, ce serait sympa.

Vous n’avez pas encore fini d’explorer STUDIO27. Que vous réserve l’avenir?

Je rêve d’un atelier plus grand avec beaucoup d’espace de stockage, et aussi d’un lieu fixe où nous pourrions organiser des événements. Nous sommes toujours basés à Bruxelles, mais j’espère que nous pourrons un jour nous étendre à l’étranger. Peut-être Milan ou Paris. Ou qui sait: New York?

STUDIØ27
Les dîners de STUDIØ 27 sont entièrement personnalisés, jusqu’aux fleurs.


Comment décririez-vous votre événement rêvé?

Quelque chose de nouveau, quelque chose que je n’ai encore jamais fait.

Les gens ne doivent donc pas venir frapper à votre porte pour des copies d’événements passés?

Non, car nous en sommes encore au début de notre histoire. J’ai trop envie de montrer toutes les autres idées que nous avons.

Même si ce serait sans doute plus intéressant financièrement de reproduire certains projets et de ne pas devoir toujours repartir de zéro, cela nous coûterait en crédibilité. Les gens n’appellent pas si on ne propose que du réchauffé.

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Vous vous êtes déjà installé à l’Atomium, au parc du Cinquantenaire… Avec les mises en scène de vos dîners, tout cela est très «instagrammable».

Je mentirais si je disais que je ne me soucie pas d’Instagram: c’est le meilleur moyen de montrer ce que nous faisons. Je pense que nous avons du succès sur les réseaux, parce que nous accordons énormément d’attention à nos créations.

Ne vous méprenez pas: tout doit avant tout être impeccable pour les invités, mais je suis évidemment très heureux quand je retrouve cela sur les photos.

STUDIØ27 atomium
Dîner à l’Atomium.

Quels lieux à Bruxelles figurent encore sur la liste de vos souhaits?

A un moment, il a semblé que nous pourrions organiser un dîner au Palais royal, mais cela s’est avéré malheureusement trop compliqué… pour le moment.

Il paraît qu’un certain monarque fête ses 65 ans cette année. On ne sait jamais?

(Se tournant vers l’enregistreur posé sur la table) Si vous cherchez encore quelque chose de spécial pour votre anniversaire, roi Philippe, vous savez où me trouver!

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