A Gand, l’audacieuse rénovation d’une maison brutaliste en béton
Rénover un logement en préservant son essence ? Une mission difficile que s’est donnée le dernier propriétaire de la résidence Vierstraete, à Gand, une singulière maison tout en béton signée Juliaan Lampens.
Les bâtiments du Belge Juliaan Lampens (1926 – 2019) se font rares sur le marché. Et lorsque, par chance, l’un d’entre eux y fait son entrée, il attire plus d’amateurs d’architecture que d’acheteurs potentiels. C’est ce qui est arrivé, il y a quelques années, lors de la mise en vente de la propriété Vierstraete à Gand.
Chaque jour de visite, l’habitation attirait une horde de passionnés, dépourvus de toute ambition de déménager. Méticuleusement entretenue par la famille Vierstraete, cette maison des années 60 constitue la seule résidence privée jamais conçue par Juliaan Lampens sur le sol gantois. Une véritable aubaine pour les amateurs de brutalisme.
Le bien finira néanmoins par trouver un acquéreur, en 2019 : le graphiste Wim De Dobbeleer. Avec sa compagne de l’époque, il a mis un point d’honneur à le réaménager avec un grand respect des lieux mais en y introduisant tout le confort contemporain.
Radicale et poétique
Cette résidence Vierstraete ne compte pas parmi les réalisations les plus connues de l’architecte. Sur le plan artistique, cette œuvre n’a pourtant rien à envier aux travaux les plus renommés du concepteur. Entre autres : la chapelle Notre-Dame de Kerselare (1963-1966) et la maison Van Wassenhove (1970-1974).
Tous les connaisseurs sont d’ailleurs unanimes : Juliaan Lampens atteint, avec cette maison, l’apogée de son art. Une création austère, dure et radicale, mais aussi empreinte de poésie.
« L’éventail des matériaux utilisés est restreint : béton brut apparent, brique, verre et bois suffisent pour susciter l’émoi. Ce style nous a particulièrement parlé », confie Wim De Dobbeleer.
Un espace sans cloisons
Tout aussi audacieuse, la philosophie de l’architecte transparaît de manière tangible dans cet habitat kangourou qui défie l’organisation traditionnelle de l’espace. Ici, pas de cloison, même dans les pièces où l’intimité semble de mise. A l’instar des toilettes, la salle de bains ou la chambre.
« A l’origine, la grand-mère dormait au rez-de-chaussée. A notre arrivée, nous avons converti cet étage en studio de graphisme, explique l’actuel propriétaire. A l’étage, les quatre enfants se partageaient une sorte d’open space qui laissait peu de place à l’intimité. Les lits n’étaient séparés que par des armoires en bois conçues par Juliaan Lampens lui-même. »
Depuis rien n’a changé, ou presque. La chambre d’enfant a été reconvertie en une chambre parentale, avec dressing et salle de sport. De discrets paravents en pin organisent l’espace.
« Ce décloisonnement présente aussi des avantages. Ici, la lumière pénètre par les fenêtres bandeaux, et illumine toute la pièce, explique-t-il. Mais en hiver, le béton rend parfois l’intérieur sombre. Cette maison amplifie toutes les émotions, y vivre est une expérience intense. »
Préserver l’esprit originel
En 2020, le logis a connu de subtiles rénovations. « Il est toutefois impossible d’en faire un immeuble neutre en énergie si nous voulons respecter son essence », signale Wim. Les fenêtres ont l’air d’origine, pourtant la quasi-totalité du vitrage a été changé.
Dans le séjour, la table a été pivotée et surélevée pour plus de confort. La maçonnerie avait subi des dommages et a été rénovée. Il est aujourd’hui impossible de la distinguer de l’ancienne.
« Finalement, seule la cuisine a vraiment changé. Avec l’aide de Fragmenture, un studio gantois, nous avons repensé son design en veillant à créer une continuité avec le travail de Juliaan Lampens. »
Autant les matériaux – bois de pin et béton rouge – que les meubles : tout a été sélectionné par Wim afin de maintenir l’esprit d’origine. Les tabourets, le meuble télé et le bureau rappellent les créations de l’architecte tout en s’en distinguant. « Je les ai fait fabriquer sur mesure, en hommage à son travail, ces pièces sont uniques », explique le propriétaire actuel.
La suite de l’aventure
Suite à sa rupture, Wim a remis la maison en vente. « L’hiver dernier, j’ai passé deux mois en Australie. A mon retour, les tons ternes et le temps gris me donnaient l’impression de vivre dans un bunker. »
La famille Vierstraete peut dormir sur ses deux oreilles : la maison de son enfance tombera à nouveau entre de bonnes mains.
« Un des acheteurs potentiels voulait cloisonner l’étage pour y créer plusieurs chambres. J’avais vraiment du mal à l’envisager… Le nouveau propriétaire maintiendra la maison telle qu’elle est. »
Juliaan Lampens
Il est architecte brutaliste dont le style s’inscrit dans le mouvement du design radical. Ses constructions, faites de béton, de bois et de verre puisent leur inspiration dans les travaux de Le Corbusier et d’Oscar Niemeyer.
Juliaan Lampens a principalement construit des maisons privées en Flandre orientale. Parmi ses plus grandes œuvres, on compte la Villa Van Wassenhove à Laethem, la chapelle Notre-Dame de Kerselare d’Edelare et la résidence Vandenhaute – Kiebooms à Huise. Ce n’est qu’après sa mort que Juliaan Lampens a reçu la reconnaissance internationale qu’il méritait.
La résidence Vierstraete est l’une des 20 créations à retrouver dans « Homes for Modernists » : un tout nouvel ouvrage sur l’habitat contemporain dans le patrimoine architectural moderne, illustré par Jan Verlinde et commenté par Thijs Demeulemeester. Désormais disponible aux éditions Racines.
(1926 – 2019)
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