Visite d’un logement semi-enterré baigné de lumière

Un interieur sous terrain Hasselt
La table à manger faite maison est entourée de chaises CH20 de Carl Hansen & Son. La lampe suspendue est signée Ferm Living, le canapé à l’arrière-plan vient d’Ikea. © Stijn Bollaert

Le lieu était peu prometteur: un immeuble donnant sur une arrière-cour orientée au nord. Manu et Anne ont réussi à en faire une jolie oasis baignée de soleil en plein centre de Hasselt. Et ce malgré un niveau enterré!

La sonnette de la maison de Manu et Anne se trouve sur une façade ordinaire dans une rue discrète, près du parc communal de Hasselt. Une fois le seuil franchi, nous traversons un long couloir sombre qui nous mène à leur porte d’entrée privée. Tout sourire, les fondateurs du bureau Magma architects nous accueillent. Et nous découvrons là, contre toute attente, une véritable oasis de lumière.

Le soleil printanier inonde la cuisine grâce à un percement au plafond et la végétation luxuriante du jardin offre une vue agréable vers dehors. «C’est un peu comme à Marrakech, quand on pénètre dans un riad caché», s’amuse Anne. L’effet de surprise est total.

Vu l’espace de vie réduit, le couple a conçu une surface habitable partiellement souterraine. Il a fallu beaucoup de persuasion et de patience pour convaincre les autorités communales de Hasselt.
Vu l’espace de vie réduit, le couple a conçu une surface habitable partiellement souterraine. Il a fallu beaucoup de persuasion et de patience pour convaincre les autorités communales de Hasselt. © Stijn Bollaert

Il y a quelques années, le tandem a jeté son dévolu sur cet immeuble de rapport avec un jardin profond, juste à l’extérieur de la vieille ville. Il a installé ses bureaux dans l’ancien magasin du rez-de-chaussée. Mais au lieu de transformer les deux appartements situés au-dessus en une seule demeure, perdant ainsi un revenu locatif, le duo a eu l’idée de poser ses valises à l’arrière du volume.

«Nous ne pouvions dès lors malheureusement pas bénéficier d’une grande profondeur habitable. Nous devions nous contenter d’une petite surface délimitée par la ligne des vingt mètres derrière la façade arrière», explique Anne. Ce qui n’était pas suffisant pour accueillir une famille de cinq personnes. «C’est pourquoi nous avons commencé à chercher une solution souterraine», ajoute Manu. Ce choix a généré un défi de taille: celui de conduire la lumière au cœur de ce logement urbain orienté plein nord.

EFFET SCULPTURAL

Si ce challenge a nécessité pas mal de réflexion et d’idées créatives, les habitants étaient persuadés qu’ils y arriveraient. «Souvent, les gens ont des préjugés lorsqu’ils visitent une maison quant à son emplacement par exemple, analyse Anne. Mais en réalité, si vous repensez l’espace, il est possible de transformer ses points négatifs en opportunités. On peut rendre n’importe quelle parcelle qualitativement habitable.»

© Stijn Bollaert

Le rez-de-chaussée est donc occupé par le hall d’entrée, la cuisine et le salon. Ce niveau a réellement été modelé en fonction de la lumière. Il ne s’agit en rien d’une banale boîte annexe ouverte vers la nature et surmontée d’un dôme vitré. Le volume a été imaginé telle une sculpture avec un toit qui fait un peu penser à un chapeau asiatique mis de travers. La pente asymétrique est en fait définie pour que la lucarne bénéficie de la lumière matinale.

Du côté ouest, un patio a été aménagé avec des fenêtres en accordéon qui peuvent coulisser jusqu’à l’ouverture totale. «Le soir, le soleil y tombe directement. Lorsqu’il brille, nous pouvons alors cuisiner dans la lueur du sunset. C’est génial!», se réjouit la maîtresse des lieux.

La pente asymétrique du plafond est définie pour que la lucarne bénéficie de la lumière matinale. L’après-midi, c’est via le patio que l’espace est éclairé.
La pente asymétrique du plafond est définie pour que la lucarne bénéficie de la lumière matinale. L’après-midi, c’est via le patio que l’espace est éclairé. © Stijn Bollaert

Une fois le projet arrêté, les deux architectes se sont mis à la recherche de la structure la mieux adaptée, avec un minimum de points d’appui pour ne pas compromettre la visibilité ou l’espace. Une recherche qui a été menée par les ingénieurs d’Util à Bruxelles.

Le soleil parvient à se frayer un chemin jusque dans la chambre enterrée d’Anne et Manu.
Le soleil parvient à se frayer un chemin jusque dans la chambre enterrée d’Anne et Manu. © Stijn Bollaert

UNE MAISON QUI GRANDIT

Dans les grandes villes comme Londres, les logements en partie enterrés ne posent plus de soucis pour les instances urbanistiques. Mais à Hasselt, il a fallu beaucoup de persuasion, et six ans de démarches, pour convaincre les autorités. «Vivre sous terre ne rimait pas avec qualité de vie à leurs yeux. Mais ils ont fini par accepter. Notre demande était irréprochable et répondait à toutes les règles de construction. Mais nous avons tout de même dû promettre de ne pas monter et descendre la pente en voiture, s’amuse Anne. L’image d’un garage souterrain nous collait un peu à la peau.»

Le laiton, le béton et le contreplaqué de bouleau sont ici utilisés partout, jusque dans la salle de bains. Lorsque les fenêtres s’ouvrent complètement, on a l’impression de se baigner à l’extérieur.
Le laiton, le béton et le contreplaqué de bouleau sont ici utilisés partout, jusque dans la salle de bains. Lorsque les fenêtres s’ouvrent complètement, on a l’impression de se baigner à l’extérieur. © Stijn Bollaert

Le chantier proprement dit a duré un an et demi. Un trou de quatre mètres de profondeur a d’abord été creusé, en partie sous l’immeuble de devant que le couple habitait à l’époque, juste à côté du sous-sol existant. «A un moment donné, la chambre de notre fils flottait à sept mètres au-dessus du sol. Techniquement, c’était un travail difficile», se souvient Manu.

© Stijn Bollaert

Désormais, le niveau du sous-sol est donc occupé par la partie nuit et les salles de bains. Les chambres des enfants sont juxtaposées mais reliées entre elles par un passage le long des fenêtres. Selon les besoins de la famille, ces séparations pourraient être évolutives. Chaque chambre dispose également d’un accès direct à la terrasse inférieure, qui mène au jardin par une rampe. «En été, plus personne n’utilise l’escalier intérieur: nous circulons via le jardin. Notre maison s’agrandit alors considérablement car tout l’espace extérieur en fait partie, se réjouit Anne. En hiver, l’habitation redevient compacte et chaleureuse.» Mais jamais complètement fermée, même si les baies le sont. Car des perspectives visuelles permettent de laisser le regard s’échapper dans chaque pièce. «Si vous demandez à quelqu’un de dessiner une maison, il est certain qu’il esquissera une image stéréotypée. Mais qui a décidé de celle-ci?», s’interroge Manu. «Finalement, un logis peut prendre n’importe quelle forme», lui rétorque Anne. Du moment qu’il répond à vos besoins.

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Anne Moerman (43 ans) & Manu Gelders (42 ans)

Ils ont grandi à Godsheide, un village non loin de Hasselt, où ils se sont rencontrés à l’école primaire.

Anne est partie à Gand pour étudier l’architecture au campus Sint-Lucas de la KULeuven. Manu l’a suivie un an plus tard.

Tous deux ont effectué des stages chez O.M.A. à Rotterdam, le bureau de Rem Koolhaas. Elle a ensuite travaillé chez Stramien puis Lens Ass Architects, lui chez BULK architects et golden ruler architects, entre autres. Manu enseigne également à la faculté d’architecture de l’UHasselt.

Il y a six ans, ils ont fondé Magma architects. Leur ambition: concevoir des lieux plutôt que des maisons, l’architecture étant une extension des besoins quotidiens de ses utilisateurs.

magmarchitecten.be

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