Certaines couleurs vous vont vraiment mieux que d’autres (on vous explique pourquoi)

test colorimétrie
Notre journaliste Aylin Koksal s'est prêtée au test des couleurs © @Tiktok/ Damon De Backer
Aylin Koksal
Aylin Koksal Journaliste

Etes-vous plutôt hiver, été, printemps ou automne? Si la colorimétrie n’est pas une nouveauté, cette méthode de relooking qui se définit par les saisons fait un come-back remarqué sur TikTok. Peut-on vraiment lui faire confiance?

Dans un loft baigné par la lumière du soleil, non loin de la prestigieuse avenue Louise, à Bruxelles, nous rencontrons Astrid Eckelmans, consultante en image. Vêtue d’un tailleur bleu roi, elle est l’experte qui va nous plonger dans le monde de la colorimétrie. «Qu’est-ce qui vous a motivée à tenter cette expérience?», nous demande-t-elle, tandis que ses mains, telles celles d’une cartomancienne, glissent au-dessus d’une table remplie de tissus de toutes les couleurs.

Nous repensons aux vidéos virales qui inondent les réseaux sociaux: les têtes en suspension entourées d’un filtre en roue de nuances. Ou encore la variante plus raffinée où des consultantes drapent leurs clients d’étoffes colorées pour finalement les catégoriser en type automne, hiver, printemps ou été.

De plus en plus de jeunes se lassent des micro-tendances et veulent investir dans des vêtements qui vont durer. En découvrant sa propre palette de couleurs, on peut éviter les mauvais achats. 

Tom Palmaerts

Trendwatcher

Plutôt que d’avouer que nous avons succombé à la hype, nous évoquons la quête de notre propre palette de couleurs: «Toute ma vie, j’ai porté des teintes chaudes et neutres en raison de ma carnation un peu plus foncée, mais le résultat est peu flatteur. J’aimerais essayer la colorimétrie.» Cette méthode ancienne nous apportera-t-elle un peu de réconfort? Qu’en pensent les experts?

Science ou divination?

Une plus belle allure, du shopping qui met en joie et une confiance en soi reboostée: c’est la promesse de la colorimétrie. Du moins, c’est ce que prétend le fameux livre Colour Me Beautiful (Soyez belles en couleurs) de Carole Jackson, publié en 1981. Cet ouvrage a été à l’époque un pionnier dans la littérature de développement personnel qui catégorisait les individus en saisons sur la base de la couleur des cheveux, de la peau et des yeux.

On ignore pourquoi l’autrice y a introduit la métaphore des quatre saisons, mais une des explications possibles remonte à 1920, lorsque l’artiste du Bauhaus Johannes Itten a développé une théorie des couleurs connue comme l’approche «des Quatre Saisons», où il associait différentes harmonies chromatiques à ces dernières. Ce concept a été repris plus tard par des artistes, des théoriciens et probablement aussi par Carole Jackson.

Des nuanciers vous aident à trouver votre « saison ». © Getty Images

«Je comprends le phénomène qui entoure la colorimétrie liée aux saisons, explique Lisa Maria Pippus, consultante en image réputée, basée à Berlin et qui compte parmi ses clients des directeurs d’entreprises du monde entier ainsi que des acteurs de Netflix. C’est rapide, facile et accessible.»

Mais cette méthode simple peut-elle garantir de porter des couleurs qui vous vont réellement bien? «C’est possible, mais pas pour tout le monde, affirme-t-elle. Des systèmes basés sur la science comme Pantone et le Natural Colour System (NDLR: un système breveté de classification des nuances) peuvent mesurer précisément des couleurs. S’il s’agit de colorimétrie personnelle, le résultat est basé seulement à 30% sur les teintes mesurables des cheveux et du visage. Mais 70% dépendent de la personnalité et des préférences du client. Il ne s’agit donc pas d’une science exacte.»

A chacun son teint

Dans certains domaines, comme la coiffure, on tient indirectement compte de ce concept. «Nous ne pensons pas vraiment en termes de saisons, explique Valérie, coiffeuse et gérante au salon Level4Hair, en province d’Anvers. Mais si nous devons changer la couleur des cheveux d’un client, nous examinons son visage. Si, par exemple, la personne a le teint froid, nous allons conseiller un ton du même type, cendré. C’est plus harmonieux que de l’associer avec une couleur de cheveux chaude.»

@houseofcolourpapillion

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Les maquilleurs professionnels travaillent de la même manière. «Nous réfléchissons en termes de carnations chaudes et froides, de profondeur de couleur et de teintes, explique Jessie Lefler, make-up artist chez M.A.C Cosmetics. C’est incontournable, a fortiori quand on travaille avec la couleur de la peau, précise-t-elle. Mais on trouve aussi sympa de créer des contrastes de nuances. Le maquillage, ça doit être fun et ludique, on ne se limite pas aux «saisons» ou aux palettes de couleurs. Je trouve ça dépassé.»

Un diktat qui enferme

La styliste Liesbeth Diels, qui conseille les particuliers sur leur look, n’est pour sa part pas du tout une adepte de la colorimétrie. «Même si j’aime beaucoup travailler et expérimenter avec les couleurs, je déteste vraiment ces palettes liées aux saisons, dit-elle en riant. Parfois j’ai des gens qui arrivent et qui disent: «Je ne peux pas porter cette couleur, je suis du type hiver.» Je trouve ça ridicule. Evidemment, il y a des teintes qui vous flattent moins que d’autres, mais est-ce que ça veut dire qu’il faut absolument les éviter? Je ne pense pas, c’est tellement restrictif.»

La colorimétrie ne doit pas être limitante, estime Astrid Eckelmans. Certainement pas pour ceux qui y gagnent vraiment de la confiance en soi. «Les gens qui viennent me voir le font généralement parce qu’ils se trouvent à un moment charnière dans leur vie, ou parce qu’ils entament un nouveau chapitre et veulent (re)découvrir leur style, explique-t-elle. En passant par une analyse comme celle-là, ils osent ensuite porter de nouvelles couleurs.»

La consultante en image et experte en couleurs Astrid Eckelmans.
La consultante en image et experte en couleurs Astrid Eckelmans. © ELODIE DECEUNINCK

Malgré les avis divergents sur la méthode, la tendance fait sensation sur TikTok, où le hashtag #colouranalysistok a déjà été partagé près de 200 millions de fois. Nombre de créateurs de contenu sur la plate-forme se risquent à analyser voire critiquer des célébrités qui selon eux ne portent pas la «bonne palette de couleurs». Mais d’où vient cette obsession?

Le besoin d’être rassuré

Selon la sociologue de la mode à la KU Leuven Aurélie Van de Peer, la multiplication des tendances fashion en est une explication. «Dans les années 50, l’autorité fonctionnait de manière très top-down: l’industrie décidait de ce qui était à la mode, et tout le monde suivait. Aujourd’hui, nous sommes bombardés quasi quotidiennement de nouvelles tendances, par tous les canaux imaginables, explique-t-elle. Ce qui fait que nous pouvons éprouver du stress par rapport aux choix à faire. Je peux comprendre qu’un outil comme la colorimétrie peut fonctionner pour pas mal de gens pour éclaircir les choses.»

En pratique ça marche comment?

Les différentes mesures

1. La teinte (en anglais: hue). C’est la couleur, comme le rouge, le vert, etc.

2. La saturation (chroma). C’est la vivacité d’une couleur.

3. La luminosité (value). Est-on dans le clair ou le foncé?

Les quatre types

1. Printemps. Des couleurs fraîches et claires: jaune soleil, rose pêche…

2. Eté. Des teintes froides et feutrées: rose, lilas, bleu marine…

3. Automne. Des couleurs chaudes et terriennes: châtain, vert olive…

4. Hiver. Des couleurs profondes et riches: bleu roi, rouge rubis…

Ajoutez à cela le fait que les gens attachent de plus en plus d’importance à la durabilité, et vous obtenez, selon le trendwatcher Tom Palmaerts, la combinaison parfaite de facteurs pour expliquer la popularité de cette discipline. «De plus en plus de jeunes se lassent des micro-tendances et de la fast fashion et veulent investir dans des vêtements qui vont durer. En découvrant sa propre palette de couleurs – et donc en choisissant les vêtements qui vous vont vraiment bien – on peut éviter les mauvais achats.»

Mais il se pourrait aussi qu’il n’y ait pas vraiment d’explication sociologique, avance le spécialiste. «Les tendances fonctionnent aussi en fonction de leur légèreté et de leur accessibilité. Ces filtres de colorimétrie qui pullulent sur TikTok sont non seulement ludiques mais aussi disponibles pour tous. Parfois il n’en faut pas plus.»

Lire aussi: Le maquillage passe en full color

Félicitations, vous êtes été!

Astrid Eckelmans partage l’avis de ce dernier. «Faire une colorimétrie est en soi très sympa. Et, sans vouloir vous donner de fausses espérances, ça peut vraiment vous ouvrir les yeux», dit-elle d’un ton malicieux. Pour mettre la théorie à l’épreuve, nous prenons place devant un grand miroir, le visage sans maquillage, fin prête à découvrir nos vraies couleurs.

L’experte commence par placer des tissus de tons chauds comme le vieux rose, le beige et le turquoise près de notre visage, mais on peut instantanément y lire une grimace de déception. Imperturbable, Astrid poursuit avec des couleurs froides et vives, comme le bleu cobalt, le rose bubble-gum et le vert émeraude. «Vous voyez? Ça vous donne directement le sourire! Et regardez comme vos joues et vos lèvres reprennent de la couleur!»

Une garde-robe à changer

Après la séance, Astrid nous explique solennellement que les couleurs plus froides nous vont mieux et nous ne pouvons que confirmer. «Félicitations, vous êtes du type été», nous annonce-t-elle en nous remettant une carte avec notre palette de couleurs personnelle. On vire le doré, le beige et le noir qui dominaient autrefois notre garde-robe. A la place, ce sont le bleu, le lilas et le rose qui priment.

«Toute ma vie a l’air d’un grand mensonge», plaisantons-nous en sortant. Une fois rentrée à la maison, nous ouvrons tout grand les portes de notre dressing. Les «bonnes» teintes estivales sont peu présentes. Que ces tee-shirts roses cachés tout au fond et ces bijoux en argent soient en réalité nos vrais alliés nous surprend un peu. L’analyse nous encourage à expérimenter. En réalité, c’est ça qui compte: bien se sentir dans ses vêtements, qu’ils soient «approuvés» ou non par un expert.

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