Visite d’un relais de chasse transformé en incroyable villa dans le Brabant wallon
Dans son ancien relais de chasse comme dans ses œuvres, Axelle Gosse compose avec cordes et textiles des échos de voyages au gré des continents. Ici, près de La Hulpe, les teintes naturelles terre, ocre et blanchâtres forment de surprenants paysages.
«Normalement, il y a des cordes qui traînent un peu partout. Mon atelier est situé dans la pièce juste à côté, mais je lui préfère généralement la cuisine.»
Le plan de travail en travertin a été dégagé à l’occasion de notre visite mais l’on comprend pourquoi Axelle Gosse aime à profiter de ce bureau minéral informel pour élaborer patiemment ses œuvres très particulières, faites de cordages dessinant des figures abstraites. Chaque pièce de la maison jouit d’une vue vers l’extérieur mais c’est d’ici que se dévoile le mieux ce panorama inattendu : pas une maison à l’horizon, mais un long vallon où les prairies se succèdent et les chevaux gambadent.
«Je ne pourrais pas travailler n’importe où, et certainement pas en ville. J’ai besoin d’un tel espace, j’ai besoin de la nature pour progresser. Elle est ma source. Elle m’apporte ce que je veux donner et rendre à travers mes tableaux.» L’artiste fait coulisser la porte vitrée et nous emmène sur la terrasse où le printemps commence à chanter et à fleurir. Nous nous arrêtons un instant.
Une maison-atelier pleine d’émotions
Ses œuvres évoquent le désert d’Atacama au Chili, l’Himalaya et sa panthère des neiges, les paysages du sud au nord de l’Afrique ou encore l’art aborigène, mais cet exotisme qui la fascine tant n’est à ses yeux en rien opposé à ce coin de Brabant wallon où elle s’est établie. «L’ici et l’ailleurs, tout est lié selon moi. J’y vois la même chose, j’y éprouve les mêmes sensations. Je ne suis pas dépaysée par ce qui est tropical et voir le printemps arriver ici m’émeut pareillement à chaque instant.»
De l’émotion nait l’inspiration. «J’étais récemment à Val d’Isère, où ces étendues de blanc m’ont donné envie de recréer quelque chose de similaire. Si j’aperçois une surface montagneuse toute griffée, je me dis : tiens, je vais traduire cela en textile. Partout où je vais, je capte des images et des couleurs qui restent en moi, et que je cherche ensuite à restituer.» Les textures naturelles des cordes qu’elle utilise (lin, coton, chanvre…) alimentent elles aussi son inspiration.
Mises en scène d’artiste
L’ample refuge où vit et travaille Axelle Gosse reflète son goût pour les couleurs et les artisanats du monde, mais aussi son expérience en matière d’intérieur. Avant de bifurquer vers les arts plastiques voici une huitaine d’années, cette décoratrice de formation a tenu pendant vingt-cinq ans la boutique Péristyle à Ixelles et elle a signé de nombreux projets privés.
«J’ai toujours chiné énormément et adoré composer des objets à partir d’éléments disparates. Mais ce nouveau chez-moi ne relève plus de la décoration. Il y a plus un côté voyages et aventures : des histoires se racontent à partir de tous ces objets qui sont venus à moi.»
Spontanément, elle crée des mises en scène autour de pièces phares telles que cette longue table à manger en tronc d’arbre, ce monstre céramique signé Marcel Giraud ou encore ce tableau commandé à Thierry Bosquet, peintre des décors de la Monnaie : l’histoire d’un léopard enfermé dans un château, qui se venge en dévorant les livres et les rideaux… De temps à autre, ça bouge: «Le mouvement est lié à la jeunesse. Si on laisse tout chez soi sans jamais rien bouger, cela veut dire que soi-même, on ne bouge plus.»
Remaniement royal d’un ancien relais de chasse
Son savoir-faire a également joué dans la refonte de la maison, ancien relais de chasse du régent royal bâti en 1952. Si l’extérieur moderniste en briques peintes n’a pas bougé d’un iota, l’intérieur rustique en rondins de bois a lui été entièrement revu.
«J’habitais une vieille ferme à deux pas d’ici, composée d’un enchaînement de petites pièces. Or j’avais envie d’espace et lumière. Tout le contraire de décor de chalet qui était très cloisonné. Mais j’étais tombée amoureuse du cadre et j’avais l’intuition qu’on pourrait en faire quelque chose de lumineux et aéré. Après l’avoir visité, j’ai demandé l’avis de l’architecte Alexis Froment. Il m’a très vite confirmé que ce serait possible.»
Réorganisation spatiale
Le bureau Froment & Delaunois s’est mis au service d’Axelle pour réaliser la chose. De nombreuses cloisons sont tombées de sorte à former, au niveau inférieur, ce large séjour parsemé de différences de niveaux, et, à l’étage supérieur, trois grandes chambres organisées telles des suites, voire des appartements autonomes. L’un pour Axelle, deux pour ses filles.
Quant aux rondins, ils sont toujours là… dissimulés derrière des parois lisses et blanches. Ils réapparaissent toutefois en clin d’œil sur la terrasse, grâce à une table monumentale réalisée par le créateur Xavier Vander Elst. A l’extérieur toujours, le nouveau jardin foisonnant, composé par Michel Delvosalle, fait la jonction entre la maison et la vallée verdoyante.
Amour textile
Retour à la cuisine aux portes en zebrano massif, ouverte au paysage rural ainsi qu’à cet intérieur contant mille horizons lointains devenus intimes. Ici, art et vie quotidienne sont indissociables. Si ses filles ont quitté le nid, Emilie y travaille encore avec sa mère.
Elle fabrique en outre ici également les produits de sa marque Bahia Mala: des bougies enrobées de cordes évoquant, tiens donc, les terres argentines et chiliennes. Comme pour confirmer le fil de cette généalogie, Axelle nous montre une relique: un emballage en carton coloré de la marque Gosse. « Mes grands-parents possédaient une filature. Quand j’étais petite, j’adorais y aller et je passais des heures à enfiler ces ronds de carton autour des pelotes de laine.»
Axelle Gosse
Décoratrice de formation, longtemps propriétaire de la boutique Péristyle à Ixelles, elle a entamé sa nouvelle direction artistique voici une dizaine d’années après avoir expérimenté des meubles et ensuite des tableaux à base de cordes et textiles en lin, coton ou chanvre.
Son style à la fois abstrait, spontané et sauvage, laisse deviner des paysages argentins, chiliens, indiens, sud-africains ou sahariens, ainsi que des efflorescences végétales et des échos d’art aborigène.
Ses œuvres en aplats de corde ont séduit des galeristes de Bruxelles, Paris, Knokke, Marrakech ou l’île de Ré.
Elle vit et travaille ici, dans un hameau de La Hulpe.
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