Chez Caroline Notté, architecte et designer d’intérieur belge: l’éclectisme joyeux

Dans le salon, le luminaire Bocci en laiton et verre soufflé trône en majesté. Caroline Notté l’a choisi pour «son énorme présence», avec elle, tout est intuitif. Au mur, l’œuvre joyeusement colorée de Joana Vasconcelos. © Jan Verlinde
Anne-Françoise Moyson

Dans un hameau en bordure de forêt de Soignes, la maison de Caroline Notté prône l’éclectisme joyeux. L’architecte et designer d’intérieur s’est inventé un cocon coloré où vivre en liberté, avec ses deux chiens, ses œuvres d’art et ses souvenirs.

Inutile de sonner chez Caroline Notté, Nikita et Django, ses deux Weimar, vous accueillent en vous faisant la fête, leurs aboiements remplacent tous les carillons du monde. Elle leur intime l’ordre de se taire, ils n’en font qu’à leur tête, mais comme on est à la campagne, cela ne gêne personne. C’est l’excellente raison pour laquelle elle est venue prendre racine ici en bordure de la forêt de Soignes dans ce hameau appelé Gaillemarde. «Et puis c’est calme, le luxe, c’est la tranquillité et un esprit villageois pas trop prétentieux, dit-elle franco. Et je n’aime pas ce qui est bling-bling…»

Un nid à la campagne

Pour trouver le juste ton de chaque recoin de sa maison, Caroline Notté a travaillé les couleurs en fonction de ses œuvres d’art qu’elle collectionne depuis son «premier salaire chez Corbiau».
Pour trouver le juste ton de chaque recoin de sa maison, Caroline Notté a travaillé les couleurs en fonction de ses œuvres d’art qu’elle collectionne depuis son «premier salaire chez Corbiau». © Jan Verlinde

Elle n’est pas d’emblée tombée amoureuse de l’endroit, elle voulait juste quitter la ville, c’était en juillet 2022 et la première maison qu’elle visitait, «180 mètres carrés bourgeois datant des années 70». Elle s’est d’abord murmuré très lucidement que «ce n’était pas gagné d’avance». Mais elle y a senti une «énergie bienveillante et stimulante» et très vite constaté qu’elle répondait à des critères fondamentaux à ses yeux: la nature, la paix, une bonne orientation, la possibilité de se lover au coin du feu, de recharger ses batteries dans un bain, un jardin de 350 mètres carrés où créer son potager et installer un Jacuzzi finlandais, un garage fourre-tout qui pourrait lui servir d’atelier d’artiste.

Le mobilier du coin bureau, dans la «pièce de vie», concentre les coups de cœur de Caroline Notté: un bureau Charlotte Perriand, une étagère Bea Mombaers, un tapis Caroline Boxy, des souvenirs intimes et la lumière venue du jardin.
Le mobilier du coin bureau, dans la «pièce de vie», concentre les coups de cœur de Caroline Notté: un bureau Charlotte Perriand, une étagère Bea Mombaers, un tapis Carine Boxy, des souvenirs intimes et la lumière venue du jardin. © Jan Verlinde

Et pour le reste, Caroline Notté a du métier, il lui a suffi de pimper les murs. «En réalité, j’étais tenue par des contraintes et je me devais de respecter le lieu, j’ai enlevé une ou deux portes, j’ai repeint, mis du papier peint et défini une palette de couleur pièce par pièce, en fonction des œuvres d’art. Je n’ai pas mesuré l’espace, j’ai travaillé par coups de cœur. Je me suis éclatée avec les rideaux de mon amie Vanessa Bruffaerts pour créer des effets théâtraux. Et je me suis dit que j’allais surtout en profiter pour m’offrir des pièces dont j’ai toujours rêvé, comme le bureau et les petites tabourets de Charlotte Perriand, une suspension Bocci, les tapis de Caroline Boxy ou l’armoire conçue par Willy Van Der Meeren pour Tubax vers 1950. Je me suis écoutée, véritablement. Il n’y avait pas de faux-semblant, d’autant plus que je m’installais seule.»

«More is more»

Tout dans cette maison devenue cocon est donc très intuitif, en réalité, c’est sa signature. Caroline Notté pratique l’art d’assembler l’improbable. Voilà pourquoi elle est «plutôt more is more que less is more». N’essayez pas de la coincer dans une case ou de la faire rentrer dans le cadre. «Je n’y arrive pas, confesse-t-elle. J’aime le vrai, je déteste ce qui est fake ou showroom, je travaille avec mes sentiments. Du coup parfois cela fait mal mais je préfère vivre avec mes tripes que vivre à moitié…»

Quand on n’aime guère passer du temps aux fourneaux, on transforme sa cuisine en un salon pop.
Quand on n’aime guère passer du temps aux fourneaux, on transforme sa cuisine en un salon pop. © Jan Verlinde

Elle a dû ici composer et trouver quelques idées ingénieuses pour camoufler ce qui ne lui plaisait guère. Cet escalier par exemple, qui dès l’entrée s’impose à la vue. Alors elle l’a fondu dans le décor, peint couleur terracotta, qu’elle a déclinée de la gamme des tapis de Caroline Boxy et des kilims d’Emma Antoine aux rideaux réalisés par Vanessa Bruffaerts. Et puis parce qu’elle a de la fantaisie, elle a recouvert quelques marches de tissus différents, les contrastes, encore et toujours.

Faire preuve d’audace

Dans le salon, «la pièce de vie», elle reçoit ses amis – on y dîne avec vue sur le jardin, l’été quand il fait chaud et que les baies vitrées sont ouvertes, le parfum des roses entêtant et le chant des oiseaux s’y invitent. L’hiver, elle ne rate aucune occasion pour faire du feu dans la cheminée. Elle a rassemblé des objets souvenirs, posé sur l’étagère de Bea Mombaers des livres qui l’inspirent et qui parlent de Mark Rothko, Georgia O’Keeffe, Tony Cragg ou des Pionnières de 1900 à nos jours. Pour mieux chiller, elle a choisi ce canapé vert-de-gris en suède, parce qu’elle aime sa forme originale et qu’il est signé Vincenzo De Cotiis, «le meilleur architecte», estime-t-elle avant de rajouter à son palmarès l’Américaine Kelly Wearstler. «C’est une bombe pour moi! J’aime son travail parce que tout est très original. Elle est fashion, hyper douée, emploie de très belles matières et fait preuve d’audace… C’est une Andrée Putman de notre génération.»

Le mur bleu nuit du salon théâtralise chaque objet, chaque meuble ainsi mis en scène. «Je suis une femme d’objets et de souvenirs».
Le mur bleu nuit du salon théâtralise chaque objet, chaque meuble ainsi mis en scène. «Je suis une femme d’objets et de souvenirs». © Jan Verlinde

Très bientôt, Caroline Notté complétera l’ensemble d’un fauteuil auquel elle tient comme à la prunelle de ses yeux, l’Elda de Joe Colombo qui appartenait à son grand-père chéri et puis à sa tante qu’elle aimait tant. Elle s’y réfugiera les soirs de spleen, elle sait que ce sera émouvant, à chaque fois. Elle s’était promis de meubler son chez-elle avec tout ce qui la faisait rêver. Elle s’est donc aussi offert la table basse Rio, ce meuble en cannage d’une sobriété folle, fonctionnel et insolite dessiné par Charlotte Perriand sur lequel elle a mis à l’honneur l’œuvre du souffleur de verre Xavier Le Normand – «J’y ai vu une ville, Manhattan, de plein fouet».

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La collectionneuse

Une chambre comme un cocon. «J’avais envie de créer du rêve…». Au mur, une tapisserie de KRJST Studio et une toile d’Aurélie Gravas.
Une chambre comme un cocon. «J’avais envie de créer du rêve…». Au mur, une tapisserie de KRJST Studio et une toile d’Aurélie Gravas. © Jan Verlinde

Pour se mettre à collectionner les artistes qui la font vibrer, elle a dû attendre son premier salaire, quand elle débuta comme architecte aux côtés de Marc Corbiau. Elle se souvient qu’il lui a fallu s’imposer, seule femme dans un univers d’hommes, où fort heureusement le maître des lieux l’avait à la bonne et l’appelait «Mon petit personnage de BD» et où elle a appris à dessiner jusqu’à plus soif et comment «agrandir l’espace et amener de la lumière». Depuis, elle repousse les murs avec des toiles plutôt XXL issues souvent du street art qui soulignent son goût pour une certaine théâtralité pop. «Je suis une femme d’objets et de souvenirs», reconnaît-elle sans façon. Elle a fait sienne cette citation d’Andrée Putman, «Ne pas oser, c’est déjà perdre» – son éclectisme joyeux y trouve son origine.

A l’étage, sous le Velux, le dressing de cette modeuse revendiquée se prolonge en salle de bains transformée en petite jungle.
A l’étage, sous le Velux, le dressing de cette modeuse revendiquée se prolonge en salle de bains transformée en petite jungle. © Jan Verlinde

Caroline Notté (46 ans)

  • Naissance en 1977 à Bruxelles.
  • En 1995, elle s’inscrit à Saint-Luc en architecture et termine son cursus en 2000 à La Cambre.
  • Elle sort diplômée du New York Institute of photography en 2001.
  • Elle travaille ensuite aux côtés de Marc Corbiau durant deux ans et de Lionel Jadot les quatre années suivantes.
  • En 2008, elle crée son studio d’architecture et de design d’intérieur.
  • Elle ouvre sa Galerie dans la maison de Louis- Herman De Koninck en 2016.
  • Aujourd’hui, elle travaille notamment sur le projet Six Senses Residences The Palm à Dubai, à la rénovation des bureaux Comeos et sur le projet de restaurant hybride «Sauge».

www.carolinnotte.com

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