Détox urbaine: un havre de paix dans le Berry pour Parisiens exilés
Quitter la ville pour un retour aux sources créatif, c’est le pari réussi d’un couple de Parisiens qui a aujourd’hui retrouvé une vie plus simple à la campagne.
A mi-chemin entre Paris et Bordeaux, dans le Berry, le département de l’Indre n’a pas beaucoup changé depuis l’époque où des personnalités comme Monet ou George Sand et son amant Chopin sillonnaient ses campagnes, à la fin du XIXe siècle. Des chemins tranquilles serpentent entre ses villages, ses paysages bucoliques laissent encore entrevoir çà et là un pan de mur ou la pente du toit d’une ferme ancienne derrière un bosquet de chênes.
C’est là, à Prissac, qu’Odile Hertenberger et Stéphane Hypolite ont choisi de s’installer. Jusqu’à récemment, ils tenaient les rênes du restaurant bio Bio Boa, dans le Ier arrondissement parisien. Pour eux comme pour tant d’autres, la pandémie a été le catalyseur d’un grand bouleversement qui mijotait depuis longtemps. Le couple s’est finalement décidé à quitter la Ville lumière pour rejoindre cette région du cœur de la France, d’où la famille d’Odile est originaire.
Son arrière-grand-père était l’artiste Fernand Hertenberger (1882-1970). Son tableau le plus connu, une Diane chasseresse allongée au clair de lune dans une forêt de bouleaux, enlaçant une gazelle et entourée de putti et de crocus en fleurs, n’est d’ailleurs pas sans évoquer le sentiment de paix et de symbiose qu’Odile et Stéphane savourent eux-mêmes aujourd’hui.
L’appel du Berry
La maison grand-paternelle d’Odile a toujours été un lieu de rendez-vous non seulement pour sa famille, mais aussi pour de nombreux peintres, sculpteurs et architectes qui venaient y oublier un temps l’atmosphère confinée de la capitale, à 300 kilomètres de là. «Cette magnifique région recouvre une grande partie de mes souvenirs d’enfance, explique l’intéressée. J’ai hérité d’une certaine logique basée sur la créativité et la curiosité. Petite, je passais ma vie dans les galeries et les musées.»
Assez ironiquement, c’est pour financer ses études à l’école d’art de Penninghen à Paris qu’Odile s’est retrouvée dans le secteur de la restauration. De fil en aiguille, la gastronomie est devenue pour elle une profession à plein temps au détriment de ses activités créatives et de celles de Stéphane.
Mais l’appel de la campagne du Berry se faisant de plus en plus pressant, le couple a fait en 2011 l’acquisition d’un hectare de terrain avec quelques bâtiments en ruine. Dans les années qui ont suivi, Stéphane s’est régulièrement éclipsé de son travail de restaurateur à Paris pour réhabiliter la propriété, jusqu’à en faire un repaire secret où aller se ressourcer en famille. Au fil du temps, il a découvert là-bas avec Odile une communauté soudée d’artistes et de producteurs d’aliments naturels et biologiques qui rejoignaient leurs propres valeurs, celles d’une production locale à petite échelle étroitement liée au terroir et à la communauté locale.
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Un avenir riche de sens
Les connaissances accumulées au fil d’une décennie passée à restaurer la vieille maison à l’aide de matériaux naturels et de techniques traditionnelles avaient fait naître chez Stéphane le désir d’un avenir plus créatif, plus riche de sens. Changer de vie, il en avait déjà discuté avec Odile, mais comment couper les ponts avec leur resto parisien? Un cours de céramique animé par l’artiste locale Brigitte Penicaud a donné envie au duo de se lancer dans la production de lampes de table artisanales, et un accord a été trouvé avec Maison de Vacances Paris pour leur distribution. Lorsque les enfants ont quitté le nid pour entamer des études supérieures et que la pandémie a éclaté, tout s’est soudain mis en place. «C’était le moment idéal pour sauter le pas et réaliser enfin ce grand changement qui fermentait depuis un moment, résume Odile. Nous avons vendu le restaurant et nous avons déménagé ici. Pour de bon!»
Alors que la bâtisse n’était jusque-là habitable qu’en été car non chauffée, le déménagement a été symboliquement entériné par l’installation d’un poêle à bois à combustion lente qui vient adoucir les rigueurs de l’hiver. Un atelier, équipé d’un tour de potier, de deux fours à céramique et d’un métier à tisser, a été aménagé dans la grange attenante et le tandem s’est rapidement attelé à la fabrication de lampes. A une dizaine de kilomètres de là, à la Ferme du Beau, la Britannique Katie Bucktrout produit justement de la laine de mouton Hampshire Down. «Nous avons fait connaissance au marché bio local et, depuis, une collaboration s’est nouée. Sa laine n’est pas traitée, juste lavée et filée.» C’est ce produit naturel qu’Odile utilise pour tisser ses abat-jour.
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Fusion du bâti
La rénovation de leur modeste maison rurale a été guidée par le respect des traditions et des techniques. Le résultat? Un foyer qui offre un style et un confort authentiques et incarne parfaitement les valeurs de ses propriétaires.
Issue de la fusion de deux bâtiments plus petits séparés par un mur mitoyen, la maison actuelle comporte au rez-de-chaussée une vaste pièce commune créée en pratiquant une ouverture dans le mur existant. Les greniers aussi ont été fusionnés et convertis en chambres. Le nouvel escalier en béton a été blanchi à la chaux, tout comme les épais murs de pierre, dont quelques segments ont été laissés à nu comme pour en rappeler la permanence et la présence dans le temps et l’espace. Les tomettes hexagonales d’origine et le toit en tuiles ont été préservés. Les murs de pierre ont été soigneusement jointoyés et, à l’intérieur, un enduit à la chaux traditionnel contribue à les isoler. Partout, l’accent a été mis sur l’utilisation de techniques et de matériaux traditionnels et écologiques.
Plaisirs simples
Stéphane a également construit un salon extérieur qui permet de profiter au maximum de la campagne environnante tandis que le parfum des parterres de lavande et de romarin, le chant des cigales, les oliviers, les cyprès et les chênes verts titillent agréablement les sens. La structure de la pergola a été soumise à la technique japonaise du «Shou Sugi Ban», qui consiste à brûler superficiellement le bois pour lui assurer une protection naturelle.
Toujours passionnés de gastronomie, Stéphane et Odile accueillent régulièrement des amis qui ont besoin de se «détoxifier» du bruit de la ville. Installés en terrasse près du grand four à bois, ils y viennent partager des plaisirs simples basés sur l’offre des marchés et des producteurs locaux. Le crépitement du feu couvre de temps en temps le chant des cigales invisibles. «C’est comme si le temps s’était arrêté, observe Odile. On ressent ici une sorte de présence intemporelle. Tout est vieux. De vieilles pierres, de vieux villages… on pourrait être à n’importe quelle époque. C’est peut-être cela qui rend cet endroit si paisible.»
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