Échanger sa maison avec des inconnus pour partir en vacances ? La tendance fait de plus en plus d’adeptes
Echanger un appartement deux chambres à Namur contre une villa à Miami, c’est à la fois possible et (très) tendance. Décryptage d’un phénomène qui bouleverse l’univers de l’hébergement vacancier qui transforme la fiction The Holiday en réalité.
Fermez les yeux et imaginez: vous arrivez dans une charmante villa au milieu des forêts de l’île de Vancouver, au Canada. Mobilier design, emplacement idéal en pleine nature, sérénité… Une note contenant des conseils manuscrits sur la région vous souhaite la bienvenue et vous indique que vous pouvez utiliser les vélos pour l’explorer. Joie ultime: vous n’avez rien payé pour tout cela.
Tel est le fonctionnement de l’échange de maisons, ou homeswapping. Vous mettez votre maison sur des plateformes telles que People Like Us, Kindred… ou HomeExchange, dont la porte-parole Carlijn Postma nous confie: «Des hôtes empruntent votre maison lorsque vous n’êtes pas là et, en échange, vous gagnez des ‘GuestPoints’ que vous pouvez utiliser pour réserver vous-même un séjour ailleurs. Vous pouvez également procéder à un échange simultané: les propriétaires de votre lieu de vacances viennent séjourner chez vous.» Rien de mieux pour occuper soudainement un appartement branché à Chicago… ou une cabane au Canada.
Des rêves illimités
Gratuitement? Presque. HomeExchange, par exemple, demande une cotisation annuelle de 160 euros. Pour ce montant, vous pouvez pratiquer autant d’échanges que vous le désirez. Vous obtenez également des points en vous inscrivant, qui permettent déjà de voyager pendant près d’une semaine sans héberger quelqu’un chez vous. Chez Kindred, il n’y a pas de frais d’adhésion, mais des frais de service et de nettoyage. L’échange de maisons fonctionne comme un système de partage cashless: vous ne payez pas pour ce que vous recevez, ce qui rend les voyages beaucoup plus abordables.
Les personnes qui participent à ce système ne cherchent pas à gagner de l’argent; elles veulent passer des vacances bon marché. Une véritable économie de partage, comme l’était Airbnb à ses débuts, quand vous «partagiez» une chambre de votre maison avec un voyageur. Depuis, Airbnb est devenu une grosse entreprise et on ne parle plus de partage. Tout le contraire de l’échange de maisons, où cette notion reste au cœur d’un concept qui s’apparente un peu à une chasse au trésor inversée où vous prêtez votre maison pour découvrir le monde.
L’anecdote sur le Canada n’avait rien d’une fiction. Carolien de Bie, une fervente adepte de l’échange de maisons, nous confie: «Le pays figurait depuis longtemps sur notre liste de projets, mais voyager en famille vers une telle destination est onéreux, avec de nombreux logements à 300 ou 400 dollars la nuit. L’échange de maisons s’est donc révélé une sorte de clé dorée. Un autre grand avantage est l’espace dont vous disposez. Trouver une grande maison dans les forêts du Canada, où les enfants dorment dans leur propre chambre, sans débourser toutes vos économies, c’est inespéré!» La famille prépare aujourd’hui son prochain voyage… en Afrique du Sud.
Des chiffres fous
Si la tendance explose, c’est parce que la vie est devenue plus chère et que nous cherchons tous des moyens de pouvoir voyager à petit prix. Les chiffres de HomeExchange sont éloquents: rien qu’en 2024, le nombre de membres a augmenté de 33% pour atteindre 200.000. On peut désormais y trouver plus de 360.000 logements dans quelque 155 pays.
Un échange est conclu sur HomeExchange toutes les deux minutes, soit deux fois plus qu’avant la pandémie de Covid. Pas mal pour une plateforme qui est née dans les années 90 avec un simple catalogue papier. «Nous devons beaucoup au film The Holiday, dans lequel Cameron Diaz et Kate Winslet échangent leurs maisons et leurs vies. La pandémie nous a également été favorable, tout comme la situation économique de ces dernières années, explique Carlijn Postma. Nous proposons une façon durable de voyager. Vous n’avez pas besoin d’acheter quoi que ce soit sur place pendant votre séjour, car tout est à votre disposition.»
Mieux que du simple tourisme
Le phénomène est tel qu’il est souvent cité comme l’une des prochaines grandes révolutions dans l’industrie du voyage. Le prix n’est pas la seule explication. Tous les «échangeurs de maisons» à qui nous avons parlé sont d’accord: la démarche procure un sentiment de satisfaction et de chaleur, grâce au fait que vous vous retrouviez en contact avec des personnes et un lieu. Vous êtes plus qu’un simple touriste.
Au lieu de louer une chambre d’hôtel anonyme, vous entrez dans un espace personnel, avec des placards de cuisine remplis, des Post-it avec des instructions ou des cadeaux de bienvenue. Cela confère au voyage un caractère intime et humain. C’est une poignée de main amicale avec des gens qui vous accueillent comme une famille pour un moment. L’idée de partage est profondément ancrée dans l’ADN de cette tendance.
Les gens font preuve de plus de respect pour l’endroit où ils séjournent, parce qu’ils espèrent le même respect pour leur propre maison.
Stéphanie Huchet, homeswapper
«Il arrive même qu’on puisse emprunter la voiture des propriétaires, par exemple. Ou les canoës. Ou les planches de surf», raconte Stéphanie Huchet, férue de l’échange de maison qui propose sa villa Surf Shanti en Algarve, au Portugal, sur Airbnb ainsi que sur HomeExchange et Kindred, et qui peut donc comparer les plateformes. Les échangeurs ont une mentalité particulière, confirme-t-elle. Ils font preuve de plus de respect pour l’endroit où ils séjournent, parce qu’ils espèrent le même respect pour leur propre maison.
La confiance est le ciment du système. Et la gratitude est palpable. Les clients ont souvent moins d’attentes que les hôtes payants de notre villa de vacances. Si quelque chose n’est pas parfait, comme une lampe cassée, ils ne se plaignent pas. C’est une façon plus relax de voyager, de comprendre les imperfections et d’apprécier l’expérience. Il s’agit de partager pour partager, et non de partager pour gagner de l’argent.»
Le pouvoir des réseaux sociaux
Autre caractéristique du système: un sentiment d’appartenance à une communauté. «Il existe par exemple un groupe Facebook spécifique pour les échangeurs belges, mais aussi des sous-groupes pour les amateurs de certains sports ou les amoureux des chats, raconte Carolien de Bie. Il y en a pour tous les goûts. Grâce à cela, vous obtenez de précieux conseils et trouvez souvent les meilleures opportunités d’échange. C’est ainsi que j’ai découvert mon chalet sur l’île de Vancouver.»
Comment les échanges fonctionnent-ils exactement? Vous postez un message avec une photo de votre famille et une courte présentation du genre «Hello! Nous sommes quatre et nous rêvons de voyager en Amérique du Nord. Nous adorons la nature.» La communauté s’occupe du reste. Les gens répondent avec des suggestions comme «J’ai séjourné dans telle cabane, je la recommande vivement», «Avez-vous pensé à cette région?» ou même «J’ai une maison dans ce pays, vous êtes les bienvenus.» Ainsi, la famille a d’abord rejoint Seattle, avant de prendre un ferry pour le Canada. «Je ne savais pas qu’il était possible de rejoindre le Canada par bateau depuis Seattle. Ce sont les réseaux qui m’ont permis d’organiser ce voyage incroyable.»
Et les inconvénients?
N’y a-t-il donc que des avantages? Ce serait trop beau. «Il faut y consacrer beaucoup de temps, prévient Carolien de Bie. Ce n’est pas comparable à la réservation d’un hôtel sur Booking. Pour les échanges de maisons, de nombreux calendriers ne sont pas à jour, donc parfois, vous découvrez après une demande qu’un logement n’est pas disponible. Je fais en moyenne 10 à 15 demandes avant que quelqu’un ne morde à l’hameçon. La flexibilité est d’ailleurs la clé. Je conseille toujours aux nouveaux échangeurs de ne pas s’en tenir à un plan préétabli, comme une destination spécifique à des dates précises. La démarche nécessite une ouverture d’esprit et une certaine dose de patience. Des destinations très populaires comme New York, par exemple, sont presque impossibles à trouver.»
Autre petit inconvénient… qui peut se révéler un avantage: le nettoyage de votre maison. Inévitablement, on se met à nettoyer dans des coins qu’on ignore d’habitude. Autant dire que toutes les toiles d’araignée disparaissent.
Vous entrez dans l’univers de quelqu’un.
Carolien de Bie, homeswapper
Quête d’authenticité
Le propriétaire d’une maison «ordinaire» avec des meubles «ordinaires» dans une rue «ordinaire» peut-il donc rêver d’un penthouse avec vue sur l’océan sur Ocean Drive à Miami? Sur des sites comme HomeExchange ou People Like Us, c’est possible. Sur Kindred, vous devez d’abord postuler et être «approuvé», tandis que pour utiliser Behomm, vous devez être invité par un autre membre.
Ces deux plateformes se présentent comme des sites d’échange de maisons pour les voyageurs qui aiment les logements esthétiques. Dans tous les cas, la quête de la maison idéale se révèle excitante à souhait. On peut y voir un soupçon de romantisme, avec une bonne dose d’aventure et plein de surprises. La vie, quoi!
Quatre homeswappers nous racontent leur expérience
Behomm
Kunegonde Leys: «Behomm s’adresse aux architectes et aux amateurs de design. Vous échangez littéralement votre logement: vous séjournez dans la maison de quelqu’un d’autre, tandis que cette personne séjourne chez vous en même temps ou à une date ultérieure. Par exemple, nous avons profité d’une magnifique cabane au bord d’un lac en Suède, en pleine nature. Il ne suffit pas de s’inscrire, il faut être invité par un membre, ce qui est un gage de qualité. Les maisons sont toutes des joyaux architecturaux. Seul bémol? Il faut parfois du temps pour trouver le match idéal.»
HomeExchange
Carolien de Bie: «Je suis une grande fan de l’échange de maisons parce qu’il nous emmène vers des destinations dont nous ne pourrions que rêver, comme le Canada, la Norvège ou bientôt Le Cap. Est-il plus facile de réserver un hôtel sur Booking? Certainement. Mais nous aimons les maisons spacieuses, où chacun a son intimité. L’échange de maisons par l’intermédiaire de HomeExchange peut vous coûter plus d’efforts, mais il vous apporte aussi plus de chaleur. Vous entrez dans l’univers de quelqu’un, c’est vraiment spécial.»
Kindred
Stéphanie Huchet: «Notre villa Surf Shanti, située dans le village côtier portugais d’Aljezur, est à la fois sur Kindred et sur HomeExchange. Les deux plateformes suivent le même principe, mais chez Kindred, il faut d’abord être admis. Les logements ont tendance à être plus esthétiques. Kindred semble aussi un peu plus «américain»: le site Internet est élégant et le marketing est très moderne. Ils proposent également un service de conciergerie via WhatsApp, où vous pouvez poser toutes vos questions. Vous ne payez pas de frais d’adhésion, mais des frais de service (dès 4 euros par nuit) et des frais de nettoyage (dès 120 euros).
People Like Us
Laura Van De Woestyne: «Grâce à People Like Us, j’ai échangé mon appartement à Gand contre un condo sur le North Shore à Hawaii. J’ai choisi cette plateforme parce que j’ai réussi à y trouver un logement à cet endroit précis. Le site de People Like Us est un peu vieillot, mais cela ne me dérange pas. De plus, les frais d’adhésion sont moins élevés que sur d’autres plateformes (120 euros par an). Le logement lui-même était parfait. Les propriétaires retraités avaient vraiment pensé à tout.»
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