Dans tous les sens du terme

DELPHINE KINDERMANS RÉDACTRICE EN CHEF © FRÉDÉRIC RAEVENS

Alors que Lagarde et Michard ne sont plus aujourd’hui des camarades d’études incontournables des collégiens et lycéens, l’extrait continue à figurer parmi les textes d’anthologie de la littérature française. Au point d’avoir acquis un statut et une existence autonomes, en dehors des pages d’ A la recherche du temps perdu. Si bien que, longtemps après la disparition de Marcel Proust, ses mots évoquent largement plus que le fantôme de sa chère tante Léonie et les dimanches à Combray. Ou comment les saveurs d’un insignifiant gâteau plongé dans une tasse de verveine sont devenues la parfaite métaphore d’un souvenir, gustatif ou pas, qui rejaillit involontairement. Voire d’un sentiment, spontané et fugace – en l’occurrence ici celui de la joie, teintée de nostalgie – remontant des tréfonds de notre mémoire.

Les saveurs d’un insignifiant gu0026#xE2;teau plongu0026#xE9; dans une tasse de verveine, parfaite mu0026#xE9;taphore d’un souvenir qui rejaillit involontairement.

Pourtant, relate l’écrivain,  » la vue de la petite madeleine ne m’avait rien rappelé avant que je n’y eusse goûté « . C’est que la vision, l’olfaction, l’ouïe, le goût ou le toucher se situent sur une échelle mouvante : certaines fois, l’un prédomine, sans que l’on sache pourquoi. Dans d’autres cas, au contraire, se joue un récital dont on dissocie difficilement les interprètes, et dans lequel tous nos organes sensoriels interviennent, loin de se cantonner à leur fonction première. Ainsi, quand Olivier Polge crée une fragrance pour Chanel, ce n’est pas uniquement son odorat qui donne le tempo mais  » tous… et aucun autre, en même temps « , énonce le nez. Et s’il constate que, dans notre société,  » le visuel a toujours tendance à prendre le dessus « , il fait remarquer que le vocabulaire de la parfumerie est par ailleurs  » si proche de celui de la musique  » – il y est également question de notes, de gammes, de partitions…

Dans un domaine très différent, Elisa De Wyngaert, curatrice de Soft ? Dialogues Tactiles, confirme ce décloisonnement.  » Le rapport au toucher, nous a-t-elle expliqué lors de la présentation de cette première exposition du MoMu hors les murs, c’est aussi une manière de regarder, d’observer les textiles, d’imaginer ce que l’on ressent.  » Un effacement des frontières qui permet aux sensations de se renforcer mutuellement et que Mathieu Jacri ne renierait pas, lui non plus. L’étoilé bruxellois nous a en effet concocté un repas exclusif, à savourer avec le vin et la bande-son ad hoc. Formé à bonne école – Ducasse, Bruneau, Devalkeneer, notamment – le chef de la Villa Emily nous dévoile, pour le coup, un menu à la croisée des cinq sens, à l’image de ce numéro Black Luxe dont nous vous souhaitons une excellente dégustation.

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