Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Poissons jaunes, tortues de mer et coraux cristallins, le sixième continent n’a pas fini de vous émerveiller. Embarquez pour un beau voyage au coeur du monde du silence.

 » Je me souviens d’avoir eu un peu peur au début « , se rappelle Christian, un commerçant de la région de Charleroi, en évoquant son baptême de plongée.  » C’était à La Réunion. J’étais un parfait débutant. Je n’avais jamais fait de plongée, même pas avec un tuba. Impossible de me détendre à cause de tout ce matériel que je ne maîtrisais pas. Au départ, on panique un peu d’avoir à respirer dans un embout. Petit à petit, je me suis calmé. Le moniteur me guidait doucement. La contemplation des fonds m’a alors complètement absorbé. J’étais fasciné par ce que je voyais. C’était extraordinaire. Je suis sorti de l’eau en demandant au moniteur combien de temps je devrais attendre pour y retourner. « 

Depuis, Christian consacre au moins une semaine par an à la plongée. L’Egypte, les Maldives, la Polynésie, les Bahamas… Cette pratique lui permet de boucler un tour du monde sous-marin.  » Nous sommes un petit groupe de six plongeurs, précise le Carolo. Il y a trois Belges, deux Français et un Suisse. On s’est rencontré en vacances. Chaque année, on planifie une nouvelle destination. On essaie de préparer nos voyages au mieux: prise de contact avec les clubs locaux pour connaître les meilleurs endroits, réservation de bateaux, recherche de cartes détaillées décrivant les fonds marins. On constitue une sorte de petit dossier que l’on passe ensuite à d’autres plongeurs.  » Pour ce passionné, cette semaine de vacances annuelle sous l’eau est exclusive.  » Un vrai plaisir égoïste « , confie-t-il. C’est l’occasion de partir sans femmes, ni enfants. A six, on est assez insupportables. Matin, midi et soir, on ne parle que bonbonnes. Cela fait fuir les épouses. « 

Un loisir de plus en plus accessible

La plongée sous-marine est en train d’évoluer et de se démocratiser. Pour Miguel Cotton de  » Continents Insolites « , son succès est indéniable et participe de l’essor des loisirs actifs.  » Quand dans un circuit les gens se retrouvent pour quelques jours à la plage, ils les mettent à profit pour s’initier à la plongée, explique-t-il. C’est assez nouveau. Avant, ils s’adonnaient volontiers au farniente. Selon moi, cette discipline sportive n’a pas fini de faire des adeptes. « 

Si auparavant la plongée affichait une image très technique, aujourd’hui, elle est en passe de devenir un loisir accessible à un public plus large. Plusieurs facteurs y contribuent. D’abord, le matériel. Depuis l’époque mythique du commandant Cousteau, l’équipement du plongeur est beaucoup plus maniable et s’est considérablement allégé. D’un point de vue pédagogique, ces améliorations techniques permettent aux moniteurs d’accompagner les débutants sous l’eau avec davantage d’aisance. Du coup, c’est tout le processus d’apprentissage qui s’en trouve facilité. Idem pour certains accessoires. Les masques ne sont plus en caoutchouc, mais en silicone: ils sont nettement plus confortable à porter.

A noter aussi: acheter son matériel n’est plus indispensable non plus. On peut se contenter d’acquérir palmes et masque, et de louer, sur place, le reste de l’équipement. La plupart des pays recèlent des  » spots  » (endroits propices) de plongée où on a vu fleurir des écoles et des structures prêtant le matériel adéquat.

Le coût d’une formation n’a désormais plus rien de prohibitif. En effet, l’écolage et les épreuves pour l’obtention des brevets peuvent s’effectuer dans le cadre de clubs associatifs. Il suffit pour cela de donner un coup de fil à la piscine la plus proche. Bon à savoir: le brevet, comme le permis de conduire, est valable à vie. Et ce, dans le monde entier. Mais attention toutefois: une formation ne peut être entreprise qu’après avoir obtenu un certificat médical prouvant l’aptitude à la pratique de la plongée.

Il existe trois brevets différents, qualifiés de une à trois étoiles. Une étoile, le niveau de base, oblige le plongeur à être accompagné d’un moniteur et à ne pas descendre en dessous de 10 mètres de profondeur. Ce niveau est normalement atteint après cinq jours d’apprentissage. Deux étoiles, appelées  » advanced  » dans le jargon de la plongée, permettent de descendre jusqu’à moins 20 mètres à condition d’être avec plusieurs autres plongeurs du même niveau. Trois étoiles, enfin, caractérisent des plongeurs dont la technique dépasse largement l’amateurisme lié aux vacances.

Que les anxieux se rassurent, il n’en faut pas tant pour trouver du plaisir: la plupart des spécialistes s’accordent pour dire que les plus belles découvertes s’effectuent entre zéro et moins dix mètres. Mais pour Jean-Jacques Tournay, responsable plongée chez Nouvelles Frontières Belgique, il y a un choix préalable à faire en matière d’initiation.  » Le néophyte peut s’initier en Belgique en piscine pour arriver fin prêt dans la destination de son choix, signale-t-il. Ou il fait son apprentissage sur place et perd deux jours dans la piscine de l’hôtel. « 

Un esprit de corps

L’arrivée de gros tour-opérateurs généralistes sur le marché de la plongée a largement bouleversé la donne. Ceux-ci – grâce à un système d’intégration verticale (les structures qu’ils possèdent sur les différentes destinations leur permettent de réaliser des économies d’échelle) – vendent le rêve à prix démocratique. Pariant sur l’essor de la discipline, ils proposent des formules tout compris à des prix avantageux. Exemple: la mer Rouge à moins de 25 000 F la semaine avec le vol, l’hébergement, les repas et les plongées. Et pour le double du prix, on peut sans problème s’offrir les Maldives. Sans compter que hors période scolaire, les tarifs des voyagistes fondent encore. Surtout sur certaines régions. L’Egypte et certains pays du Sud-Est asiatique (Thaïlande, Malaisie, Philippines, Indonésie) comptent parmi les destinations plongées les moins onéreuses.

Preuve que les professionnels du secteur ont flairé le bon créneau: Nouvelles Frontières publie cette année une brochure entièrement dédiée à la plongée. Du Kenya au Cap-Vert en passant par la Corse, le plongeur – débutant ou confirmé – ne manque pas de choix. Et le tour-opérateur français a été jusqu’à négocier des suppléments de bagages auprès des compagnies aériennes pour que ses clients puissent emporter leur propre matériel.

Au-delà de l’aspect commercial, la plongée génère aussi un sentiment d’appartenance à une véritable communauté. Plonger crée des liens et surtout pousse à communiquer et à partager ses expériences. Un site Internet comme Filfog.com en atteste. Sur ce portail dédié au voyage, une section spéciale  » plongeurs  » témoigne d’un indéniable esprit de corps. Forums, bons plans, carnets de voyage… Tout est prétexte aux échanges entre passionnés. Ailleurs sur Internet, il suffit de taper le mot  » plongée  » pour voir défiler des centaines de sites regorgeant de bons plans vacances.

 » Les plongeurs appartiennent à une communauté très solidaire, affirme Christian. On n’a pas idée à quelle vitesse les informations circulent dans ce petit monde. Si certains fonds marins deviennent infréquentables à cause d’une pollution quelconque, du jour au lendemain l’endroit sera déserté par les plongeurs. Pour nous, l’avènement d’Internet a constitué une fameuse opportunité. « 

Une foule de possibilités

Il ne faut toutefois pas considérer la plongée comme une et indivisible. Parler  » des  » plongées serait plus exact. Au sein même de la plongée, il existe en effet plusieurs disciplines permettant de varier les plaisirs. Au rayon  » douceur « , on trouve le  » snorkeling  » ou PMT (palmes, masque, tuba). Pour certains, cette activité constitue une excellente initiation à la plongée ; pour d’autres, un loisir à part entière. Le  » snorkeling « , soit la plongée sans bouteille, remporte un succès croissant. C’est une façon idéale de découvrir les fonds marins, à moindre coût et sans être gêné par un matériel pesant. Le tout, sans technique particulière, si ce n’est de savoir nager. Le  » snorkeling  » se pratique de préférence dans des récifs coralliens et des biotopes privilégiés attirant des espèces variées. Il s’effectue en surface; la luminosité est idéale pour ne rien manquer du spectacle sous-marin. Il faut savoir que dans les régions tropicales, mieux vaut être équipé d’une combinaison pour éviter les coups de soleil et les blessures liées aux coraux.

Plus technique: la  » plongée dérivante « . Elle se pratique dans des régions comme la Polynésie, les Maldives. Contrairement à la plongée  » classique « , où les plongeurs nagent dans un certain périmètre autour d’un bateau, la plongée dérivante consiste à se laisser entraîner par un courant d’un point à un autre. Comme un bout de bois entraîné par les flots. Un bateau se charge de récupérer les plongeurs en fin de parcours. Ce type de plongée séduit par les sensations de glisse qu’elle procure. Cette pratique est plutôt réservée aux plongeurs confirmés. Parfois, c’est un courant avoisinant les 6 noeuds qui emporte les candidats à l’aventure.

A l’opposé du  » snorkeling « , il existe une version extrême de la plongée:  » le shark feeding « . On peut s’y adonner en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie et aux Bahamas. Un moniteur descend sous l’eau en compagnie d’un groupe de plongeurs. A la main, il tient une carcasse de poisson mort. Après avoir installé les plongeurs en arc de cercle à même le sol, il se met à découper la carcasse. Excités par l’odeur du sang, plusieurs requins ne tardent jamais à arriver. Le moniteur leur tend les morceaux de poisson. Le carnage peut alors commencer. Prudence et circonspection! Ce spectacle horrifiant est largement contesté; la sécurité des plongeurs étant loin d’être assurée. Certains clubs de plongée refusent d’ailleurs carrément de pratiquer le  » shark feeding « . Selon les spécialistes, cette pratique aurait également des conséquences désastreuses sur les biotopes: accoutumance des requins et regroupement des poissons qui deviennent alors des proies faciles.

Enfin, pour un panorama complet, il faut également mentionner la photographie sous-marine qui a son lot d’aficionados et, histoire de jouer les Indiana Jones des océans, la plongée à la découverte d’épaves.

Michel Verlinden

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