La vida Léo

Leonneke Derksen © Paul Franco / sdp

Ses vêtements sont aujourd’hui vendus à New York, Los Angeles, Londres ou Tokyo. Elle les dessine comme on raconte une histoire, la créatrice ne peut pas s’en empêcher. Il était une fois Léo.

Son présent

Elle a 30 ans et l’envie impérieuse de  » faire des vêtements pour elle « . Si on la détaille des pieds à la tête, cela ressemble à une jeune femme qui aurait été ado fin des années 90, n’aurait pas renoncé à ses premières amours canailles et aurait acquis une maturité faite de légèreté. Ne pas oublier d’ajouter au descriptif une classe folle. Elle porte aujourd’hui un pantalon de training rose vraiment fait pour elle, un pull-over noir à col roulé qui enserre délicatement ses épaules fines et, vissée sur la tête, une casquette qui cache mal ses yeux bleus, sa peau diaphane. Si elle donne rendez-vous dans un bar bruxellois, code postal 1190, c’est parce que son studio, c’est son chez-elle et que le reste de son équipe y bosse, soit Joëlle,  » mon alter ego, ma meilleure amie « , venue de la maison Chloé et présente dès les débuts de l’aventure, et Matthias, son compagnon, son Pierre Bergé,  » mais avec moins d’argent que le mécène de Saint Laurent « , badine-t-elle.

Son cursus

 » Je n’étais pas une enfant qui cousait des habits pour ses poupées, pas du tout, j’étais toujours dehors « , dit-elle dans son langage imagé où s’éternise délicieusement un reste d’accent du sud des Pays-Bas. Leonneke Derksen viendra à la mode, pas par le tissu ni le dessin, mais par les histoires – raconter, créer une ambiance et jouer avec une héroïne, la sienne, qui porterait ses vêtements. Un an d’école technique à Den Bos, où elle se concentre sur la coupe, les tissus, le drapage, et puis découverte de l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers lors d’un voyage scolaire, c’était en 2008. Pour l’examen d’entrée, elle avait imprimé son CV sur son tee-shirt, on imagine la scène.  » J’ai été prise, je ne sais pas pourquoi.  » Une chose est sûre : elle est enfin à sa place.  » Je n’avais jamais été aussi bien à un endroit, c’était très dur, mais ce n’était pas un problème pour moi, j’aime quand c’est difficile.  » Sur son diplôme, promotion 2011, trône un Magnum cum laude, cela ne surprend guère. Elle enchaîne un stage à New York chez Sea, très genré high street, puis débarque à Paris chez Balenciaga, Cacharel et enfin Carven où, aux côtés de Guillaume Henry, elle apprend le français, mais pas seulement, elle dit joliment :  » Je suis tombée avec mon nez dans le beurre.  »

Ses débuts

Elle a décidé qu’officiellement, le vrai début de Léo date de l’été 16, même si en réalité son vestiaire existe depuis plus longtemps, avec prémices dans une collection capsule qu’on s’arracha, chez Step by Step, à Anvers, puis un premier printemps-été 15 qu’elle baptisa Léo Paris. Elle a, depuis, laissé tomber l’ancrage à Paname, au propre et au figuré –  » La fille Léo n’est pas accrochée à une ville, elle peut être partout, tout le temps, et la tête ailleurs…  » Elle a pris ses quartiers à Bruxelles, on trouve sa griffe chez Opening Ceremony à New York et Los Angeles, Shyness à Londres, Clash à Taipei, Sketch à Knokke ou Casimir Pulaski Day à Tokyo.

Ses inspirations été 17

 » Un mélange de tout et n’importe quoi, de mes expériences dans les différentes maisons par lesquelles je suis passée, je pense à Balenciaga, qui était une machine de guerre de la mode, et à Carven, où tout était très amical.  » Ajoutez à cela des appétences qu’elle n’a pas envie de réprimer : mélanger les codes et les images qui l’ont nourrie,  » les longs-métrages de l’époque durant laquelle j’ai grandi, début des années 2000, le reality soap Laguna Beach sur MTV, les clips de TLC, Aaliyah, Britney, J.Lo qui, pour les générations d’avant et d’après, sont tellement de mauvais goût, mais pas pour nous. J’ai beaucoup de nostalgie pour cette musique-là, peut-être parce que c’était la première fois qu’on comprenait vraiment le monde.  » Dans l’inventaire de ses inspirations, on trouvera aussi les bandes de filles, un peu gangster, beaucoup latino, en hommage à Jennifer Lopez et au documentaire La Vida Loca sur l’enfer des gangs au Salvador, d’où le titre de la collection de la saison, La vida Léo. Très logiquement, Leonneke Derksen y a mélangé un imprimé dollars pour le bling-bling, un jumpsuit en velours pour ses références Juicy Couture et des bandanas pour le romantisme de leurs fleurettes contrecarré par l’usage qu’en ont fait les rappeurs. Il a fallu qu’elle se fasse un film, le résultat se voit sur ces photos prises à l’arrache quelque part dans la campagne française, vers le nord, dans le jardin d’une maison qu’elle pensait abandonnée, elle abritait en réalité une mamy apeurée qu’il a fallu rassurer avant de lever le camp et continuer le shooting dans le jour déclinant aux abords d’un complexe sportif à la splendeur passée. Avec elle, le romanesque n’est jamais loin.

www.leobyleo.com

Par Anne-Françoise Moyson

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