Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Logée dans un site naturel exceptionnel, au confluent des eaux froides de l’Atlantique et des courants chauds de l’océan Indien, Le Cap offre un panorama unique. Départ pour une odyssée plein sud .

Avec son petit air de Rio, la ville du Cap réussit une parfaite harmonie de tons entre les bleus de la mer et celui du ciel. Il y a ici quelque chose de mythique. En regardant ce panorama on ne peut s’empêcher de songer à la caravelle de Bartholomeu Dias qui, en 1487, fut la première à contourner ce cap du bout du monde. L’histoire des navigateurs et des grandes explorations laisse planer ici comme un halo de mystère sur la ville.

Une histoire faite surtout de bruit et de fureur qui vit les Hollandais de la Compagnie des Indes orientales prendre la ville aux Portugais en 1652, avant que celle-ci n’appartienne aux Britanniques dès 1806.

Avec la découverte de gisements de diamant et d’or dans le centre du pays, la ville perdit sa suprématie au profit de Johannesburg qui, aujourd’hui encore, est capitale économique de l’Afrique du Sud.

Dominé par la montagne de la Table de plus de 1000 mètres aux parois abruptes, le centre-ville bénéficie véritablement d’un écrin de rêve. Entièrement tournée vers le large, elle offre un spectacle dont la beauté naturelle coupe le souffle. Une balade jusqu’au sommet de la montagne permet d’avoir une vue globale sur le site naturel. Au loin, il est même permis d’apercevoir la réserve naturelle du cap de Bonne-Espérance, à la pointe duquel se mêlent courant froid de Benguela qui remonte la côte ouest du cap et courant chaud d’Agulhas qui longe la côte est. A partir du Cap, plusieurs visites valent la peine d’être effectuées. Ainsi, le quartier malais est à privilégier. Cette banlieue dont la population est musulmane est celle où résident les descendants des esclaves et des prisonniers politiques asiatiques déportés par les Hollandais. Les ruelles escarpées, et bordées de maisons à toit plat de différentes couleurs plongent le visiteur dans une autre dimension. Dans le même esprit hors du temps, les  » Botanical Gardens  » donnent à voir les potagers plantés par la Compagnie des Indes orientales pour ravitailler les navires. Frais et charmants, ces six hectares de verdure constituent une respiration bienvenue dans une ville qui n’échappe pas aux éternels problèmes de circulation.

Langa, le bidonville de l’espoir

 » Shosholoza, ku lezontaba, stimela si qhamuka e South Africa  » ( » Shosholoza, tu sillonnes les montagnes, ce train provient d’Afrique du Sud « ). D’une voix claire et du haut de ses 17 ans, Daniel Zwalibanzi emplit la pièce de ce chant traditionnel sud-africain. L’auditoire est attentif. Toute la petite classe de la  » community school  » du bidonville de Langa reprend le refrain en choeur. Pour la quarantaine de garçons et de filles en uniforme, ce tempo vibrant réveille de nombreux souvenirs. Cette ancienne rengaine, dont les onomatopées évoquent le bruit du train sur les rails, est devenu au fil du temps l’hymne national officieux de ceux qui continuent à lutter pour un monde meilleur.

Dans ce faubourg situé à l’est du centre-ville de Cape Town, l’espoir fleurit encore. Des associations se créent et des projets naissent en tous sens : recyclage des déchets, éducation, valorisation de l’artisanat. Depuis quelque temps, les habitants ont même ouvert leur quartier aux touristes. Leur but : miser sur une conscientisation et bénéficier directement des revenus des visites guidées. Loin d’être cynique, comme ce type d’initiative peut l’être parfois, la démarche est venue de la nécessité de sortir du cercle vicieux qui mène de la pauvreté à l’analphabétisme.

L’initiative concourt directement à financer l’école de la communauté de Langa. Celle-ci est aujourd’hui le centre névralgique d’une vie meilleure. Comme l’affirme Frank Mbete, le guide, un Zoulou issu du quartier : « C’est aussi à nous de prendre les choses en main, nous ne pouvons pas nous reposer sur les promesses des politiques. « 

La situation est d’autant plus difficile que les bidonvilles se situent à la lisière des villes et des cultures. Les habitants y sont pris en tenaille entre les croyances issues de leurs ancêtres et les valeurs de la modernité. Ainsi, pour certains membres de l’ethnie des Xhosa, le second groupe ethnique du pays derrière les Zoulous, le passage à l’âge adulte se fait encore selon un rite ancestral. Cela, même au milieu des abris de tôle et de béton. Autrefois, les jeunes guerriers Xhosa quittaient le clan pour se rendre un mois dans le bush, histoire de franchir symboliquement la ligne invisible qui sépare le monde de l’enfance de celui des responsabilités. Aujourd’hui, même si le quotidien des  » townships  » a érodé les traditions communautaires, ils sont encore nombreux à s’isoler, à quelques mètres seulement du  » domicile parental « . Recouverts de craie et impérativement circoncis, ils accéderont après trente jours d’une relative solitude au monde des adultes. Après, ils s’éloigneront définitivement de ceux qui n’ont pas encore franchi le pas.

Le point d’orgue d’une visite à Cape Town est pourtant  » Robben Island « , l’île aux phoques. Elle tient son nom d’une colonie de ces mammifères marins qui autrefois la peuplait. Aujourd’hui encore, les eaux froides de l’Atlantique permettent d’apercevoir le ballet de quelques otaries facétieuses. Cette île située au large de la ville a également valeur de symbole politique. Elle est celle où l’ancien président Nelson Mandela est resté emprisonné durant vingt-sept ans au temps de l’apartheid. La visite de cette prison dont il était impossible de s’évader est aujourd’hui effectuée par d’anciens détenus politiques. Ils expliquent avec détachement les traitements qui leur étaient infligés, détaillant ainsi l’échelle de couleur de peau qui était en vigueur. Celle-ci déterminait les menus et le degré d’amabilité des gardiens.

Entre ville et vigne Depuis Le Cap, la découverte des  » Winelands « , les régions viticoles, s’impose. D’autant plus que les vins sud-africains ont acquis une jolie réputation mondiale. Les deux régions représentatives sont le Stellenbosch et le Franschhoek. Elles peuvent se découvrir toutes deux en une journée au départ du Cap. Stellenbosch est la plus ancienne et la plus belle des régions viticoles d’Afrique du Sud. La tradition de la vigne y date du XVIe siècle, mais ce n’est qu’à partir de 1679 qu’elle s’est organisée véritablement. Pour le voyageur, il est assez surprenant de voir les pieds de vignes jouxter des arbres exotiques. Une trentaine de caves issues des différentes exploitations viticoles sont ouvertes aux touristes. L’élaboration des grands crus est parfois assez surprenante. Ainsi à  » Nelson’s Creek « , une appellation en pleine expansion, le responsable de la qualité explique, avec sérieux, comment la musique classique permet d’obtenir une meilleure fermentation du raisin. Très fier, il raconte également comment des sommeliers français ont élu à l’aveugle et à leur plus grand étonnement son vin parmi une sélection de blancs venus de l’Hexagone ! A environ trente kilomètres au nord-est de Stellenbosch, on peut découvrir Franschhoek, charmant petit village paisible. Le  » Coin des Français  » a été ainsi nommé lorsque l’on confia ces terres à deux cents huguenots français qui arrivèrent entre 1688 et 1690, après la révocation de l’édit de Nantes. Ce sont eux qui développèrent l’activité viticole. Sur place, un musée retrace l’histoire de ces pionniers qui s’établirent dans la région. Une jolie façon de mêler histoire et vie contemporaine dans un pays exceptionnel dont la région du Cap ne constitue qu’une infime partie.

Michel Verlinden

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