Les papes de la sape

DELPHINE KINDERMANS © EMMANUEL LAURENT

Les observateurs de l’histoire en train de s’écrire en sont tout retournés. Alors que, depuis toujours ou presque, la dynamique partait du haut vers le bas, voici qu’elle s’inverse. Comprenez : si par le passé les nantis définissaient le chic tandis que, dans un deuxième temps, les classes inférieures les imitaient, désormais c’est la rue qui donne le ton, le luxe s’emparant de ses codes dans un mouvement ascendant. Le haut de gamme drague donc ouvertement les têtes de pont du streetwear. Au point, pour Louis Vuitton, de désigner Virgil Abloh à la direction artistique de son vestiaire Homme. Il faut préciser que cet extérieur au sérail a entre-temps lancé Off-White, devenant du coup un pape de la sape. Une marque dont le triomphe planétaire n’est pas étranger à son amitié avec Kanye West, poids lourd de l’industrie musicale – 32 millions de disques vendus, 100 millions de téléchargements, 21 nominations aux Grammy Awards. Des arguments qui pèsent, à l’heure où les Dior, Balenciaga, Gucci et consorts aiment s’encanailler avec le rap. Un flirt amenant dans les collections une profusion de logos, de pièces cool et oversized ou de baskets à plusieurs centaines d’euros. Et aux premiers rangs des défilés, des profils de rebelles, dénotant avec les seuls invités policés repris jusqu’il y a peu sur les guest lists.

Dior, Balenciaga, Gucci et consorts aiment s’encanailler avec le rap.

Mais la révolution à laquelle on assiste ne s’arrête pas là. Editions limitées, pop-up stores et boutiques hype, pubs digitales et buzz sur les réseaux sociaux… les acteurs historiques du secteur appliquent aujourd’hui les stratégies marketing utilisées par les nouveaux prophètes de la fashion pour créer leurs propres labels.  » J’ai commencé à porter des pièces Avnier dans les clips et lors des concerts « , nous a confié Orelsan. Sébastian Strappazzon lui avait  » dessiné une veste spécialement pour la tournée (…) tout le monde la voulait « . Résultat : elle a intégré la ligne imaginée par le duo, qui avait débuté modestement en 2014,  » avec un sweat et un tee-shirt, histoire de voir si ça prenait « . Car cette génération-là a beau être totalement décomplexée à l’idée de faire du fric, elle garde les pieds sur terre dans la gestion de son business.  » Ce qu’on aimera demain sera forcément à l’opposé de ce que l’on adore maintenant « , résume le rappeur français. Après l’apogée du streetstyle cet hiver encore, le retour au strict style la saison prochaine ?

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