Lutz Huelle ou la vie composite

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Sur le mur de son studio de la rue du Temple à Paris, Lutz Huelle a punaisé les cinq dernières collections qu’il a signées de son nom. Il lui suffit de lever les yeux, quitter l’espace d’un instant ses toiles, laisser son regard se poser sur ses silhouettes qu’il connaît par coeur pour les avoir pensées, aller au plus près de sa veine, la même depuis qu’il a compris l’équation – creuser son sillon, surtout  » ne pas toujours tout recommencer à zéro « . Dès ses débuts en 2000, au lancement de son label, cet Allemand éduqué au Central Saint Martins College of Art and Design, à Londres, se demandait  » comment faire des vêtements pour la vie d’aujourd’hui ?  » Et puisqu’il pressent que les règles ont implosé, que notre quotidien se forge dans l’hybridation, il choisit cette voie-là, mêlant le sportswear, le formel et le soir avec une impétuosité qui n’a alors pas cours. Ses vestes en molleton dans un tailoring élégant interloquent, oh le mélange hasardeux, mais lui poursuit sereinement sa décontextualisation. Il faut dire qu’il a été à l’école Martin Margiela, de 1995 à 1998, que cela vous forge une vision et que, par deux fois, en 2000 et en 2002, il remporte le prix de l’Association Nationale de Développement des Arts de la Mode qui le  » sauve  » –  » Je n’avais pas de capital pour commencer, je n’aurais jamais pu continuer sans cela.  » Depuis, il a grandi, sa griffe aussi, mais sans se perdre en chemin, comme s’il était fin prêt, construisant un vestiaire qui confronte et marie avec aisance les signes, les codes, les détails, les proportions de garde-robes parfois contraires. Des entrelacs composites qui parlent d’ici et maintenant, la plus belle définition de la mode.

Anne-Françoise Moyson

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