Par Florence Hainaut

© INGRID OTTO

Bon, déjà, on ne peut pas dire que je sois ce genre de personne qu’on qualifie  » du matin « . Alors quand j’entends, avant même que la moindre particule de caféine n’ait eu le temps d’atteindre mes organes, un type qui dit à la radio  » Avant #metoo on avait établi des relations apaisées entre hommes et femmes, c’était génial « , autant vous dire que le râle qui s’échappe de ma bouche pourrait faire miauler de peur un gladiateur. Non mais attendez, de quelle maladie mentale cette phrase est-elle le symptôme ? Qui peut sincèrement penser que, avant que des femmes ne témoignent en masse, publiquement, du harcèlement et des agressions dont elles sont victimes, tout allait bien dans le meilleur des mondes ? #metoo, ça n’est pas un nuage toxique, sorti de nulle part et qui s’est abattu sur la planète pour créer une guerre entre les sexes. C’est le résultat de siècles entiers pendant lesquels les femmes ont été traitées par des hommes comme des objets à disposition. Ce mouvement n’a pas une vie et une dynamique propres, il est la somme des voix qui se sont enfin élevées. Et non, les relations entre hommes et femmes n’étaient géniales, avant. C’est juste qu’on se taisait, entre autres parce que nous n’avions pas réalisé à quel point l’humiliation et le traumatisme créés par le harcèlement et les agressions constituaient pour les femmes une expérience collective. Chacune morflait, dans son coin. Et souvent se taisait, parce qu’on avait bien compris que notre parole avait peu de valeur. Il a fallu qu’on hurle ensemble pour être audibles. Et encore, certaines ont payé cher leur sortie. Les impudentes. Ce qui était apaisé, petit monsieur qui m’a réveillée l’autre matin en disant des grosses bêtises, c’était vos poils d’oreilles, avant qu’on vienne les décoiffer en criant qu’il y a rire et rire, mais que le seul truc en libre-service sur lequel vous pouvez monter, c’est une trottinette. Il n’y a pas de mouvement  » #metoo « . Il y a des femmes qui en ont assez. Et va falloir vivre avec. Et puis vous taire aussi, à l’occasion.

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