Valérie Berckmans

© LYDIE NESVADBA

La créatrice bruxelloise n’est pas sûre que son label mode éthique et écoresponsable puisse terminer l’année sans passer par la case faillite. Ceci est un appel au secours.

Il vous manque 30 000 euros pour clôturer 2019. Vous avez transformé le Black Friday en Green Friday pour inviter à consommer durable et écoresponsable. Un appel au secours ?

Oui. J’ai utilisé cette journée parce que j’avais besoin de récupérer de l’argent, mais surtout parce que je désirais envoyer un message : consommons autrement et mieux. Il semble que l’on arrive à la fin d’une civilisation, quand l’industrie textile se met à tout prix à refourguer son immense production, dont les gens n’ont plus besoin parce qu’ils ont trop, et qu’elle est obligée d’inventer des Black Friday ou des Mid Season Sales pour vendre ses stocks. Le concept est dingue : ce que l’on vous vendait 10 euros, on peut aussi vous le vendre 2 euros parce que c’est tellement mal fait, dans des matières de mauvaise qualité et qu’on a payé pratiquement rien pour le fabriquer. Comme dans la chanson de Souchon, on voit le vide à travers les planches. Cela donne le vertige. Et cela prend de l’ampleur parce que les gens se sont habitués à ce mode de consommation – ils ne parviennent plus à faire la différence entre les projets qualitatifs et ceux qui ne le sont pas.

Depuis treize ans, vous faites oeuvre de pionnière avec votre marque écoresponsable à votre nom. Vous êtes aujourd’hui épuisée ?

C’est ambigu car avec Meyrueis De Bruyn, ma partenaire, nous avons acquis un savoir-faire pour créer des collections efficaces, dans de bonnes conditions. J’aimerais que tout soit serein mais il me manque 20 % de chiffre d’affaires, ce qui permettrait que l’on puisse se payer… J’ai placé mon processus créatif et mon business model sur le mode écologique, je n’ai pas communiqué là-dessus parce que pour moi c’était juste normal. Même si je me souviens qu’au début, on me disait en rigolant :  » Du coton bio, ça se mange ?  » Ce serait bête d’arrêter maintenant, alors que tout est en place… Mon business plan fonctionnait pourtant. Mais depuis 2015, le centre de Bruxelles a souffert avec le piétonnier, les achats online se sont développés et mes coûts de production ont augmenté – ma couturière, une perle, a doublé ses prix, je n’ai pas pu répercuter cette hausse, cela aurait été irréaliste. Je n’aime pas me plaindre, je ne veux pas que ce soit misérabiliste, mais je trouve cela trop bête. S’il y avait moyen de réveiller la conscience des gens, pas seulement pour moi mais pour tous les créateurs qui se donnent du mal…

Valérie Berckmans, 8, rue Van Artevelde, à 1000 Bruxelles. www.valerieberckmans.be

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