L’incroyable remontada de Desigual, passée de kitsch à marque chérie des jeunes branchés
Desigual, on adore ou on déteste, mais la marque espagnole ne laisse personne indifférent. En ce compris la jeune génération, cible d’un repositionnement audacieux du label ibère.
Pantalon slouchy métallique. Robe midi zippée en denim. Mules monochromes dont les lignes évoquent les modèles scandinaves les plus branchés de l’été. Aucun clash d’imprimé ni d’ambitieux nuancier à l’horizon: au premier coup d’oeil, ces pièces, tendance en diable, sont aussi éloignées que possible de l’image qu’on se fait de la marque dont le slogan est après tout « Osez Desigual ». Car il a longtemps fallu oser la porter: d’abord parce que ses créations bariolées, qui n’hésitent pas à multiplier les imprimés, ne permettent pas exactement de se fondre dans le paysage. Mais aussi parce que cette exubérance assumée a rapidement valu à Desigual d’être le sujet de moqueries lors de son expansion au-delà des frontières espagnoles. Aux balbutiements de Facebook, à l’heure où les contenus humoristiques ne répondaient pas encore au nom de meme, le réseau s’était emballé pour une saynète humoristique partagée sous forme de dialogue sur fond blanc:
– Oh non, j’ai vomi!
– Où ça?
– Je ne sais pas, je porte une robe Desigual.
Rira bien qui rira le dernier? De goût douteux, il ne reste que celui de ce genre de plaisanteries, car depuis quelques années déjà, le label s’aventure sur un terrain plus neutre – et ça paie. C’est que railler Desigual finirait presque par autant trahir votre âge que de votre réflexe de convertir encore les montants en francs belges.
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Desigual, entre évolution et révolution
« Si le changement d’image de Desigual s’est véritablement opéré dès 2019, la marque avait déjà amorcé la démarche en 2015 » pointe notre journaliste mode Ellen De Wolf. Il y a quatre ans, le label dévoile un nouveau logo et un redesign de ses magasins, avec un objectif avoué: attirer un public plus jeune. « Un positionnement nécessaire pour continuer son expansion. Desigual avait un public très spécifique, qui ne rajeunissait pas, et si la marque voulait continuer à grandir, elle devait rajeunir sa clientèle » décrypte Ellen De Wolf. Comment? « Avec une approche plus urbaine, en phase avec les tendances qui plaisent aux jeunes ». Et si, de prime abord, il est tentant de parler de volte-face complet en voyant certaines des créations récentes de la marque, qui ne dépareraient pas dans un multimarques dédié à la création nordique, notre journaliste mode rechigne à parler de véritable virage à 180 degrés.
« On assiste plus à une évolution qu’à une révolution. On trouve toujours des pièces pensées pour les fans hardcore de la marque, entre imprimés ethniques, mélanges de couleurs très vives et patchwork, mais aujourd’hui, elles côtoient des vêtements au look plus scandinave ».
Terrain vierge ou terrain vague?
Une évolution suffisante pour conquérir un public a priori pas ibère séduit par Desigual? Sur Instagram, le hashtag compte près de 600.000 posts, où l’on retrouve l’entrepreneuse américaine Jayda Wayda (8.6 millions de followers tout de même) à la modeuse japonaise Hinata ou encore l’actrice berlinoise über branchée Rex Adams. Signe distinctif: si chacun de ses néo-adeptes a sa propre dégaine, tou·te·s sont ce que l’opinion publique (ou du moins, la critique) qualifierait de personnes « bien habillées ».
« Les personnes qui jurent qu’elles ne porteront jamais le moindre vêtement siglé Desigual ne sont pas le public cible de la marque, parce qu’ils ont encore « l’ancien Desigual » en tête. Les clients qui sortent de l’adolescence et qui font connaissance avec le label, eux, ont une perspective complètement différente et aucun a priori négatif, ce qui convient très bien à Desigual puisqu’elle vise un public très jeune ». Et de pointer notamment le placement de logo à l’envers sur certains vêtements, afin d’être parfaitement lisible sur les selfies.
Signe des temps: sur les réseaux, les cookies servis en accompagnement des recherches pour cet article n’invitent pas à « oser » la marque mais bien à l’accompagner dans l’inconnu, avec pour cri de ralliement « New World. New Desigual ». Mais gare à ne pas se perdre dans ce nouveau monde: « Ce qui est intéressant, c’est qu’avec cette évolution stylistique, la marque perd un élément de différenciation. Avant, son ADN était très affirmé, mais désormais, il est un peu plus dilué et moins reconnaissable. Cela peut être un avantage pour toucher plus de consommateurs, mais les tendances changent tellement vite que cela présente aussi le risque de toujours les suivre plutôt que de les créer. La longévité se fait toujours plus rare dans le monde de la mode, et elle tient notamment au fait d’avoir une identité affirmée ». Quitte à ce qu’elle divise: en bien ou en mal, plutôt qu’on en parle – et qu’on la porte.
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