La nouvelle vague de marques françaises ultradésirables
Place à une nouvelle génération de griffes françaises, dites milieu de gamme. Les Sézane, Des Petits Hauts et autres Girls in Paris se démarquent par une vraie identité, un bon rapport qualité-prix… et un fameux sens de la communauté, hashtags à l’appui. Présentations.
Les nineties ont vu naître Maje, Zadig & Voltaire ou encore Comptoir des Cotonniers. Des labels premium positionnés sur le secteur dit milieu de gamme, entre les maisons de luxe et celles, à prix mini, souvent liées à la fast fashion. Toutes se distinguent par un effort apporté à la création, un vestiaire en phase avec l’air du temps, aussi portable que désirable. Mais si ces griffes sont toujours présentes, elles voient désormais apparaître des petites soeurs, portées par Internet. « La mode est un phénomène cyclique, confirme Priscilla Jokhoo, directrice du service Entreprises à la Fédération du prêt-à-porter féminin, en France. On constate un renouvellement de l’offre, une vivacité boostée. Une génération émerge avec des histoires différentes de ses aînées. »
Première caractéristique : le business model classique a vécu, celui qui consiste à présenter deux fois par an une collection aux boutiques multimarques, dans un salon pro. « Ces sociétés réfléchissent autrement, poursuit l’experte. Elles définissent leur envie fashion, le client qu’elles souhaitent séduire et développent des stratégies, souvent virtuelles, pour l’atteindre. »
Ainsi de Sézane, exemple emblématique de cette deuxième vague. Ses collections sont pensées pour les jeunes cadres à la recherche d’un vêtement classique et féminin. Pas question de boutiques ou de revendeurs : la griffe parisienne est proposée uniquement en ligne. Même réflexion du côté de la lingerie Girls in Paris, qui a préféré mettre son budget marketing dans des mannequins et des photos pour les réseaux sociaux, plutôt que dans une pub. Car ces acteurs n’ont pas peur d’utiliser tous les moyens disponibles. « Ce peut être de la réalité virtuelle, une réflexion sur l’image, une innovation. Jamais ils ne se diront que ce n’est pas fait pour une marque de mode, remarque la directrice de la Fédération du prêt-à-porter féminin. Elles ont une audace assumée. » Résultat, l’expérience d’achat se transforme en plaisir, même devant l’écran de son ordinateur.
Autre changement, ces labels entretiennent une grande proximité avec le consommateur final. « Ils parlent avec leurs clients, demandent leur avis, répondent à leurs questions… L’échange est constant », remarque Priscilla Jokhoo. Une attitude qui permet de créer un sentiment d’appartenance à la communauté, composée de milliers d’ambassadrices de la marque. Un phénomène rendu possible car la griffe possède une vraie identité, que celle-ci soit incarnée par une personne, comme la médiatique Jeanne Damas de Rouje, ou par des valeurs. « Quand Lisa Gachet, du blog et désormais aussi e-shop Make my Limonade, parle sur son site, le ton est toujours juste », constate la Française. A noter aussi que souvent, les looks sont même personnifiés au travers de noms comme le sac Claude ou la robe Sagan. Soit autant d’amis, reconduits de saison en saison, dans des coloris ou motifs légèrement modifiés.
Dernière spécificité ? Toutes veillent à proposer un prix juste, pour des pièces à la qualité soignée. Il n’est pas question de payer une fortune pour un pull qui sera bouloché après deux lavages. « C’est une promesse qui est respectée et, en cela, c’est différenciant de la concurrence existante », conclut Priscilla Jokhoo. Preuve que ces « petites nouvelles » ont de l’avenir, des investisseurs commencent à s’y intéresser. Experienced Capital, holding lancé par les anciens patrons de Sandro et Maje, vient de reprendre 45 % du capital de Maison Standards, un jeune label qui propose les essentiels du vestiaire, en appliquant une transparence sur les prix. Ou comment muer et évoluer avec l’air du temps.
Balzac Paris : La rencontre littéraire
Le pitch. Créée en 2011 par trois amis, Charles, Victorien et Chrysoline, Balzac Paris commence par proposer sur Internet des accessoires made in France, comme le noeud pap’. Le nom du label est rapidement trouvé, un joli clin d’oeil au traité de la vie élégante d’Honoré de Balzac. Trois ans plus tard, ils étoffent leur offre avec des sweat-shirts qui, toujours dans ce souci littéraire, sont brodés des prénoms de couples d’auteurs célèbres, comme George Sand et Alfred de Musset, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir. Progressivement, de beaux basiques faciles à porter apparaissent, jusqu’à constituer un vestiaire féminin complet. Rien de trop mode, ni de trop classique. Chacune doit se sentir bien dans ces pièces pensées pour rassembler tissu de qualité et coupe irréprochable.
L’originalité. Etant vendu exclusivement en ligne, le label part régulièrement à la rencontre de sa communauté, en organisant des soirées à thème, qui mettent à l’honneur une personnalité ou un projet qui lui est cher. A noter encore que Balzac Paris pratique des prix justes tout au long de l’année. Conséquence ? Pas de soldes, ce qui n’empêche pas la marque d’ajouter un cadeau à celles qui feraient leurs emplettes durant cette période.
Les best-sellers. Il y a la robe Sagan et le cardigan Marius, tous deux terminés par de doux volants, la classique chemise Ulysse ou les baskets à scratchs Honoré.
Le printemps-été 2017. Place à du vichy, des rayures, du bleu… Des imprimés chers à la marque, qui se déploient notamment sur des blouses à volants. Le trench Gaby n’est pas non plus en reste, puisque ce vêtement est réinterprété avec un motif vichy et des volants, ou comment combiner trois tendances fortes de la saison.
American Vintage : Les basiques chéris
Le pitch. Ce sont ses nombreux voyages aux Etats-Unis qui convainquent le Français Michaël Azoulay de lancer la marque American Vintage, en 2005. Le point de départ ? Actualiser le tee-shirt et le décliner de façon urbaine et moderne. Finalement, ce sont les essentiels du vestiaire qui sont revisités de façon épurée et dans un style effortless de plus en plus apprécié, ces dernières saisons.
>>> Pour en savoir plus, lire aussi American Vintage, le rêve américain à la sauce marseillaise de Michaël Azoulay
L’originalité. Comment rendre des basiques ultradésirables, grâce à des matières naturelles, fluides et très confortables, sans oublier une palette de couleurs parfaitement choisies.
Le best-seller. Son tee-shirt en coton, tout à la fois tendance et intemporel, pour son tombé et sa coupe superbement maîtrisée.
Le printemps-été 2017. Toujours ce style décontracté, qui s’apprécie par exemple à travers une robe-chemise oversized, des mailles rétro épaisses, un trench en molleton, une brassière rayée en coton, des vestes un peu plus longues qu’à l’habitude ou des pantalons raccourcis.
Rouje : La sensualité assumée
Le pitch. Rouje avec un J, comme Jeanne Damas, cette jeune Parisienne star d’Instagram, totale influenceuse, égérie pour son pote Simon Porte Jacquemus, Roger Vivier ou encore Mango. Une référence à la couleur du rouge à lèvres qui ne la quitte pas, sa signature. Un nom tout trouvé, donc, pour la marque online que cette brune aux allures de Jane Birkin, désormais actrice aussi – elle joue dans Rock’n Roll, dernier film de Guillaume Canet -, a lancée en avril 2016, avec son amie de longue date, la styliste Nathalie Dumeix. On y retrouve son vestiaire idéal, d’inspiration seventies, et qui reprend les basiques de l’iconique Parisienne : caracos, minijupes, jeans évasés et robes fleuries.
L’originalité. Derrière Rouje se cache Jeanne Damas, mais surtout un collectif, composé de talents et amis, qui sont photographes, stylistes, directeurs artistiques, mannequins… On les découvre sur le site Web du label, en même temps que #lesfillesenrouje, ces belles qui postent des photos d’elles, vêtues d’une tenue de la marque. Rien de mieux pour faire le buzz et renvoyer à l’e-shop, par la même occasion.
Les best-sellers. En moins d’un an de création, quelques pièces sortent déjà du lot, comme la blouse Pascale et son col chemise à revers, le pantalon Uma, taille haute, légèrement raccourci et évasé, ou encore la robe drapée Laura.
Le printemps-été 2017. Un esprit vintage et poétique cher à la griffe parisienne, avec des sandales, du blanc, des chemisiers… On retrouve aussi l’amour de Jeanne Damas pour le Sud, le soleil et la liberté.
Girls in Paris : La lingerie urbaine
Le pitch. C’est l’histoire classique d’une jeune femme qui ne trouve pas son bonheur et finit par lancer sa marque. Raphaële Four, tout juste trentenaire et parisienne, crée fin 2014 Girls in Paris, une griffe de lingerie urbaine, vendue exclusivement sur Internet, à des prix accessibles. Des ensembles qui coûtent entre 39 et 45 euros. Un concept construit autour du postulat du juste prix, puisque le label ne fait ni soldes, ni promotions.
L’originalité. On est à mille lieues des femmes en porte-jarretelles, string et talons hauts. Ici, place à des pièces effortless mais néanmoins sexy, le genre de sous-vêtements qu’on enfile au quotidien, avec un jeans et des baskets. Histoire de continuer à attiser les envies des clientes, des nouveautés sont présentées toutes les six à huit semaines.
Le best-seller. Le triangle en dentelle Charlie, tout à la fois léger, sexy mais sobre. Proposé en différents coloris et décliné dans de nouvelles formes : bandeau, body et porte-jarretelles.
Le printemps-été 2017. Rayon nouveautés, pointons la ligne homewear baptisée Maddie, qui comprend des pièces alliant crochet et microfibre.
Sézane : Le précurseur online
Le pitch. A l’origine, la Parisienne Morgane Sézalory vend en ligne les trésors qu’elle chine, puis customise. A force d’encouragements, elle crée, en 2013, Sézane – contraction de ses nom et prénom. Une marque vendue uniquement sur Internet, sans intermédiaires, ce qui lui permet de proposer de la qualité au prix juste. Le mot d’ordre ? Des classiques, faciles à porter et à la coupe soignée. Un peu plus de trois ans plus tard, le label lance chaque année quatre grandes collections, complétées par quelques séries limitées. Et livre 10 000 colis par mois, joliment empaquetés et estampillés de la mention « fait avec amour ».
L’originalité. A défaut de boutiques, les clientes peuvent se promener virtuellement dans l’Appartement, pour s’imprégner de l’univers de la marque, essayer les nouveautés… Il y a aussi la Librairie, lieu dédié aux livres, au café et aux sacs, et la Conciergerie, qui permet de récupérer ou retourner ses commandes. Soit trois adresses parisiennes, qui seront complétées en 2017 par un espace à New York. Sans oublier le compte Instagram de la griffe et celui de sa charismatique créatrice, qui inspire sa très grande communauté de followers.
Les best-sellers. Au rayon des pièces iconiques figurent déjà les petits sacs Dean et Claude, la veste-chemise Will et les baskets Jack.
Le printemps-été 2017. Cette nouvelle saison tourne autour du thème de l’art, avec entre autres un costume-pantalon ultra-fluide, de jolies robes légères et du daim à foison.
Des petits hauts : La douceur du mohair
Le pitch. Deux soeurs, Katia et Vanessa Sanchez, lancent la marque, en 1998. L’idée ? Imaginer des petits hauts, denrée rare quand il s’agit d’allier qualité, matières légères, jolies couleurs et détails fantaisie. Si les frangines ont commencé avec des tee-shirts, leur gamme s’est élargie à l’ensemble du vestiaire féminin. Des créations optimistes, avec motifs originaux et teintes pastel, parfois saupoudrées de sequins. En témoigne cette étoile dorée, qui rend ces vêtements reconnaissables entre mille. L’enseigne possède plus de soixante boutiques, dont trois en Belgique, où elle est aussi vendue dans des multimarques.
L’originalité. Le bouche-à-oreille fait le succès du label. Sa communauté, active sur les réseaux sociaux, n’hésite pas à liker la moindre publication et à poster des photos de ses acquisitions, avec le hashtag #DesPetitsHautsAddict. Autre spécificité : les boutiques sont décorées de façon unique. Et on y privilégie le contact – les vendeuses appellent les clientes fidèles par leur prénom – et des ateliers do-it-yourself y sont organisés, pour réunir les aficionados.
Les best-sellers. A côté de la marinière et de la veste matelassée, c’est le pull en mohair qui demeure la pièce préférée des fans de la griffe. Pour son aspect moelleux, le rendu de la couleur et la belle qualité de ses fils.
Le printemps-été 2017. Une saison vitaminée, avec une jolie palette de roses, des imprimés qui respirent le soleil, les fruits sucrés et l’envie de voyages.
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