Dans les coulisses du défilé Louis Vuitton Croisière à Barcelone
Louis Vuitton a fait défiler sa dixième collection Croisière à Barcelone, dans le Parc Güell, lors d’une rencontre encore la rigueur de Nicolas Ghesquière et les sinuosités de Gaudí. On y était en exclusivité.
On sait Nicolas Ghesquière féru d’architecture. Il y a plus d’un an, quand il s’est agi de penser la collection Croisière 25, le directeur artistique des collections Femme Louis Vuitton depuis 2013 avait rêvé à Antoni Gaudí et Barcelone, qui ne vont jamais l’un sans l’autre. Le Parc Güell, cette utopie architecturale devenu jardin public et trônant sur la liste du patrimoine mondial de L’Unesco, serait un décor parfait pour son défilé.
Une première, une maison de luxe met ainsi à l’honneur la culture locale, pensez si les Barcelonais en sont flattés.
Gaudí, l’art de la joie
Il faut confesser qu’on pénètre dans le modernisme catalan de Gaudí comme on entre dans la gaieté, à pieds joints, souvenir d’une enfance qui n’avait jamais quitté l’ingénieux architecte. Pour se mettre en condition, direction la Casa Battló, quand les touristes ne l’ont pas encore submergée, que le soleil du petit matin s’immisce dans sa verrière et éclabousse ses carrelages qui de haut en bas vont du bleu cobalt au bleu tendre. Dans cet immeuble où vivaient de vraies gens jusqu’en 1970, tout respire la joie, les courbes douces, le chêne poli, les quelques meubles qui se fondent dans le décor et la terrasse qui domine le quartier, tout déclame sans grandiloquence le rêve d’un homme qui voulait que la lumière soit. Qu’elle éclaire les choses et les êtres pour notre salut à tous.
Non loin, la Sagrada Familia, toujours en construction après plus de 140 ans, l’œuvre de toute une vie, ne semble pas ciller devant les foules. Elle projette les couleurs éclatantes de ses vitraux sur les badauds qui soudain se taisent devant tant d’élégance. C’est qu’on n’avait jamais vu un tel temple de lumière où l’arc inversé sert de structure et où la pierre crayeuse, laiteuse, appelle à l’apaisement.
Peut-être est-ce aussi cela que Nicolas Ghesquière a vu dans ce testament-chef d’œuvre qu’a laissé l’architecte mort écrasé par un tram et abandonné de tous – justice lui est désormais rendue.
Embarquement VIP pour Louis Vuitton Croisière
Entre chien et loup, quand la lumière du jour tombant semble remonter de la Méditerranée qui vaguelette en bas de la colline, le parc Güell s’est mué en salon VIP pour l’actrice britannique Sophie Turner aka Sansa Stark, la chanteuse française Zaho de Sagazan,notre chanteuse nationale Lous sans ses Yakuzas, le rappeur australien évanescent Felix et quelques 600 invités, clients compris qui s’affichent en total look Louis Vuitton, leur quotidien.
A l’entrée, l’accueil est joyeux, rien à voir avec l’hystérie d’une Fashion Week parisienne, derrière les barrières Nadar, des ados qui vivent leur meilleure vie crient « Guapa ! » à chaque passage, ça fait plaisir à entendre.
Un show inspiré
Dans la salle Hypostyle, sous le plafond de mosaïques qui disent les rêves imagés de Gaudí, entre les 86 colonnes si légères qui semblent vouloir faire décoller ce temple et ses trois nefs, les bancs organiques pensés par le set décorateur et artiste James Chinlund attendent les invités. Un seul front row, afin de ne vexer personne. Le show peut commencer, quinze minutes cadencées par une bande-son qui accouple Gary Numan et Malcolm McLaren, Music for Chameleons et Madame Butterfly et qui rappelle aussi les passions adolescentes de Nicolas Ghesquière.
Hommage à l’Espagne
Des jeunes femmes chapeautées à l’espagnole, en Cordobes traditionnel, battent le pavé dans des cowboy boots effilées, qui plus loin dans le défilé se muent en cuissardes, osent les franges ou le cuir irisé. On passe du tailleur au flou, un travail de construction de haute voltige auquel nous a habitués le créateur, visiblement heureux et léger, à 52 ans.
C’est sans conteste l’une de ses meilleures collections, comme s’il avait atteint l’acmé. N’y est sans doute pas pour rien son contrat renouvelé pour cinq ans au sein de la maison en novembre dernier, comme un pari pour l’avenir. Il l’a dit lui-même : « c’est une reconnaissance de la confiance et du soutien qui me sont accordés par Bernard Arnault (NDLR, le PDG du groupe de luxe LVMH) et Pietro Beccari (NDLR, le DG de Louis Vuitton), dans cet « incroyable voyage ».
Une croisière élégante
Et de voyage, il est question puisqu’il s’agit de la collection Cruise, en français Croisière, pensées pour celles et ceux qui ont la chance infinie de croiser les cieux cléments alors que l’hiver s’abat sur la moitié du monde. Voilà pourquoi la maison a depuis dix ans enquillé les défilés dans une dizaine de destination de rêve – la liste fait envie, Monaco, Palm Springs, Rio, Kyoto, Saint Paul de Vence, New York, San Diego, Isola Bella.
Dès lors, la garde-robe complète dessinées pour ces nomades affairés qui vouent un culte au monogramme fait révérence, des pieds à la tête, par petites touches aux codes vestimentaires de l’Espagne, sans jamais verser dans les clichés. On reconnait la trace d’une mantille, d’une guipure, de pois, de volants, de chapeau, de rouge sang sur les lèvres… Epaulé par son studio entraîné à la recherche stylistique, Nicolas Ghesquière laisse infuser ce qu’il a retenu du « caractère passionnel de ce pays – la ferveur de ses couleurs, sa fidélité aux traditions élevées en expressions artistiques, le noir et la lumière qui ne sont jamais en opposition ».
La pureté opulente
La géométrie de ses silhouettes s’adoucit des sinuosités qu’aimait tant Gaudí. La « pureté opulente » de son modernisme trouve un écho dans la palette de couleurs – du beige, du gris, du bleu saphir, un éclair de rouge et de pourpre cardinal. Le travail des volumes prouve l’excellence des ateliers maison que viennent pimper des sacs et des mini malles qui feront le bonheur des fashionistas.
L’allure a quelque chose d’énergique, de juvénile. La longueur mini, les robes et jupes boules, le jodhpur ou la salopette n’y sont pas pour rien, de même ce serre-tête zig-zag, clin d’œil aux année 2000. Tout cela n’interdit pas l’élégance rigoureuse d’une silhouette en noir et blanc longiligne à peine assortie de deux poches ceinturées ni le choix de porter pour seul bijou une broche qui sait ce qu’elle doit à l’Art Nouveau. Le luxe discret n’est pas mort.
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