Delfine Bafort, mannequin belge nineties toujours au top

Delfine Brafort
Body sans manches, body en jersey à manches longues, jupe fourreau taille haute, legging en jersey et sandales en cuir blanc avec talon en Plexi transparent, le tout Alaïa. © LENNERT MADOU
Wim Denolf Journaliste Knack Weekend

Repérée à l’occasion d’un concours de mannequins en 1996, Delfine Bafort a été au top pendant des années, avant de se laisser séduire par la magie des plateaux de cinéma. A 44 ans, elle fait son come-back en tant que modèle et adore plus que jamais son travail.

Elle a participé à des campagnes, notamment pour Balenciaga, Versace et Calvin Klein Jeans, à des shootings pour des magazines tels que Vogue, The Face et i-D et elle a défilé dans de grandes capitales fashion. Au début des années 2000, les choses sont devenues plus difficiles pour la top-modèle belge, jusqu’à ce qu’elle décroche le premier rôle féminin dans le premier long-métrage de Felix Van Groeningen, Steve + Sky, en 2003.

Delfine Bafort a ensuite suivi des cours de théâtre et a notamment joué dans Promises Written in Water de Vincent Gallo et dans All of us de Willem Wallyn, avant de reprendre sa carrière de mannequin, en 2010.

En tant que modèle, le plus important est votre apparence, alors qu’une actrice ne peut surtout pas y penser.

Aujourd’hui, à 44 ans, elle est maman d’Eliss Mikky (6 ans) et Lio (3 ans) et peut se targuer d’être multitâche. A la fin de l’année dernière, elle a bouclé le tournage du nouveau film de Wannes Destoop, Holy Rosita. En parallèle, la Gantoise a récemment signé un contrat avec l’agence de mannequins de Tom Van Dorpe, NOAH mgmt, qui lui a déjà valu un shooting pour W Magazine, des missions pour Hermès et Helmut Lang et un défilé lors de la dernière Semaine de la mode masculine. «En raison de la crise sanitaire et de la maternité, j’ai peu travaillé comme modèle depuis 2019, mais ces derniers mois, ça a commencé à me titiller de nouveau, explique Delfine Bafort dans sa maison de Gentbrugge. Ce sont mes dernières années d’activité en tant que mannequin, et je me dis aujourd’hui que j’adore ce travail. Je suis beaucoup plus sûre de moi, je ne ressens plus la pression et je croise d’anciennes connaissances qui sont aussi devenues complètement adultes. Tout est plus agréable.» Et de poursuivre avec nous la discussion en toute franchise…

A 16 ans, vous avez gagné le prix du public lors d’un concours de mannequins organisé par le magazine Flair. Un an plus tard, vous défiliez à Paris pour des créateurs belges tels que Dries Van Noten… Etait-ce un rêve d’enfance?

Pas du tout. Ma mère m’avait inscrite à ce concours, parce qu’elle trouvait que j’avais les bonnes mensurations et qu’elle espérait avoir le premier prix: un beauty case (rires). Moi, je n’avais pas envie de me retrouver sur un podium. A l’époque, je me rebellais en sortant en cachette, mais j’étais surtout introvertie et réservée. Si je suis devenue mannequin et actrice, c’est peut-être aussi pour vaincre mes inhibitions.

« Ce sont mes dernières années d’activité en tant que mannequin, et je me dis aujourd’hui que j’adore ce travail. Je suis beaucoup plus sûre de moi, je ne ressens plus la pression et je croise d’anciennes connaissances qui sont aussi devenues complètement adultes. Tout est plus agréable. »

Felix Van Groeningen, votre petit ami d’alors, vous a proposé de jouer le rôle de Sky… Ce coup de pouce était nécessaire?

Au début, je ne m’en croyais pas capable. En 1998, j’avais seulement foulé les planches quelques fois dans The Best of Kungfu, une pièce de théâtre de Felix, Jonas Boel et Pol Heyvaert. Je n’avais pas un très grand rôle, mais je m’étais éclatée. Peut-être qu’au fond de moi, je voulais faire du cinéma depuis longtemps, mais je manquais de confiance en moi. Heureusement, grâce à mon expérience sur les catwalks, avec les photographes et le travail d’équipe, en 2003, j’étais quand même devenue un peu plus expressive et sociable par rapport au début de ma carrière, où j’osais à peine bouger ou parler.

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On vous a souvent décrite comme une top androgyne. Etait-ce seulement une apparence?

J’ai percé sur le plan international à une époque où le glamour des années 90 avait laissé la place au style grunge et heroin chic. Les filles masculines comme moi avaient la cote mais je ne trouvais pas toujours cette étiquette agréable. Les créateurs et les photographes m’attribuaient souvent un rôle gender fluid et me faisaient porter des vêtements masculins. Mais quelque part, ça avait du sens, car je n’étais pas conventionnelle. Vers 15 ans, je mettais des vestes Adidas comme Damon Albarn de Blur, je me colorais les cheveux en blond platine et je me scotchais les seins parce que je n’aimais pas les formes féminines. Maintenant que mes traits deviennent plus acérés, c’est plutôt l’inverse: j’aimerais être un peu plus féminine (rires).

On vous a souvent associée à d’autres Belges, comme Hannelore Knuts, Anouck Lepère et An Oost. Cette «Belgian Wave» formait-elle un vrai groupe?

Pendant six ou sept ans, on a participé presque toutes aux mêmes défilés. C’était sympa, car on voyageait séparément, mais on pouvait compter les unes sur les autres. Nous n’étions pas en compétition: nous étions juste des filles travaillant dur, avec les pieds sur terre. D’ailleurs, An et moi étions amies depuis 1998. A ce moment-là, elle sortait avec le meilleur ami de Felix. Elle m’a beaucoup aidée car je manquais de maturité, et il m’arrivait de me rendre directement à un casting en sortant d’un club…

En 2005, vous avez commencé à suivre des cours de théâtre au KASK et mis votre carrière de mannequin sur pause. Vous étiez lassée?

Après Steve + Sky, j’ai surtout voulu maîtriser le jeu d’actrice et me concentrer là-dessus. La vie de mannequin commençait à me peser, car je passais sept mois par an à New York et j’enchaînais les défilés pendant les Fashion Weeks. Lorsque j’étais à Gand, il était pratiquement impossible de fixer des rendez-vous avec mes proches, parce que j’étais tout le temps en stand-by pour des missions. Sans Marielou Eggermont de Models Office, l’agence mère pour laquelle je travaillais, je n’aurais pas tenu le coup pendant neuf ans. Il m’est arrivé de l’appeler en pleurs.

La transition entre les soirées avec la jet-set et l’école fonctionnait-elle?

J’étais la plus âgée de mon groupe et cette formation, c’était vraiment mon truc. Elle m’a permis de vivre une deuxième jeunesse. Lorsque j’étais modèle, je voyageais constamment et j’enchaînais les contacts éphémères. Au KASK, je me sentais ancrée.

Vous avez surtout tournés des courts et longs-métrages artistiques…

Ma préférence va aux productions indépendantes mais la raison pour laquelle je choisis un film est à chaque fois différente. Dans le cas de Promises Written in Water, je pouvais travailler avec Vincent Gallo, un réalisateur extraordinaire. Pour Holy Rosita, j’ai trouvé qu’il était intéressant d’interpréter le rôle d’une mère de cinq enfants. De plus, c’était un premier film, une expérience que j’avais trouvée incroyable lorsque j’avais travaillé avec Felix et Lydia Rigaux. L’énergie sur le tournage d’un long-métrage est unique.

Les films dans lesquels vous jouez traitent rarement de thèmes joyeux.

Il se peut que j’attire ce genre de choses. Quand j’étais ado, je m’intéressais déjà au sens de la vie, à la source du bonheur, etc. Mais je n’exclus pas le pur divertissement pour autant. Je signerais sans hésiter pour un bon film d’horreur.

Votre expérience en tant que mannequin vous aide-t-elle lorsque vous jouez la comédie?

Les métiers de mannequin et d’actrice ont peu en commun. Refléter une certaine atmosphère lors d’un shooting de mode ou être dans la tête d’un personnage pendant des semaines, prendre la pose devant l’appareil photo ou l’ignorer, ce sont des choses complètement différentes. En tant que modèle, le plus important est votre apparence, alors qu’une actrice ne peut surtout pas y penser. De plus, il faut que les gens vous donnent une chance. L’idée préconçue selon laquelle les mannequins sont bêtes et superficiels réduit un peu les possibilités.

Comment arrivez-vous à passer d’un plateau de film à un shooting photo sans ciller?

Ce n’est pas si compliqué que ça. On ne me proposera plus jamais autant de missions de mannequinat qu’avant, mais ce n’est pas un problème. Pendant des années, j’ai goûté au meilleur, et tout ce qui se présente maintenant est un extra. Je ne voudrais pas avoir trop de travail. Arend et nos enfants m’ont apporté tellement de bonheur et de sérénité que cela me coûterait d’être constamment partie. J’ai la chance qu’aujourd’hui, les shootings pour les magazines ont surtout lieu à Londres et à Paris et plus à New York, mais six missions de mannequinat par mois et un beau projet de film par an me suffisent. Ce qui compte le plus, c’est ma vie ici.

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