Qui est Sylvie Grumbach, l’icône parisienne qui vend son incroyable garde-robe aux enchères
Si son patronyme reste relativement méconnu du grand public, Sylvie Grumbach est pourtant un des noms qui comptent dans le monde de la mode, et ce, depuis plus de cinq décennies. Des années 70 à nos jours, sa garde-robe, qu’elle s’apprête à vendre aux enchères, raconte l’audace d’une époque où les créateurs osaient tout. Portrait d’une figure de style.
Alaïa. John Galliano. Kenzo. Jean Paul Knott. Claude Montana. Thierry Mugler. Saint Laurent Rive Gauche. Koji Tatsuno. Vivienne Westwood. La liste, qui se lit comme un abécédaire des créateurs qui ont façonné la mode ces 50 dernières années, dessine les contours d’un vestiaire plein d’audace. Celui de Sylvie Grumbach, icône du Palace passée de muse des nuits parisiennes à mentor de stylistes dont elle a su déceler le talent dès les débuts, et qui se se sépare aujourd’hui de la majeure partie de son impressionnante collection d’accessoires et de vêtements. Une vente qui mêle sa collection personnelle aux archives de l’agence de relations publiques qu’elle a fondée, 2e Bureau, et qui présente l’avantage pour les collectionneurs venus d’ailleurs de se tenir en ligne, sur la plateforme Drouot Digital, jusqu’au 7 septembre.
Et si, des escarpins en daim peints signés A.F. Vandevorst au corsage Galliano, les lots esquissent les contours d’une propriétaire au goût assuré et à la préférence assumée pour l’avant-garde, ils attisent aussi la curiosité: qui donc est Sylvie Grumbach?
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La mode en héritage
Déformation professionnelle oblige, ce sont encore ses collaborateurs de 2e Bureau qui la racontent le mieux, et déroulent le film d’une vie dont on en viendrait presque à s’étonner qu’elle n’ait pas encore été adaptée à l’écran ou en livre. C’est que la mode, Sylvie est tombée dedans quand elle était toute petite: petite-fille de Cerf Mendès France, fondateur de la maison Mendès et sœur de Didier Grumbach, ancien président de la Fédération française de la Couture, du prêt-à-porter des couturiers et des créateurs de mode, la future muse des nuits parisiennes grandit dans l’ouest parisien vêtue de ses tenues La Châtelaine, « observant avec curiosité la couturière qui vient chez elle tous les mardis pour faire des ourlets ou recoudre des boutons ».
Adolescente, elle choisit ses tenues chez Jean Patou et s’amuse à habiller les mannequins de l’entreprise familiale, posant dès son plus jeune âge les bases d’une carrière dans un secteur auquel elle semblait prédestinée.
Sylvie Grumbach, muse et mentor
Début des années 1970, elle se lance avec Didier et Andrée Putman dans l’aventure « Créateurs et industriels ». « Le terme de « créateur », banalisé aujourd’hui, est à l’époque un quasi-néologisme désignant le prêt-porter novateur en opposition à la haute-couture hégémonique » pointe 2e Bureau. Où l’on souligne que si Sylvie Grumbach se lance avec gusto dans le projet, c’est… « De jour.
Car la nuit, Sylvie, dorénavant habillée par le couturier italien, dîne au Sept avant de descendre au sous-sol danser jusqu’au lever du soleil. Lorsque Fabrice Emaer, fondateur du club, voit plus grand et migre au Palace, il emporte avec lui le papillon de nuit. Sylvie, femme de mode, sera chargée de faire venir son petit monde dans ce nouveau lieu majestueux ».
« La beauté du lieu, son essence théâtrale, sa lumière, faisaient que chacun se mettait en scène. Peu importe la parure, on ne pouvait tout simplement pas entrer au Palace en traînant des pieds » se souvient Sylvie, qui ne déroge pas à la règle.Montana, Alaïa, Vivienne Westwood, Kenzo ou Mugler, elle jongle avec les styles tout en imposant le sien: « je passais d’un personnage à l’autre, mais j’étais toujours la même ».
À la mort de Fabrice Emaer, en 1984, la noctambule change de rythme et (re)découvre les horaires de bureau en lançant le sien, mariant ses expériences de presse, de relations publiques avec les écosystèmes qui l’ont vue grandir – mode, musique, photo, art – pour une véritable synergie entre les disciplines. Un parti pris qui séduit Vivienne Westwood, rencontrée au Palace mais aussi John Galliano, dont elle identifie d’emblée l’étendue du talent. En parallèle, Sylvie oeuvre comme RP pour les Bains Douches et se souvient d’une époque festive où l’on « vendait
encore des fantasmes, et pas que des produits ».
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Un sacré vintage
Nostalgique, elle? « Les médias étaient libres et prescripteurs. Le poids des journalistes de mode, leur légitimité à lancer les tendances se reflétaient dans les silhouettes de la rue. Quant aux attachées de presse, elles ne se contentaient pas de promouvoir un produit ; elles faisaient tous les métiers à la fois, assistant aux essayages en amont de la présentation et participant aux castings et à la production des défilés. Elles étaient au plus près des collections, imprégnées de l’esthétique du créateur ».
Une période aujourd’hui révolue, Sylvie Grumbach pointant que « la fast-fashion est mal fabriquée, les vêtements n’ont plus aucune tenue, aucune structure. Depuis l’avènement des jeans, des doudounes et des sneakers, les gens bien habillés sont généralement en vintage ! ».
Dont ses propres « tenues d’époque »? Vu les estimations plus que raisonnables des lots par Drouot (Entre 80 et 120 euros le sac Alaïa, 100 à 200 euros la queue de pie Galliano) ce serait dommage de se priver: l’allure ne s’achète pas, mais rien n’empêche d’essayer.
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