Ongles donuts, maquillage Spritz et filles vanille, comment la nourriture est devenue un idéal de beauté
Depuis quelques mois, les tendances semblent avoir une faim incontrôlable de métaphores comestibles. Les ongles ne sont pas pailletés, ils sont « glacés comme des donuts », tandis que latte et Spritz ne désignent plus que des boissons mais aussi des manières de se maquiller et se vêtir. Jusqu’à l’écoeurement? Décryptage d’un phénomène pas si anodin que ça.
Longtemps, les seuls points de convergence entre la nourriture et les univers de la mode et de la beauté ont semblé se limiter aux colliers et bracelets comestibles croqués par un nombre incalculable d’enfants des 90s, génération également visée par la prolifération d’onguents pour les lèvres et crèmes pour le corps au parfum de bonbons. Et si, revival nostalgique oblige, ces derniers s’offrent un come-back remarqué, désormais, la nourriture est devenue un ingrédient indissociable des tendances en matière de mode et de beauté.
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Ces derniers mois ont en effet vu le sacre des ongles « glazed doughnuts », à la brillance comme saupoudrée de sucre glace, mais aussi du maquillage Spritz, déclinaison de couleurs orangées évoquant le célèbre cocktail milanais, sans oublier la version latte, variation autour du caramel qui s’applique tant au make-up qu’à la garde-robe, laquelle peut également prendre un parfum de vanille, l’esthétique vanilla girl voyant ses adeptes se la jouer 50 nuances de crème.
Quel que soit l’ingrédient mis en avant, il est désormais rare qu’une tendance ne revendique pas son lien avec la cuisine, pour le plus grand plaisir des accros aux réseaux sociaux qui s’empressent de répliquer ses recettes mode et beauté à la maison. Jusqu’à plus faim?
Du maquillage Spritz à la tomato girl
« Est-on tellement intrigués par la possibilité que nos visages soient comestibles qu’on trouve ça normal de donner aux tendances maquillage des noms de nourriture? » interroge la journaliste beauté américaine Asia Milia Ware, pour qui « c’est OK de laisser la peau être juste de la peau et le maquillage, juste du maquillage, tout comme on peut appliquer du blush sur ses joues sans directement dire qu’on est une « strawberry girl », même si, visiblement, cela n’est pas acceptable sur TikTok ».
Où, outre l’ode à la fraise susmentionnée (une profusion de blush rose), ces dernières semaines ont également vu l’apparition du maquillage latte (smoky eye caramel et joues rehaussées d’highlighter doré) ainsi que de sa version plus corsée, l’espresso makeup (et son smoky plus foncé) sans oublier l’addition la plus récente à l’heure d’écrire ces lignes, l’esthétique « tomato girl », ode non pas au fruit mais bien à l’Italie et au glamour méditerranéen des 70s.
De quoi pousser la papesse de la mode, Carine Roitfeld, à questionner notre obsession collective pour les appellations comestibles.
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Ingrédients complémentaires
Une fascination qui, contrairement aux apparences, n’est pas si récente mais bien millénaire, les premiers produits de maquillage ayant été créés dans l’Antiquité à base d’ingrédients qu’on se contentait jusque là de manger, entre rouges à base de baies et kôhl aux amandes grillées. Et si la découverte d’une série d’ingrédients synthétiques a progressivement fait disparaître le besoin de fureter en cuisine pour se faire une beauté, ces dernières années, la nourriture est devenue une manière pour les marques en quête de réinvention de distinguer leurs produits de la concurrence, pointe Carly Witteman dans les pages du magazine de Carine Roitfeld.
Et de citer en exemple des labels tels que Beauty Bakerie, dont la gamme toute entière est une ode à la pâtisserie (leur poudre libre est de la « farine ») mais aussi la jeune marque beauté déjà culte d’Hailey Bieber, Rhode, dont tous les gloss à lèvres ont des parfums à croquer, entre vanille et caramel salé. Après tout, leur créatrice n’a-t-elle pas affirmé récemment qu’elle voulait que sa peau soit si appétissante qu’on ait envie de la dévorer?
« La nourriture joue un rôle central dans nos vies: elle est à la fois essentielle pour notre survie, mais aussi pour nos relations sociales et notre identité individuelle. Catégoriser des tendances maquillage selon des esthétiques comestibles est donc tout à fait logique, tant du point de vue culturel que pour une visée marketing ».
affirme Carly Witteman
Et la tendance n’est pas à sens unique.
Goût acquis
En cuisine aussi, on se refait une beauté. Ainsi, de prime abord, difficile avec ses paillettes et son packaging léché d’identifier la crème de balsamique Savor & Sens comme un produit à utiliser en cuisine, et non à s’étaler sur le corps. Plus proche de chez nous, la gamme de sauces piquantes made in Bruxelles de SWET ne déparerait pas dans une salle de bains, entre couleurs pop et étiquettes ultra travaillées.
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Au-delà de l’esthétique, la convergence entre la beauté et la cuisine a aussi des implications plus techniques, avec une utilisation croissante des ingrédients comestibles dans la conception de produits de maquillage et de soin.
Une approche, pour le coup, tout sauf (Tik)toquée puisqu’elle permet non seulement de potentialiser les bienfaits beauté des ingrédients en question, mais aussi de proposer une solution concrète au gaspillage de nourriture en mettant à profit des denrées qui seraient jetées. À quand le maquillage « recyclage alimentaire girl »?
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