« Une femme amène de la diversité, de la richesse, et d’autres points de vue »

Laurence Bovy

Les Conseils d’Administration ne sont plus réservés aux hommes. Plus d’un quart des membres des Conseils des sociétés cotées en Bourse sont désormais des femmes. Les quotas imposés légalement fonctionnent donc, mais ils restent – actuellement – nécessaires. Nous nous sommes entretenus avec quatre femmes au sommet.

 » Finalement, le fait d’être une femme, ce n’est pas un handicap « 

En 2017, Laurence Bovy s’empare du poste de directrice générale de Vivaqua, la société d’eau. Elle dirige les équipes, se charge des grandes décisions et donne les grandes lignes de l’entreprise dans un milieu plutôt masculin.

Laurence Bovy a toujours travaillé dans le service public. Elle est devenue directrice générale de Vivaqua lorsque le poste s’est libéré. Le secteur de l’eau, c’était son domaine. Elle s’y est intéressée dans le cadre d’un mandat pour une autre société. Pour elle, les femmes ont les mêmes capacités que les hommes.  » Des tas de femmes atteignent les postes de direction donc ça montre que c’est possible. Finalement, le fait d’être une femme, ce n’est pas un handicap.  » raconte la quinquagénaire. En ce qui la concerne, ses proches l’ont soutenue dans sa démarche.

Ce qui lui plaît dans son job, c’est la dimension collective.  » Travailler en équipe et l’animer, c’est très riche humainement.  » Mais diriger une société, ce n’est pas seulement ça.  » C’est un peu un rôle de chef d’orchestre.  » En effet, Laurence Bovy est l’interface entre toutes les équipes de production. Elle impulse également les grandes décisions.

Mais finalement, être une femme dans tout ça, qu’est-ce que ça change ?  » Je n’ai pas eu de difficultés en tant que femme à la tête d’une entreprise. Je ne l’ai jamais senti ou je n’y ai pas accordé de l’importance en tout cas mais on part tout de même avec une perception qui ne joue pas nécessairement en notre faveur. Les avantages, c’est qu’une personne de sexe féminin comprend plus facilement la difficulté de conjuguer vie familiale et vie professionnelle. C’est quelque chose qu’on peut amener dans la gestion de l’équipe. Une femme amène aussi une diversité, une richesse, un autre point de vue et d’autres méthodes de travail. « 

Une femme à la tête d’une entreprise, c’est aussi un moyen de faire changer les mentalités.  » Dans un milieu masculin, ça oblige à passer outre certains aprioris. Une fois que vous montrez que votre souci, c’est le bien de l’entreprise, que vous êtes solide et que vous voulez faire les choses sérieusement et avec engagement, ça passe je pense. « 

Alors, si la CEO devait donner un conseil à toutes celles qui voudraient, elles aussi, être haut placées, c’est qu’il faut avoir confiance en soi et croire en ses capacités.

 » Être à l’écoute, c’est vraiment une de mes grandes forces. Et c’est une force de femme « 

Caroline Thomaes a passé la moitié de sa vie chez P&G. Après être passée par différents postes, elle devient directrice pour le Benelux de la multinationale. Alors qu’elle occupe la fonction depuis 2 ans, elle prend, dès cet été, un congé d’un an afin d’être aux côtés de sa famille.

La responsable de Procter & Gamble a commencé tout en bas de l’échelle. Elle était d’abord vendeuse et a expérimenté 15 jobs différents au sein de l’entreprise. Elle n’avait pas de plan de carrière et sa montée en grade s’est faite naturellement.  » J’ai travaillé sur la beauté, la lessive, les parfums… C’est une boîte où on accorde beaucoup de confiance. « 

P&G Benelux représente 40% du marché sur lequel il opère et vend, en Belgique, 6 articles par seconde.  » Ce sont de bons produits et c’est important pour moi. J’adore les challenges et tous les jours, j’en ai un nouveau. Ce que j’aime aussi, c’est que j’apprends et que je me développe en permanence  » souligne la quadragénaire.

D’ici le mois d’août 2020, elle prendra une pause carrière.  » Ma décision inspire beaucoup les gens. Je veux être auprès de ma famille. Et tous savent que ce n’est pas parce que je n’ai pas su gérer les deux. C’est un choix. « 

Au niveau de la différence entre hommes et femmes, la gérante estime avoir eu de la chance dans sa société.  » Je ne ressens aucune différence, j’ai une équipe très inclusive. Je me fais toujours écouter et respecter. « 

Ce comportement inclusif se traduit notamment par des formations mises en place pour les employés sur la différence des genres, par exemple. L’entreprise compte, par ailleurs, sur les hommes pour faire avancer les mentalités…. Mais aussi sur sa propre force de persuasion. Par exemple, leurs publicités sont, elles aussi, inclusives. C’est le cas de Partageons les tâches avec Dash.

Et c’est une valeur inscrite au sein du siège bruxellois.  » On a atteint la parité hommes-femmes avec 1100 employés. On a 51% de femmes et 49% d’hommes. Mais ce n’est pas encore le cas à tous les niveaux de la hiérarchie. « 

Pour la directrice, être une femme, ça apporte un certain bénéfice à une firme telle que celle-là :  » on sait écouter et on sait décoder. La relation humaine est très importante. Être à l’écoute, c’est vraiment une de mes grandes forces. Et c’est une force de femme. Dans le monde de demain, ça sera une capacité essentielle. « 

 » Quand on a des rendez-vous avec des hommes, il faut oser parler, oser interrompre « 

Aline Muylaert a 25 ans. Elle est co-fondatrice, avec Wietse Van Ransbeeck, du CitizenLab, un outil qui permet aux gouvernements locaux de consulter leurs citoyens. Cette idée, elle l’a eue alors qu’elle était encore étudiante. Maintenant, l’entreprise travaille avec plus de 100 partenaires.

La jeune entrepreneure est directrice du business development. Elle se charge des ventes, dirige une équipe, se rend à des évènements. Parfois, en tant que femme, ce n’est pas facile.  » Les investisseurs constituent un monde très masculin. Je dois toujours m’introduire en tant que co-fondatrice. C’est important de montrer que j’ai quand même du poids. Et c’est aussi le cas en interne. Ce n’est pas toujours facile de travailler avec des personnes plus âgées. Il faut montrer qu’on a les capacités de faire ce qu’on fait sinon il n’y a pas immédiatement du respect. « 

Mais elle compte bien se faire entendre.  » Quand on a des rendez-vous avec des hommes, il faut oser parler, il faut oser interrompre. Il faut montrer qu’on est capable. Souvent, on est dans des situations où on est la seule femme. Il faut être préparée. « 

Car ainsi, les femmes entreprenantes peuvent atteindre les sommets.  » Je trouve ça dommage qu’il y ait peu de femmes haut placées. Les femmes ont une manière différente de faire du business. Elles sont plus chaleureuses. Ça manque un peu quand il y a uniquement des hommes. « 

En 2018, elle participe au Tedx Liège Back to the future. Elle y parle démocratie à l’ère du digital.  » Il ne faut pas seulement parler du fait d’être femme  » rappelle-t-elle.  » Il faut aussi parler de contenu. Par exemple, je vais parler de ce que je fais avec les villes et les communes. « 

Au sein de CitizenLab, la proportion de femmes s’approche des 1/3.  » Je pense qu’il y a beaucoup d’opportunités pour les femmes. On essaie de leur en donner en interne. J’en ai vu des très capables mais qui n’ont pas confiance en elle. Je me sens privilégiée de leur donner des opportunités. Je comprends aussi leurs défis. C’est pour ça que je peux les aider. « 

 » Le nombre de femmes talentueuses est élevé « 

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Catherine Rutten est la PDG de Pharma.be, une organisation qui réunit plus de 130 sociétés pharmaceutiques innovantes en Belgique. Elle siège au Conseil d’Administration de Women on Boardet, depuis avril, à celui de l’entreprise de télécommunications Proximus.

 » Chez Proximus, il y a autant d’hommes que de femmes au Conseil d’Administration, déclare-t-elle, plutôt fière. C’est la preuve que le quota imposé peut être parfaitement respecté, soit qu’un tiers des femmes siègent aux Conseils des entreprises. C’est un objectif réalisable et cela pourrait être encore mieux. « 

Avant de devenir directrice de Pharma.be, Catherine Rutten travaillait au guichet, dans le secteur britannique des télécommunications et au sein de l’organisme belge de réglementation des télécommunications, l’IBPT.  » Selon moi, il est important de faire plus. Je voulais être active dans d’autres entreprises et organisations. « 

Elle souhaite maintenant faire profiter les sociétés des expériences qu’elle a acquises dans le passé. Et elle veut le faire le mieux possible. C’est pourquoi elle a suivi des cours à Guberna, l’institut belge qui promeut la bonne gouvernance.  » Je peux le recommander à n’importe qui. En fait, tous les dirigeants devraient être guidés et correctement formés. Après tout, siéger à un Conseil d’Administration demande beaucoup de travail et de préparation. C’est une valeur ajoutée que d’anticiper. « 

Women on Board propose également une telle formation. « Il y a un groupe qui s’appelle Women on Track. Ces femmes reçoivent des conseils avant de pouvoir siéger dans des compagnies. Elles se retrouvent ensuite dans une cellule de femmes qui sont prêtes à assumer un mandat, qui compte déjà environ 290 membres. « 

Si des entreprises ou des organisations recherchent des candidates compétentes, elles savent qu’elles peuvent directement chercher de ce côté-là. Catherine Rutten rappelle qu’il ne s’agit pas de sexe : ce qui importe, ce sont les capacités et les qualités des personnes.  » Ce groupe confirme simplement qu’il existe des femmes talentueuses et disponibles. Il n’y a plus d’excuses pour ne pas les considérer.  » (MDD, traduit par Ornella Dal Zilio)

Propos recueillis par Ornella Dal Zilio

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