Valérie Messika, joaillère: « le diamant est un accessoire de mode »
Valérie Messika (47 ans) a grandi dans une famille de diamantaires avant de créer la maison de joaillerie parisienne Messika en 2005. En tant que directrice artistique, elle a initié des collabs avec Gigi Hadid et Kate Moss, créé de la haute joaillerie et organisé des défilés à Paris. Début 2024, elle a dévoilé une collaboration avec Estée Lauder.
Rien n’est jamais acquis
J’ai grandi avec un frère cadet dont le handicap mental a fortement limité l’épanouissement. Je comprends donc depuis longtemps le bonheur d’être en bonne santé. Enfant, j’avais souvent l’impression de devoir me débrouiller pour deux et j’absorbais les soucis de mon entourage comme une éponge. Cela a toutefois eu un impact positif, car sans ma motivation d’entrepreneur et ma sensibilité de designer, Messika ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui.
Choisir, c’est renoncer
Quand je ne dessine pas notre prochaine collection de bijoux, je planche sur la décoration intérieure d’une boutique ou sur une campagne publicitaire. Cette diversité est à mille lieues du quotidien professionnel de mon père, un diamantaire distingué qui m’a initiée dans l’entreprise quand j’avais une vingtaine d’années. Dans son métier, on se succède de génération en génération, mais il ne pouvait pas transmettre le métier à mon frère. Par amour, mais aussi par sens du devoir, j’ai donc travaillé à ses côtés pendant quelques années, mais ce que je fais aujourd’hui m’épanouit bien plus. Aucun jour ne se ressemble.
Désacraliser le diamant
Petite, mon père ramenait souvent de belles pierres à la maison. Je pouvais choisir celles qui me plaisaient le plus et les manipuler, ce qui a contribué à désacraliser le diamant, et à ce que je l’envisage comme quelque chose de ludique et d’accessible. Il n’y a pas beaucoup de femmes dans le secteur, donc j’apporte un regard différent : là où un homme va avoir tendance à envisager un bijou en diamant de manière architecturale, ou comme un objet exprimant le statut et le pouvoir, pour moi, il s’agit avant tout d’un accessoire de mode. Quelque chose que les femmes s’achètent pour se faire plaisir, et dont elles veulent pouvoir profiter au quotidien.
« Je suis heureuse de ne pas m’être laissé guider par la peur »
La nature, un réconfort
Avec mon mari et nos deux filles, je passe souvent des week-ends dans notre maison de campagne près de Chartres, à une bonne heure de route de Paris. Nous faisons des promenades en forêt et observons les animaux, ce qui est un excellent moyen de se ressourcer. Messika étant une entreprise familiale que je gère avec mon mari, on a parfois du mal à se déconnecter du travail, mais quand on y arrive, c’est un peu comme pour le sport : avant de s’y mettre, on traîne les pieds, mais après, on est comblé.
Des rêves communs
Les couples ont besoin de projets communs pour s’épanouir. Il ne faut pas forcément travailler ensemble, mais vous devez avoir des rêves et des objectifs communs. Sinon, vous vivez en parallèle, avec le risque de vous éloigner sur le long terme. Peu importe la passion qu’on peut ressentir au début d’une relation, les sentiments évoluent avec le temps, et le couple aussi, donc il faut pouvoir s’adapter.
Libre arbitre
L’école devrait mieux préparer les enfants au monde actuel. Je trouve très préoccupant qu’on ne leur y apprenne pas à utiliser les smartphones et les réseaux sociaux de manière critique. Ce sont pourtant des outils formidables, qui permettent aux gens de s’exprimer et aux talents de se faire connaître. Mais ils accaparent aussi notre attention et nous enferment dans une bulle d’opinions semblables aux nôtres et de fake news. Pour s’en sortir, on ne peut compter que sur notre libre arbitre.
Etre à la hauteur
La réussite renforce la confiance en soi. Quand j’étais jeune, j’en manquais cruellement : j’avais constamment peur de ne pas être à la hauteur. Aujourd’hui, je suis toujours quelqu’un qui doute souvent et qui laisse mûrir ses idées longtemps avant de prendre une décision, mais mes peurs ne me paralysent plus. J’ai fait mes preuves, ce qui me rend plus confiante dans mes choix.
La réalité en face
On n’échappe jamais à son passé. Je n’ai pas eu une enfance malheureuse et pourtant, adulte, j’ai traîné avec moi certaines blessures, des choses que j’aurais voulu voir se dérouler différemment. Lorsque je les ai digérées, j’ai compris que je n’avais pas choisi mon premier mari pour les bonnes raisons et qu’il valait mieux que nous soyons séparés. Cela m’a demandé du courage, car je devais repartir de zéro à la veille de mes 30 ans et, entre-temps, mon horloge biologique s’emballait. Mais je suis heureuse de ne pas m’être laissé guider par la peur. Si je l’avais fait, je n’aurais pas osé regarder la réalité en face, et je serais beaucoup moins heureuse aujourd’hui.
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