Cet enfant qu’elle porte dans le ventre… Et lui dans le dos

 » Je suis enceinte.  » Accident ? Non, acte prémédité. Enquête sur la paternité forcée… Un abus de pouvoir au féminin.

Des femmes qui décident de faire un enfant volontairement et de façon unilatérale, sans avoir l’accord du conjoint, il en existe. Et on ne parle pas des  » accidents  » (changement de méthode de contraception, préservatif mal placé, insouciance…), auquel cas la responsabilité de la grossesse peut se partager.  » Deux options de départ : soit la femme utilise le bébé pour s’accaparer l’homme, soit elle utilise l’homme pour avoir un bébé à soi « , résume Jérôme Vermeulen, psychologue (1). Dans les deux cas, il s’agit d’un abus de confiance.

Attention : sujet délicat. On marche sur des £ufs. Visiblement, les hommes n’aiment pas parler en face à face de ce piège affectif dans lequel ils sont tombés. Ni en interview avec anonymat assuré, ni dans le cabinet des psys. Jean-Luc Pirlet, psychanalyste et psychothérapeute, ancien directeur d’un centre de santé mentale, n’a jamais été confronté à cette problématique en trente ans de métier. Même de loin.  » Par contre, des femmes qui désirent avoir un enfant sans homme, ça c’est plus courant, souligne-t-il. Je connais un homme, qui ressemblait à un bel acteur, à qui de nombreuses femmes avaient demandé un enfant. Juste comme ça. Pour avoir les gènes, pas le père.  »

Evolution de la société, de nos jours, il n’est plus honteux d’être une mère célibataire. Celle qui assume seule maternité et carrière professionnelle est même valorisée. À l’inverse, une femme sans enfant inspire, elle, la méfiance. Alors forcément, si une femme n’a pas rencontré le prince charmant, mais que son désir d’enfanter devient pressant à cause de son horloge biologique, elle peut se tourner vers le premier venu.  » On parle, en psychologie, de pression sociale normalisante, explique Jérôme Vermeulen. Dans ce cas, ce n’est pas vraiment une manipulation. Ces femmes savent très bien que ce n’est pas l’homme de leur vie. Si elles rencontrent plus tard un autre homme prêt à endosser la paternité et à éduquer leur enfant, elles quitteront le géniteur. En psychologie, on fait bien la différence entre le géniteur et le père… Ces femmes sont plus dans une souffrance que dans une manipulation. « 

Mensonge et trahison

Si les hommes n’apprécient pas le face-à-face, leurs langues se délient sur le Web : les forums pullulent de futurs papas désarmés, paniqués, furieux.  » On est dans une logique de trahison, comme pour un adultère, pointe Jérôme Vermeulen. Cela remet sérieusement la relation du couple en jeu. En termes de relation de confiance, c’est quelque chose de très grave. Parce qu’il y a préméditation… L’homme est plongé dans un bouillon d’émotions fortes. Il a l’impression que le ciel lui tombe sur la tête. Une lourde réflexion sur son avenir se met en marche. « 

Dans son nouveau roman, Faux-père (2), Philippe Vilain raconte à merveille les phases par lesquelles passe un homme qui doit faire face à une paternité  » surprise  » : accablement, déni, peur, nostalgie, résignation.  » À cette annonce que l’on ressent comme un choc, on verse d’abord dans une sorte de catastrophisme, avant de se résigner, de se réjouir et de s’envisager un avenir réjouissant « , déclare l’auteur. Et à quoi pense en premier un homme qui n’a pas choisi d’être papa quand on lui annonce qu’il va bientôt l’être ? À la fin de son indépendance !  » C’est un renoncement absolu à cet idéal de liberté, poursuit Philippe Vilain qui a réussi à percer les hommes à jour. Evidemment, ce n’est pas parce qu’on a un enfant qu’on devient prisonnier. Cela va même peut-être enrichir sa vie, lui donner un autre sens, mais c’est, je pense, une préoccupation très masculine.  »

S’ajoutent ensuite à cette angoisse, la colère et l’abattement. Philippe Vilain va jusqu’à utiliser le terme  » viol  » pour décrire le ressenti de son héros :  » Un terme que j’ai écrit en italique en pensant aux conséquences que cela pourrait engendrer. Mais je tenais à l’utiliser parce que dans viol, il y a violence. La femme soutire un enfant à un homme, une chose de son intimité la plus profonde. Elle lui vole quelque chose à son insu, c’est donc un viol symbolique. C’est quand même énorme de décider de changer la vie de quelqu’un de cette façon !  » Un ressenti confirmé par notre psychologue :  » Avec l’énorme différence que dans cette forme de viol, il n’y a pas de violence physique extrême. C’est une autre forme de violence : plus subtile, plus psychologique, plus féminine. « 

La gent féminine possède donc une arme redoutable : son ventre. Une arme dangereuse… Qui peut d’ailleurs se retourner contre sa progéniture.  » La femme qui décide d’avoir un enfant sans concerter son conjoint s’approprie son avenir, s’insurge Jérôme Vermeulen. Elle décide des 50 prochaines années qui l’attendent ! C’est une grave décision, qui met, en plus, sérieusement en péril l’avenir de son enfant… « 

Outre la vie du papa prise en otage, celle de l’enfant se joue également. Quelles vont être les conséquences psychologiques sur ce petit bout, au c£ur d’un tourment avant même sa naissance ? Faut-il aborder l’histoire de sa conception et lui dire la vérité ?  » Un jour ou l’autre, il risque de poser des questions, si on ne lui dit pas ses  » secrets de famille « , prévient Jérôme Vermeulen. Il vaut donc mieux lui dire la vérité. C’est très important. Nous rejoignons un peu la problématique de l’adoption : la thématique des origines. Il est essentiel que l’enfant soit entouré de personnes aimantes. Bien sûr, cela ne sera pas pareil pour chaque enfant, ce n’est pas systématique. Mais il y a une forte probabilité pour que ces questions se posent et que cela crée un jour un problème.  » Que le papa soit resté, ou pas.

Je veux ou je ne veux pas ?

Face à cette situation complexe, l’homme se trouve donc déstabilisé. Dans une situation de stress, d’anxiété et de solitude. Difficile d’y voir clair. Parce que chaque situation est différente. Un couple formé il y a quatre mois n’a pas la même envergure qu’un couple qui existe depuis trois ans. La relation, l’histoire, le vécu entre les amants non plus.  » Il n’empêche que cette situation est le signe d’un problème de communication au sein du couple « , signale Jérôme Vermeulen. Mais quelles sont alors les bonnes questions à se poser ?  » D’abord, celles liées au couple, poursuit le psychologue. Quelle est sa situation, comment fonctionne-t-il, des projets futurs sont-ils envisageables ou pas ? Ensuite, on passe aux questions liées à l’enfant : s’il était arrivé deux ans plus tard, cela aurait-il été différent ? Quelle implication l’homme désire-t-il avoir dans son éducation ? A-t-il envie de l’aimer ou non ? Après les questions émotionnelles, on passe au pragmatique : l’homme est-il prêt à réorganiser son avenir ? « 

Mais ces réponses dépendent également de la personne qui se trouve en face. La conjointe. Celle qui a trahi…  » Est-ce une femme impulsive ? embraie Jérôme Vermeulen. A-t-elle décidé de prendre les devants quant à leur avenir en étant persuadée que cela lui ferait plaisir une fois le fait accompli ? Ou au contraire est-ce une femme perverse et manipulatrice qui désire le cadenasser, et, s’il la quitte, le faire chanter pendant des années ?  » Une aide professionnelle aidera à calculer le degré d’intentionnalité et de morbidité de la partenaire, à essayer de définir son but. Souvent, la réflexion à plat permet de nuancer… Voire de l’accepter. C’est d’ailleurs ainsi que définit Philippe Vilain, son néologisme  » faux-père «  :  » un homme qui devient père sans l’avoir choisi. Mais qui finit par se résigner à l’être « .

Après tout, dans certains cas, cet enfant est bien issu de l’amour. La question clé alors serait  » puis-je lui pardonner cette trahison ou pas ? « , comme pour un adultère. Mais ce n’est pas une décision à prendre à la légère.  » C’est capital, conclut Jérôme Vermeulen. Une fois qu’on a choisi, il faut assumer. Sinon, il y a gros danger que naissent des ranc£urs futures.  » Liberté, égalité, paternité ?

(1) Et webmaster du site www.lepsychologue.be

(2) Faux-père, par Philippe Vilain, Grasset, 112 pages.

Valentine Van Gestel

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