J’AI TESTÉ : Cinquante nuances de Grey
Si vous n’avez pas encore entendu parler de Cinquante nuances de Grey, c’est que vous étiez… en retraite dans un couvent. Difficile autrement d’être passé à côté du courant littéraire coquin de la rentrée : le mommy porn. Avec plus de 50 millions d’exemplaires vendus dans le monde, l’auteur de ce roman érotique pour mamans, E.L. James, quinqua britannique rondouillette, est déjà considérée comme la nouvelle J.K. Rowling. Mérite-t-elle ce statut honorifique ? Cet engouement cache-t-il le secret d’une sexualité épanouie ? C’est avec envie, interrogation et le rose aux joues que je me suis plongée dans l’édition française » non corrigée » du bouquin (*). Premier constat, son épaisseur : 550 pages, visiblement, elle en a des fantasmes la miss James. Second constat : le ton utilisé est simple, spontané, désinvolte. Je suis clairement dans une chick lit et pas dans du Zola. D’autant que l’héroïne, Anastasia Steele, est une étudiante de 21 ans en dernière année de littérature anglaise qui vit en colocation avec sa meilleure amie. Belle comme un c£ur, en attente de l’amour avec un grand A, notre héroïne est encore… vierge. Ben tiens. mommy porn ou papy porn ? J’avoue, les cent premières pages me lassent terriblement : il ne se passe absolument rien de croustillant. Certes, Christian Grey, le jeune héros milliardaire hyper sexy au regard qui vous déshabille, est un prince charmant à la face sombre, mais les tourtereaux tournent autour du pot, et mettent des plombes à concrétiser leur premier baiser passionné. Est-ce le style qui manque de piquant ? Une mauvaise traduction ? Je m’ennuie. Seul un contrat dominant/soumise ajoute un peu de piment au récit. Avant d’entamer une quelconque relation, Monsieur Grey désire que Madame Steele donne son aval à une soumission totale. Notre vierge découvre alors les mots fisting vaginal, plug anal, fouet, barre d’écartement et suspensions. » Putain de bordel de merde « , répond sa conscience. Certes, il y a de quoi pendre ses jambes à son cou. Prendre, pardon. Et pourtant, » à la casserole « , elle y passera. Et plus d’une fois. Dans toutes les pièces de la maison et dans toutes les positions. Du » sexe- vanille » au bondage martinet, du cunnilingus au pilonnage anal brutal, chaque fois, Ana jouit de plus belle avec son Rocco Siffredi pseudo-sadomaso (parce que forcément, Grey est monté comme un étalon). Moi, je m’étonne de lire à quel point la gamine jouit rapidement, mais plus que les passages érotiques, ce sont les tics d’écriture qui m’obsèdent : le nombre incalculable de » waouw « , » putain « , » bordel » qui ponctue allègrement les pensées d’Anastasia. Que c’est plombant. Certes c’est une façon de dévoiler les trois facettes de la demoiselle : l’étudiante insouciante, sa conscience moralisatrice et sa déesse intérieure adepte de l’érotisme. Mais au bout du compte, les trois m’agacent. Limite, je comprends pourquoi Grey veut lui donner la fessée : ses prises de tête sont exaspérantes ( » je l’aime, j’en voudrais plus, mais lui me voit comme un jouet, que faire ? « ). Je referme la brique en restant sur ma faim, et découvre que c’est une trilogie. Comment ? Encore 1100 pages de ce porno à l’eau de rose ? Sans moi. D’autant qu’il paraît que Justin Bieber aurait été approché pour jouer le rôle de Christian Grey au cinéma. Tout sauf un aphrodisiaque…
(*) Sortie en librairie ce 17 octobre aux éditions JC Lattès. Lire aussi en page 5.
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Valentine Van Gestel
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