Athena Likis, drag queen: « J’ai grandi avec les Gilles de Binche et j’ai toujours été fascinée par leur costume »

Athena Likis
© Timoté Mévellec

Depuis le 16 août, la drag-queen Athena Likis représente la Belgique dans les Olympiades du drag, RuPaul’s Drag Race Global All Stars. On l’a rencontrée pour l’occasion.

Paris a eu ses Jeux Olympiques, les drag-queens viennent d’ouvrir les leurs avec l’émission RuPaul’s Drag Race Global All Stars. Emmenée par la reine du drag, l’iconique RuPaul, la franchise continue de déferler sur nos petits écrans et s’offre cette fois-ci un brin de belgitude. 

En effet, parmi le cast international qui compose cette première saison de la galaxie Drag Race, on retrouve Athena Likis issue de la première saison de notre version télécrochet, Drag Race Belgique. Celle qui était arrivée seconde, et avait perdu la couronne face à Drag Couenne, avait marqué les esprits par son esthétique avant-gardiste et un rien punk, s’offre ici une chance de rédemption et entend bien laisser sa marque.

Mais la route pour la couronne (et les 200.000 dollars qui l’accompagnent) et une place dans le panthéon international du Drag Race Hall of Fame sera parsemée d’épreuves et d’embuches. Et face à notre compatriote, on retrouve des drag-queens de renom comme Alyssa Edwards (États-Unis), Eva Le Queen (Philippines), ou encore Soa de Muse (France). Mais rien ne semble impossible pour notre déesse belge qui nous a rencontré alors que la compétition vient de commencer. 

Ça fait quoi de participer aux JO du drag? Et surtout face à certaines queens déjà bien établies? 

Alors moi qui ne suis déjà pas une grande sportive, c’est vrai que c’était hyper impressionnant. Et j’ai beau voir les choses en grand, ça restait un défi de taille. Et puis il faut aussi accepter de donner son image au monde entier sans grand contrôle dessus. C’est assez stressant (rire).

Après ça reste une opportunité de dingue qui me réjouit vraiment et je suis très fière d’y participer. Mais c’est challengeant aussi. On est loin de la maison, dans une langue qui n’est pas la mienne et même si je maitrise l’anglais, et que je me suis préparée pour l’émission, le drag a son propre langage, d’autant plus en anglais. Mais c’est fou de défendre ma place face à des monuments du drag. Je veux dire, j’ai grandi en regardant Alyssa Edwards sur mon petit écran d’ordi et là je finis dans la même saison… C’est wild. 

Quelle a été votre réaction lorsque vous recevez votre coup de fil pour vous annoncer que vous faite partie de l’aventure Global All Stars? 

Je m’en rappelle très bien. J’étais avec mon ex à ce moment là. On était en train de regarder un truc et là je vois l’appel. J’ai directement commencé à stresser. Déjà̀ le téléphone tremblait, j’étais paniquée. J’ai décroché et ils m’ont dit que j’étais prise, mais je tremblais comme une feuille.  

J’étais hyper content mais j’étais traversé par un mélange d’excitation, de stress, de peur et de joie tellement intense. J’ai chialé. Et puis j’ai tout de suite appelé Sarah, ma manager et on a hurlé de joie ensemble. 

Vous êtes la première Queen à faire son entrée dans l’émission et vous ouvrez le bal dans un superbe costume de Gille de Binche qui a été dragifié…

Alors déjà, je ne suis pas la première par choix. Mais parce qu’on rentrait par ordre alphabétique des pays (rire). 

Et puis pour mon choix de tenue, j’avoue que c’était important pour moi de montrer cette partie de la Belgique. J’ai grandi avec les Gilles de Binche et j’ai toujours été fasciné par leur costume. Qui de base ne peut être porté que par des hommes. Avec mon styliste (@lion_ascendant_connasse) on a décidé d’un peu queeriser le tout en s’inspirant du travail de fou que la consoeurerie des connasses réalise depuis des années en se réappropriant des éléments de notre folklore bien souvent trop masculin. 

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Comment définiriez-vous Athena? 

En fait, pour moi, Athena, c’est la matérialisation de mon énergie. C’est peut-être grossièrement dit, mais au moins je pense que c’est assez visuel. Donc c’est vraiment une énergie que j’ai en moi qui est juste matérialisée physiquement je trouve.

Et puis c’est une déesse, donc elle a aussi ce côté un peu mystique tout en restant liée au commun des mortels. C’est aussi un moyen de garder le lien avec mes origines grecques, du côté de mon père et de l’incorporer à mon drag, dans le mythe que je me crée. 

Athena c’est cette femme très masculine ou alors cet homme très féminin. C’est un peu un entre les deux, qui a besoin de montrer et qui a besoin de ressentir qu’il est très fort dans cette société. 

Il y a Athena Likis, mais il y a aussi Arnaud derrière. Comment coexistent les deux? 

Au début, j’avais besoin de dissocier Athena d’Arnaud. Mais avec les années en fait, je me rends compte qu’ils sont très proches. Athena est clairement plus loufoque et certains aspects, dont son cynisme, sont exacerbés mais sinon je suis vraiment pareil en fait. 

C’est la même énergie. Je parle pareil, je ne change pas de ma voix, je ne me crée pas de personnage. Athena, c’est Arnaud. Arnaud, c’est Athena. Arnaud a besoin d’Athena. Athena a besoin d’Arnaud. 

Et à travers cette dualité j’arrive à sortir de moi un melting pot d’émotions. Par exemple, Athena a aidé Arnaud dans l’acceptation de son corps. 

Elle ressemble à quoi la scène drag belge?

Alors le drag en Belgique, c’est un drag qui est assez politique, qui est très expérimental, c’est à dire qu’on se permet beaucoup de choses. Il est très libre, puisque relativement jeune et donc il est permissif, subversif et très punk. J’adore ce côté osé et impertinent. 

Il est sans barrière et vise même à ouvrir les portes et à sortir des carcans. On se prend moins la tête aussi je pense. On est moins fancy qu’ailleurs. Ce qui fait qu’on a tendance à nous sous-estimer. Mais je trouve qu’on a beaucoup de choses à dire. Et je pense que les gens ont beaucoup à apprendre de nous. 

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Il y a un avant et un après Drag Race?

A titre personnel, oui c’est clair. Mais ça a très intense mais très court. Car j’ai assez vite dû mettre en pause le tout pour me consacrer à Global All Stars. 

Mais au niveau de la scène du drag belge, ça a aidé aussi je pense. Déjà pendant le Covid, il y a eu un élan de nouvelles drags, qui essayent de nouveaux trucs. Et l’engouement suscité par l’émission a aussi attiré un public dans les cabarets, de nouveaux lieux ont ouverts, fédérant une plus grande communauté et donnant plus de possibilités aux drag-queens de performer. Et de très belles choses se créent depuis. C’est vraiment que du bonus. 

Paloma, la gagnante de la première saison de Drag Race France disait au micro de France Inter qu’être Drag, c’est enfiler un costume de super-héros. Après la polémique de la cérémonie d’ouverture des JO, ça résonne en vous ? 

Alors je l’entends et je comprends que les gens puissent le voir comme ça. Mais moi, même si ça peut paraitre très égoïste, je ne fais pas du drag pour les autres. Je le fais pour moi avant tout. 

Si ça crée quelque chose chez les autres, c’est génial. Si les gens s’identifient, si les gens voient cette liberté d’expression, voient le travail qu’il y a derrière, et qu’ils peuvent en retirer quelque chose pour eux-mêmes dans leur vie au quotidien, ou que ça leur fasse rêver le temps d’un instant, c’est génial. Mais je ne le fais pas en me disant que ça va créer ce truc là. Je le fais pour moi avant tout. J’ai besoin de m’exprimer à travers le drag. 

Et pour ce qui s’est passé à la cérémonie d’ouverture des JO, je pense que le problème ce ne sont pas tant les drag-queens, mais c’est la communauté́ lgbtqia+ qui est représentée. Et ça dérange certains de nous voir mises en avant. Sous prétexte que « ça ne représente pas tout le monde, on les met encore en avant ». Mais en fait, eux, ils sont constamment représentés, ils sont omniprésents dans l’espace public. 

Et puis la question de blasphème de la dernière Cène, ça me fait un peu rire jaune. Déjà ça n’était pas ce qui était représenté mais quand la Cène est utilisée dans South Park, les Simpson ou quoi, on ne dit rien. Les gays le font? Oh la la, on crie à l’hérésie. C’est clairement hypocrite. Mais on reste une minorité, donc on sera toujours plus facilement pointé du doigt.

Qu’est-ce qui vous plait tant dans le drag?

J’aime le fait qu’on puisse faire autant de choses avec une seule pratique artistique. L’art du drag englobe beaucoup de choses, de la perruque aux tenues en passant par le maquillage, c’est très large.

Moi, ce que je préfère, c’est être sur scène. J’aime le faire en solo. Mais j’adore partager la lumière avec d’autres artistes. Il se passe toujours des choses incroyables, on se nourrit les uns les autres et on crée quelque chose d’unique. Cet échange d’énergie ça me booste énormément.

En parlant de scène, il y a quelques mois, on a pu vous retrouver sur les planches du théâtre des Riches Claires aux côtés de Drag Couenne pour votre premier spectacle « Ni queue, ni Tape », c’était comment? 

Une sacrée aventure… Déjà le spectacle a failli s’appeler « Ni queue, ni Ket », parce que Drag Couenne est très portée sur la kékétte (rires). Mais on a évité le drame en le baptisant « Ni Queue, ni Tape ». 

C’était dingue de travailler sur ce projet qui était clairement novateur avec Couenne, j’ai énormément appris à ses côtés. Dans les deux sens; je pense. On est très complémentaire. En fait, on avait envie de sortir le drag du cabaret et de performer au théâtre. On voulait prendre le temps de proposer un spectacle plus long, qui n’est pas juste une succession de performances mais vraiment une vraie pièce de théâtre, où les gens sont pris par la main pendant 1 heure et demie et vivent vraiment un truc.

D’habitude, en cabaret, tu donnes ta clé USB avec ton son dessus, tu répètes deux trois fois et puis basta. On a très peu le temps. Ici on s’est offert le luxe de ce temps mais c’était aussi très challengeant, parce que comment on conjugue théâtre et drag? Comment on fait pour proposer telle ou telle chose? Et puis même dans la mise en scène et la dramaturgie on a pu créer quelque chose de tout à fait différent de ce qu’on fait. Et c’était génial. D’ailleurs, il n’est pas exclu que la suite arrive très bientôt.

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C’est quoi la suite pour Athena?

Secret défense (rires). Non, j’avoue que pour l’instant je me focus principalement sur Global All Stars et je vais voir jusqu’où ça va me mener. Mais je sais que je veux continuer à monter sur scène, à performer et faire du drag dans des endroits qui ne lui sont pas toujours réservés. Essayer de continuer de toucher à tout, sans me freiner dans mes envies ou des projets. Exciting quoi !

Un dernier mot ?

Vive le drag belge! J’ai hâte que le drag belge grossisse et que les gens se rendent compte de la richesse de notre drag, qui est singulier et très différent des autres. Je pense qu’on a vraiment beaucoup à apporter sur la table et j’ai hâte qu’un public plus large découvre la beauté de la scène drag bruxelloise et belge!

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