Santé mentale: les différentes thérapies et comment choisir celle qui vous convient
Anxiété, dépression, sentiments altérés, crises sociales, écologiques et économiques: nombreuses sont les raisons pour lesquelles on peut être amené à entreprendre une thérapie. Dans l’inconscient collectif, il semblerait que la (psycho)thérapie soit encore associée à la méthode freudienne. Cependant, il existe d’autres courants dont les méthodes diffèrent. C’est ce que Valérie Lanneau, psychologue diplômée de l’ULiège, spécialisée en clinique psychothérapeutique intégrée à l’UCLouvain explique en nuançant : « les modes thérapeutiques peuvent se combiner. » Passons les en revue :
- Les thérapies cognitives et comportementales (TTC) sont celles qui travaillent, comme leur nom l’indique, sur les comportements, les cognitions (NDLR: les pensées) et les émotions. Le psychothérapeute va alors se centrer sur ce que la personne amène comme problème et dégage ce qui peut être à l’origine de celui-ci. « L’intérêt de cette pratique – que j’exerce – est de s’intéresser au fonctionnement de l’individu dans sa manière de penser, de réagir, sur les impacts des événements qui nous ont construit en tant qu’individu. Et ainsi de mettre en lumière les dysfonctions psychologiques ou comportements considérés comme inadéquats par le patient.
Ce type d’approches peut répondre à des troubles alimentaires, des phobies, des troubles obsessionnels compulsifs (TOC) ou à une manière problématique de fonctionner (dépression, difficulté d’affirmation de soi, difficultés transitoires dans la vie) », explique Valérie Lanneau qui précise : « il ne faut pas enfermer la thérapie cognitive et comportementale comment l’unique résolution d’un trouble pathologique. Cette pratique amène à réfléchir sur la manière de fonctionner et à mettre le doigt sur des choses à ‘déconstruire’ et ‘(re)construire’ en se concentrant sur le comportement, les pensées et les émotions. Les psychothérapeutes en TCC vont aussi essayer d’en apprendre sur les apprentissages familiaux, les relations aux autres, à soi. » - L’approche psychanalytique ou psychodynamique est celle qui va s’intéresser à l’inconscient, « aux conflits intrapsychiques/internes qui peuvent être à l’origine du problème. Le psychothérapeute va laisser place à la libre association de pensée – il interviendra moins et laissera le patient plus libre de parole – et à l’inconscient (les rêves, les actes manqués, par exemple.) Il amène à la prise de conscience. On a recours à ce genre de thérapie lorsque l’on est face à des situations de vie difficile. Elle permet de mieux se connaitre et/ou avoir une prise de conscience. »
- L’approche systémique, elle, s’intéresse à « la personne dans son système : sa famille, son couple ou relations amoureuses, son environnement de travail ou scolaire (et dans ses relations avec ses pairs).
Le systémicien va chercher à comprendre le patient dans son interaction, sa communication et échange avec les autres. Il va considérer le symptôme ou le comportement problème ou encore le patient désigné comme ayant une fonction dans le système plus global qui l’entoure. Ces thérapies peuvent combiner une approche individuelle, familiale, de couple ou de groupe. » - L’approche centrée sur la personne appelée aussi thérapie humaniste regroupe les thérapies centrées sur le « développement personnel. L’intérêt est porté sur comment bien vivre dans l’environnement qui nous entoure. Le patient travaille sur l’acceptation de soi en prenant conscience de ses ressources, de ses forces afin de se sentir plus en harmonie avec lui-même. Le thérapeute va – à l’instar des approches précédentes – travailler dans l’acceptation bienveillante et inconditionnelle de son patient. »
À côté de ses quatre approches qui définissent le style du thérapeute, on en trouve d’autres (sans volonté d’exhaustivité) qui travaillent le lien entre le corps et l’esprit comme, par exemple, la kinésiologie. Ici, « on va aller chercher les zones de tensions corporelles qui sont liées à des zones de tensions psychiques. Cette approche du corps diffère en ce sens que le patient est moins amené à verbaliser, laissant également son corps s’exprimer ». On peut aussi rencontrer « l’hypnose, au cours de laquelle le patient est dans un état de conscience modifiée » ou « l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) qui travaille sur le mouvement des yeux afin d’aider le patient à réintégrer neuro-émotionnellement des vécus difficiles de façon davantage positive.
Valérie Lanneau met toutefois en garde le rapprochement qui peut parfois être fait entre le coaching et la thérapie : « le coaching peut également soutenir la personne dans une étape de vie et lui permettre de réfléchir à la suite qu’elle veut donner ou non à différents projets mais, sauf si le coach a une formation en psychologie réalisée en amont, il ne s’agit pas d’une approche psychothérapeutique. De manière générale, derrière le terme de psychothérapie, il y a la formation de base de psychologie que le thérapeute doit avoir réalisée avant de se spécialiser dans l’un ou l’autre domaine thérapeutique. »
Les TTC, un processus dévalorisé ?
La praticienne des TTC confie que la thérapie centrée sur un symptôme ou un problème a mis du temps a acquérir ses lettres dans noblesse : « On a beaucoup entendu que cette thérapie pouvait ne pas être considérée comme suffisante. J’estime que c’est faux. Il ne s’agit pas que d’une thérapie centrée sur le problème. On (les thérapeutes en TTC) prend en compte le contexte dans lequel le problème survient et on parcourt également l’histoire de vie du patient, l’acquis de ces apprentissages. J’ai toutefois le sentiment que la vision réductrice dont souffraient les TTC a évolué et qu’elles sont plus acceptées aujourd’hui. Les approches sont différentes, certes, mais nous ne sommes pas en concurrence. Le rôle du thérapeute reste avant tout de répondre à la difficulté rencontrée par la personne. »
Bye bye Freud et Lacan ?
Elle se veut prudente dans ces propos, et notre psychologue invite à la nuance : « Autrefois, l’unique courant thérapeutique était la psychanalyse, discipline fondée par Freud au début du XXe siècle, et ce qui lui est lié : la sexualité et principalement la sexualité infantile (complexe d’Œdipe et autres problèmes liés à la relation à la mère). La discipline a évolué et les psychothérapeutes ont une vision plus large qui n’a plus comme point d’orgue cette analyse plus réductrice. C’est tout le moins ma perception plus personnelle des choses. »
De l’unique à la hiérarchisation des styles, aujourd’hui la psychologie se veut plus transversale, « en fonction des besoins du patient, de sa personnalité et de ce qu’il recherche dans la thérapie, un style thérapeutique peut s’avérer plus adapté mais chaque thérapeute, quel que soit son orientation privilégiée, pourra aussi s’adapter à la demande du patient. Les techniques thérapeutiques se veulent de nos jours moins cloisonnées ce qui constitue une grande richesse et une évolution positive pour le suivi de nos patients. »
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Choisir sa thérapie et son thérapeute
Après toutes ses explications, comment bien choisir sa thérapie ? La psychologue répond: Si vous souhaitez partir de ce qui ne va pas en faisant des liens conscients et travailler à tenter de modifier votre façon de fonctionner pour être plus épanoui, allez vers les TTC. Enfin, si vous voulez mieux vous connaitre, en tout conscience, en développant tout votre potentiel, dirigez vous vers une thérapie humaniste. »
Pour Valérie Lanneau, cela reste cependant une vision très caricaturée : « Chaque approche peut donner une vision de la problématique et permet d’avancer sur le chemin. La base de toute thérapie est la posture du thérapeute qui doit faire preuve d’empathie, de non-jugement et respecter bien sûr le secret professionnel. La relation de confiance qui va se créer entre le patient et le thérapeute est également d’une grande importance. Par ailleurs, le patient peut entamer une thérapie dans un style thérapeutique puis questionner sa problématique sous un angle différent grâce à une autre approche. »
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Combien de temps ça dure?
En fonction de la méthode utilisée, la durée peut varier. En effet, « la cure analytique est souvent plus longue. Quand on questionne l’intrapsychique et si on veut se connaitre et se comprendre, cela peut durer une vie. Mais ce n’est pas forcément ce que la personne va rechercher. Les TTC sont, de manière générale, plus courtes mais elles ne questionnent pas l’intrapsychique vu qu’elles s’intéressent aux changements conscients. Cela peut varier de quelques mois à quelques années en fonction de la demande et de la problématique. Quand on parle en terme d’années, on entre dans ce qu’on appelle une thérapie de fond. Les thérapies systémiques peuvent être aussi dans cette ordre de durée mais pour les thérapies psychodynamiques d’obédience analytique, il y a de nouveau un travail lié à l’inconscient qui prend plus de temps. »
Et de rappeler que l’une des clés de la thérapie est « l’alliance thérapeutique, c’est-à-dire, la relation unique de confiance qui va se créer entre le patient et le thérapeute. Elle est primordiale. »
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Déconstruire des discours
Prendre la décision de suivre une thérapie peut être difficile pour certaines personnes. Concernant les peurs qui pousseraient des personnes à ne pas venir en thérapie, la psychologue de préciser : « J’espère que l’idée qu’il faut être fou ou souffrir d’une lourde pathologie mentale pour venir en psychothérapie n’est plus largement acceptée car ce n’est évidemment pas le cas. A certains moments d’une vie, il peut être important pour une personne de faire une pause, surtout dans nos sociétés occidentales contemporaines où l’action et la performance priment. On prend moins le temps de se questionner et de savoir comment on va vraiment. S’offrir ce temps où s’accorder par rapport à nos besoins, nos ressentis et réfléchir à ce qui nous pèse ou nous met dans l’inconfort peut s’avérer très bénéfique. La santé mentale est essentielle et doit être préservée, d’autant qu’elle peut être mise à rude épreuve dans la période que nous vivons actuellement. »
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