Du sexe avec Bigfoot aux plans à trois: ce que vos fantasmes sexuels disent de vous

fantasmes femmes
© Getty images
Nathalie Le Blanc Journaliste

Du simple sexe domestique (mais avec le voisin) aux scénarios les plus extrêmes, tout le monde a des fantasmes sexuels. Mais saviez-vous qu’ils en disent aussi long sur vous-même et sur ce que vous voulez dans la vie?

Quels sont vos fantasmes, vos pensées et vos sentiments sexuels? C’est la question que l’actrice Gillian Anderson a posée aux femmes en vidéo sur Instagram fin janvier 2023. Pour se préparer à son rôle de sexologue dans la série Sex Education, mais aussi dans le but d’écrire un livre sur le sujet, elle a lu des ouvrages de référence dans le domaine, parmi lesquels Mon jardin secret: une anthologie des fantasmes sexuels féminins de Nancy Friday. « Lorsque nous ne sommes pas retenues par les normes sociales, la timidité ou la peur que notre partenaire soit mal à l’aise, nous nous abandonnons à nos désirs les plus enfouis et les plus pécheurs dans notre imagination ».

L’ouvrage de Nancy Friday est un classique, mais il a aussi une bonne cinquantaine d’années. Alors l’actrice mythique de X-Files a souhaité faire une mise à jour. Sur un portail dédié, des femmes du monde entier, de tous âges, de toutes origines et de toutes catégories sociales ont pu raconter anonymement leurs fantasmes sexuels. Selon Gillian Anderson, Il y avait bien de quoi écrire un millier de pages, mais elle n’en a retenu qu’un peu plus de 370.

La publication du livre de Nancy Friday avait, à l’époque de sa publication en 1973, soulevé des questions sur ce que les femmes voulaient faire de leurs fantasmes et sur ce que leurs fantasmes inhabituels ou interdits pouvaient signifier. Il en va de même aujourd’hui, et Gillian Anderson a elle-même pu se rendre compte que la honte était toujours omniprésente. « Il est surprenant que de nombreuses femmes gardent encore aujourd’hui leurs fantasmes pour elles », écrit-elle. Certes, elle n’est pas une experte, admet-elle, et n’analyse donc pas les fantasmes, mais l’actrice et désormais autrice a recueilli ces histoires pour nous montrer sans filtre à quel point les femmes du monde entier sont à la fois différentes et semblables.

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Du sexe avec Bigfoot

De la romance pure à la passion anonyme, du plaisir érotique des louanges au trash-talking, du sexe avec des animaux au voyeurisme: nos fantasmes se sont révélés très diversifiés, conclut Anderson. Le triolisme et autres formes de sexe en groupe se sont révélés être les fantasmes les plus courants, tandis que les fantasmes de sexe avec des extraterrestres dotés de tentacules ou des créatures mi-humaines mi-animales ont été plus surprenants.

En feuilletant le livre, on passe de l’amour à la dureté, parfois dans la même lettre. Nous rêvons en masse de connexion, d’amour et d’attention, mais cela peut être avec notre partenaire ou avec un extraterrestre ou une créature mi-humaine mi-animale. Les femmes mariées et heureuses rêvent de faire l’amour avec une femme, ou de regarder deux hommes faire l’amour, et les femmes lesbiennes fantasment sur le fait d’avoir un pénis. Nous rêvons d’être complimentée par plusieurs hommes qui nous touchent tous en même temps, ou de diriger ce que les autres doivent faire. Nous fantasmons aussi sur le plaisir sans fin, l’extase sensuelle et les orgasmes qui nous font hurler de plaisir, mais aussi sur la domination et le contrôle, sur l’insécurité, la coercition et même la douleur.

« Ce qui rend les fantasmes sexuels si puissants, c’est que nous écrivons nous-mêmes l’histoire. »

Des liaisons au travail à l’apocalypse zombie, de la salle de consultation du médecin généraliste au Bigfoot, du fétichisme des poignées de porte aux robots sexy, du sexe anonyme dans le tramway au voyeurisme dans un bureau vitré: notre créativité ne connaît pas de limites. Pourtant, Gillian Anderson a pu découvrir, au cours de son travail, que certains thèmes se dégagaient clairement: le sexe à plusieurs et le fait d’être adulée, complimentée. Ce qu’on appelle le « louange kink » qui galvanise. Romance et domination, sentiment de sécurité (ou non) et consentement (ou non), étrangers ou amants, des plus admissibles au plus interdits (patrons, beaux-frères, bals de promo…), bdsm, fétichisme, voyeurisme et exhibitionnisme.

Peu de recherches

Remarquablement, peu de recherches scientifiques sont menées sur les fantasmes sexuels, nous explique la sexologue belge Rika Ponnet. « Le temps et l’argent sont évidemment limités », justifie-t-elle, avant de poursuivre: « Le psychologue américain Justin Lehmiller a mené une grande enquête pour son livre Tell Me What You Want. Il affirme que nous fantasmons parce que cela nous excite et pique notre curiosité, pour échapper au quotidien et explorer des désirs qui ne sont pas satisfaits dans la réalité, pour explorer des tabous et nous sentir plus sûrs de nous, et aussi tout simplement parce que nous nous ennuyons. Si Gillian Anderson braque les projecteurs sur les femmes, les hommes fantasment aussi, bien sûr. Sur le plan sexuel, il devient de plus en plus évident que la différence entre les hommes et les femmes n’est en fait pas si grande ; il s’agit surtout de grandes différences individuelles ».

En effet, le fantasme nous permet de nous évader, écrit de son côté Gillian Anderson. « Il nous permet d’échapper pour un temps à la pression et aux exigences du travail, de la parentalité et de la banalité de la vie. (…) Ce qui rend les fantasmes sexuels si puissants, c’est que nous écrivons nous-mêmes l’histoire. Nous façonnons nos désirs et nos besoins, ce qui peut nous aider à nous explorer, à expérimenter l’excitation et le désir, sans risquer d’être blessés ou critiqués. C’est un endroit sûr, nous n’avons besoin de la permission de personne et nous pouvons nous laisser aller et être la meilleure, la plus sexy, la plus torride version de nous-mêmes sans nous soucier du corps parfait, des marques de grossesse ou des jambes poilues ».

Adieu charge mentale, bonjour fantasmes

Certains fantasmes ne sont pas très difficiles à expliquer, estime encore la sexologue Rika Ponnet. Si une femme a l’impression de devoir tout gérer, tant à la maison qu’au travail, elle peut fantasmer sur des relations sexuelles où elle n’a qu’à s’allonger et où quelqu’un d’autre lui donne du plaisir ». Le psychologique Justin Lehmiller a défini sept thèmes dans les fantasmes sexuels, et sa collègue Gigi Engle a expliqué l’attraction dans son livre All the Fcking Mistakes : A Guide to Sex, Love and Life. Les rapports sexuels avec de multiples partenaires suggèrent une surcharge sensorielle et, souvent, la personne qui fantasme est aussi le centre de toutes les attentions. Le fait de rêver à des choses nouvelles, ludiques et aventureuses rompt la routine et procure un supplément d’adrénaline. Et bien sûr, l’idée d’endosser des rôles différents est séduisante.

« Les fantasmes peuvent être une échappatoire à votre vie quotidienne »

Le bdsm, le sexe brutal et les scénarios qui ne sont pas admis par la société peuvent être excitants si vous devez toujours tout contrôler dans le reste de votre vie. Ce qui est tabou – voyeurisme, fétichisme, exhibitionnisme – excite. Celles (et ceux) qui ont l’impression de ne pas être vues peuvent se mettre à rêver de passion et de romance, d’une file d’hommes attendant leur tour ou d’être regardées. Faire l’amour avec quelqu’un que l’on ne connaît pas est le summum de l’histoire sans attaches, et l’anonymat peut aussi être excitant.

Un bad boy et un miroir

Dans le livre d’Anderson – Want en anglais, traduit par Nos désirs en français (le livre est sorti fin septembre dans sa traduction francophone) – une femme souhaite trois vies à tout le monde. L’une avec une relation romantique et étroite avec sa meilleure amie, l’autre pleine d’aventures avec des bad boys qui la traitent avec rudesse, et la dernière pleine de sensualité passionnée avec une femme libre et sauvage. Pourquoi choisir, peut-on lire entre les lignes de son témoignage: choisir, c’est perdre.

Les rêves et les fantasmes reviennent de temps en temps dans sa pratique, analyse Rika Ponnet. « Oui, rêver d’un partenaire qui vous accorde plus d’attention ou d’un plan à trois avec le voisin sont autant de fantasmes sexuels que les idées les plus extrêmes. Toute pensée qui vous excite entre dans cette catégorie. La raison pour laquelle elle nous excite est évidente: elle évoque un sentiment que nous recherchons. Il peut s’agir de l’envie d’être vu, mais aussi de lâcher prise ou même de la permission de s’abandonner complètement au plaisir sans une once de honte. Ce dernier point n’est toujours pas acquis pour les femmes d’aujourd’hui », constate la psychologue.

« C’est pourquoi il est intéressant d’examiner de plus près vos fantasmes sexuels, continue-t-elle. Les fantasmes créent de l’excitation et peuvent être une échappatoire à votre vie quotidienne, mais ils peuvent aussi vous apprendre quelque chose sur vous-même. Si vous fantasmez sur un homme grand et fort qui vous donne l’impression de prendre soin de vous, vous en tirerez peut-être une leçon pour votre vie quotidienne, à savoir que vous devez rayer certaines choses de votre liste to-do list ».

Jardin secret

Fantasmer sur le fait de faire l’amour sous la pluie ne fera pas sourciller grand monde et reste finalement réalisable avec un peu d’organisation, mais faire l’amour avec un parfait inconnu dans le tramway est un outrage public à la pudeur. Les auteurs et les experts ne semblent pas d’accord sur la question de savoir si les fantasmes sexuels doivent être exprimés, et encore moins s’il faut essayer de les réaliser. Gigi Engle estime que les fantasmes se répartissent en trois catégories: les rêves que l’on garde pour soi, les fantasmes que l’on partage avec son partenaire dans l’espoir qu’ils apporteront un supplément de passion lors de l’amour et les choses que l’on peut avoir envie d’essayer. Elle recommande toutefois la prudence avant de prendre des initiatives.

« Rien n’est plus complexe que notre sexualité »

Gillian Anderson, de son côté, s’étonne que nous ayons encore autant de réserves à ce sujet, ce qui n’est pas le cas de Rika Ponnet: « Notre fameux jardin secret est l’un des seuls endroits où nous sommes vraiment complètement libres. Ce sur quoi nous fantasmons est lié à ce que nous sommes, à notre personnalité, à nos expériences et à nos relations, au contexte et à la société dans lesquels nous vivons. C’est donc très personnel, et ce n’est pas parce que certaines images nous excitent que nous voulons les exprimer ou agir en conséquence. C’est pourquoi partager ce qu’on image est très vulnérable. Rappelez-vous que si nous recevons aujourd’hui beaucoup d’informations sur l’aspect technique de la sexualité, l’intimité et l’émotivité de notre vie sexuelle, nos pulsions profondes, l’image que nous avons de nous-mêmes, la manière dont nous interagissons avec les autres, ne sont pas du tout des sujets faciles à aborder. Rien n’est plus complexe que notre sexualité. C’est là que tout se joue, et cela touche à l’essence même de notre humanité. Je vous recommande donc de bien réfléchir avant de partager votre fantasme ».

Et qu’en est-il des fantasmes extrêmes ?

Enlèvement, cambriolage ou gangs de motards qui font ce qu’ils veulent de vous – Gillian Anderson a hésité à inclure certains fantasmes plus hard dans le livre. « Parce que la sécurité et le consentement restent primordiaux lorsqu’il s’agit de sexe. (…) Mais dans nos fantasmes, nous contrôlons nous-mêmes ce qui nous est fait ». De nombreux témoins écrivent qu’ils sont fâchés avec eux-mêmes à cause de ce type de fantasme, simplement parce que ce n’est absolument pas ce qu’ils veulent dans la vie réelle.

« Gardez toujours à l’esprit que les pensées ne sont rien d’autre que des pensées », conseille Rika Ponnet. La religion catholique dit qu’il faut aussi être chaste dans son esprit, mais les pensées ne sont pas des actions ni des faits. Il s’agit de « et si », pas de la réalité. Nous conseillons aux personnes qui dédaignent leurs propres fantasmes de ne pas trop s’y attarder. Cela réduit le risque qu’ils deviennent une obsession. Bien sûr, certaines personnes sont confrontées à la violence ou à des relations interdites, mais les chances que ces rêves restent inoffensifs sont beaucoup plus élevées si vous les acceptez.

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