Les cosmétiques naturels, une tendance qui séduit même les géants
L’image que l’on se fait des cosmétiques naturels a bien changé et la gamme de produits s’est considérablement élargie. Les petites marques idéalistes ne sont plus seules sur ce marché: les géants de la cosmétique s’y intéressent de plus en plus, chacun à sa manière.
L’époque où un label bio suffisait à apaiser les esprits écolos est révolue. A l’heure actuelle, une marque qui se veut respectueuse de l’environnement doit répondre à un plus grand nombre d’exigences par rapport à tout ce qui a trait au « durable ». Les ingrédients et l’ensemble des aspects de la production sont examinés afin de déterminer s’ils sont respectueux de l’environnement et sans danger pour l’homme et les animaux.
Du bio sans label
Des ingrédients issus de la culture biologique ne suffisent pas à faire des produits écologiques. Ceux-ci doivent également être produits de manière durable et de préférence être locaux, pour que le transport reste limité. Autres critères importants: la consommation d’énergie doit être rationnelle et la quantité de déchets doit être réduite au maximum.
Chez RainPharma, marque 100% made in Belgium, on travaille autant que possible avec des ingrédients locaux. Le gommage au sucre est d’ailleurs fabriqué avec du sucre de Tirlemont. « Mais la Belgique ne produit pas énormément d’ingrédients », avoue Dominique Bastin, à la tête de l’entreprise. « Nous achetons donc beaucoup dans les pays limitrophes: les huiles essentielles viennent de France et l’huile de brocoli d’Allemagne. Nous importons également depuis des pays plus éloignés lorsque nous n’avons pas d’autre choix : notre ginseng vient de Chine. » Mais là aussi, il faut choisir de travailler avec les bons fournisseurs: « Nous examinons les procédés de fabrication. Nos huiles essentielles sont obtenues par distillation à la vapeur d’eau, un procédé plus coûteux mais également plus sain que l’extraction par solvant. »
Des ingrédients bio ne suffisent pas à faire des produits écologiques
Ainsi, tous les produits sont naturels et biodégradables, mais ne portent pas le label bio. « Trop cher », estime monsieur Bastin. « Une petite entreprise comme la nôtre est incapable de faire face aux procédures administratives que cela implique et ne peut pas supporter un tel coût. Si notre chiffre d’affaires était plus élevé, j’y réfléchirais plus sérieusement. En effet, ce label est un point de repère pour les clients. » Le chef d’entreprise ne le trouve cependant pas indispensable: « Les ingrédients cosmétiques naturels sont filtrés à un tel point qu’on y retrouve des traces de substances nocives. »
Chimie verte
Chez L’Oréal, on ne voit pas non plus l’utilité d’un label bio. « Ce n’est pas assez clair », affirme Brigitte Bekaert, responsable de la communication. « Les consommateurs veulent des produits durables, mais ceux-ci sont difficiles à reconnaître et un label bio n’est pas suffisant. De plus, le nombre de ces labels augmente de manière exponentielle. » La « chimie verte » joue un rôle essentiel dans les engagements du groupe. Le principe est simple: miser sur l’utilisation de matières renouvelables afin de réduire l’empreinte environnementale.
Le groupe veut montrer l’exemple en matière de production durable. Lorsque le programme Sharing Beauty With All a été lancé, L’Oréal misait sur une réduction de moitié de sa production de déchets, de sa consommation d’eau et de ses émissions de CO2 d’ici 2020. « Nous avons atteint notre objectif l’année dernière. Nous misons donc désormais sur une réduction de 60 %. »
C’est dans le secteur de la production que les efforts les plus importants sont réalisés. L’usine de Libramont est la premières usine verte du groupe: elle fonctionne entièrement grâce à l’énergie verte et ses émissions de CO2 sont nulles. La méthanisation des déchets agricoles et agroalimentaires permet de fournir électricité et chaleur à toute l’usine.
Bien-être durable
Le consommateur est plus respectueux de l’environnement, mais également plus sensible aux questions éthiques. Il refuse d’utiliser les produits qui nuisent au bien-être humain ou animal. Les scandales autour du travail forcé des enfants, des ateliers où la main-d’oeuvre est exploitée et des conditions de vie dans les pays en développement contribuent à la popularité grandissante du commerce équitable. L’objectif de ce type de commerce est de fixer un prix juste qui couvre tous les coûts environnementaux et de production et qui garantit aux producteurs un niveau de vie acceptable. Il encourage aussi la mise en place de programmes sociaux qui promeuvent l’alphabétisation, l’enseignement et la santé.
The Body Shop est l’un des pionniers du commerce durable. La marque a récemment mis en place le programme Enrich, Not Exploit (« Enrichir sans exploiter »). Celui-ci vise à « enrichir » les hommes, la planète et les produits à l’aide de quatorze objectifs mesurables. A titre d’exemples: le nombre d’ingrédients issus du commerce équitable est plus important et tous les ingrédients naturels doivent être récoltés de manière durable. Via sa fondation, The Body Shop soutient trois mille organisations qui défendent le bien-être animal, la protection de l’environnement et les droits de l’Homme.
Il y a dix ans, L’Oréal a été vivement critiqué après le rachat de The Body Shop. Mais la marque aux nombreux engagements éthiques et environnementaux a vraisemblablement servi de modèle au géant cosmétique. « L’Oréal a engagé un directeur de l’éthique et une équipe spécifique qui travaille sur le Solidarity Sourcing, un programme mondial d’achats solidaires pour favoriser l’inclusion, afin de mettre sur pied des projets avec des ingrédients tels que l’açai, l’huile d’argan ou le beurre de murumuru « , explique Brigitte Bekaert. « Nous mettons également en place des projets axés sur l’équitable, comme dans les favelas brésiliennes où des mères célibataires achètent des produits de soin pour les cheveux à des coiffeurs. » Chaque marque du groupe doit s’engager à défendre sur le long terme une bonne cause qui lui correspond. « Ainsi, Biotherm a élargi le programme Water Lovers au niveau mondial, tandis que Kiehls a opté pour des initiatives au niveau local. »
Mais la marque pense aussi au personnel. Dans le monde entier, chaque employé bénéficie des mêmes avantages sociaux, tels qu’une assurance maladie pour les membres de sa famille, des formations, une protection maladie et des congés de maternité. En Belgique, les membres du personnel peuvent même bénéicier chaque année d’une journée de bénévolat rémunérée.
Des tests sur peau artificielle
Les petites entreprises ont cependant plus de difficultés à faire de tels investissements. « La plupart de nos ingrédients proviennent des pays limitrophes. On ne peut donc pas parler de commerce équitable », explique Dominique Bastin. « Nous n’avons encore pris aucun engagement à long terme. »
Son de cloche différent chez Cîme. La marque belge travaille avec des ingrédients en provenance du Népal et met un point d’honneur à pratiquer le commerce équitable. Elle achète ses ingrédients à une communauté agricole selon des principes fair trade.
Ces dernières années, le bien-être animal provoque moins de remous dans le milieu des cosmétiques. Les ingrédients d’origine animale sont bannis depuis l’épidémie de la maladie de la vache folle et les tests sur les animaux sont interdits au sein de l’Union européenne depuis 2013. Un exemple qu’ont suivi l’Inde et Israël, et des pays tels que la Russie et la Corée du Sud ont entrepris des démarches juridiques en ce sens. Mais l’Asie reste mauvais élève. Au Japon, les tests sur les animaux ne sont pas obligatoires, mais pas non plus interdits. En Chine, ils sont obligatoires pour les teintures pour cheveux, crèmes solaires et déodorants. Sur la scène internationale, on continue de faire pression pour interdire ces tests, car il existe d’autres modèles d’essai (comme la peau synthétique) bien plus appropriés.
Plus d’infos sur les écolabels et le commerce équitable sur www.ecolabel.fr
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