Le rangement, la nouvelle psychothérapie

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Longtemps considérée comme la chasse gardée des ménagères, la mise en ordre est le nouveau hobby des fétichistes du bien-être. Psys et coachs sont formels : elle aide à se recentrer sur soi et à mieux vivre dans le présent.

Depuis combien de temps n’avez-vous pas fait le tri dans votre dressing ? Pourquoi accumuler autant de bibelots dont vous n’avez aucune utilité ? A quand remonte la dernière fois où vos papiers administratifs ont été classés ? Rien qu’à l’idée de s’atteler à la tâche, vous soupirez déjà. Le désordre est comme un bruit de fond. Pis, un acouphène. La solution ? Un grand remue-ménage. Pour la consultante japonaise Marie Kondo, auteure du best-seller international La Magie du rangement, une maison ordonnée est le premier pas vers le bien-être, ou plutôt le « mieux-être ». Avec la méthode KonMari, cette Mary Poppins nipponne a séduit plus de 2 millions de lecteurs depuis 2012, anime des conférences dans le monde entier, poste des tutos sur YouTube et a même inspiré une comédie romantique au Japon. Mais pourquoi un tel engouement ? « Il est des périodes où l’on est plus préoccupé qu’à d’autres, où l’on ressent le besoin de faire le vide, de voir plus clair, répond la consultante. Cela se traduit souvent par une envie soudaine d’ordre chez soi. »

Le rangement, la nouvelle psychothérapie
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Sa conviction : dis-moi comment tu ranges, je te dirai qui tu es… Cette activité serait non seulement une forme d’introspection, mais aussi de catharsis. En bref, le moyen de redémarrer sa vie sur des bases plus saines. « Si vous rangez tout en une seule fois, et non petit à petit, vous pouvez modifier de manière spectaculaire votre état d’esprit. Le changement opéré est si profond qu’il touche à vos émotions et influe irrésistiblement sur votre mode de pensée et vos habitudes au quotidien », assène-t-elle. Fini, le zen et le feng shui ! Marie Kondo a une règle d’or : ne garder que ce qui procure de la joie au moment présent. Tout le reste doit passer au vide-ordures ou être envoyé aux bonnes oeuvres : les vêtements jamais portés, trop serrés ou usés ; mais aussi les anciens cadeaux d’anniversaire ou reçus pour Noël, qui ne plaisent pas ; les piles de livres « pas encore lus » qui forment des monticules sur la table de chevet et qu’on ne lira sans doute jamais. Seuls les ouvrages qui ont leur place dans notre « panthéon de lecture » doivent figurer sur l’étagère. Côté paperasse, Marie Kondo est impitoyable. Anciens cours universitaires, cartes de voeux, relevés de compte… « Pour trier mes papiers, mon principe de base est de les jeter tous », conclut-elle. Sauf les documents contractuels et ceux en cours de traitement.

QUEL RANGEUR ÊTES-VOUS ?

Quand il s’agit de notre intérieur, chacun a ses manies. Il y aurait quatre catégories principales de « dérangés du rangement ». Tout d’abord, les phobiques du sac-poubelle. Leur maison est un bric-à-brac dans lequel s’amoncellent présents, pulls et pantalons jamais portés et souvenirs d’enfance. En se séparant de l’une de ces choses, ils ont le sentiment d’abandonner une partie d’eux. « Notre raison fait apparaître toutes sortes d’arguments nous empêchant de le jeter : « J’en aurai peut-être besoin par la suite » ou « C’est du gâchis » », analyse-t-elle. Objectif : chasser ces pensées parasites et passer à l’acte.

Dans la deuxième catégorie, on trouve les « serial stockeurs ». Ils achètent et conservent des quantités astronomiques d’un seul et même produit et transforment leur maison en bunker. Puis il y a ceux qui peinent à classer des documents administratifs. Le désordre les ralentit et conduit à un manque de productivité, au travail et dans leur vie. Dernière catégorie : les « rangeurs spirituels ». En jetant ou en remettant leurs affaires, ils cherchent à s’alléger l’esprit, à se libérer d’un poids. C’est un acte quasi méditatif.

COMMENT SE DISCIPLINER ?

Pour le psychanalyste Alberto Eiguer, auteur de Votre maison vous révèle. Comment être bien chez soi (Michel Lafon), l’habitat est une troisième peau – la première étant biologique, et la deuxième, le vêtement. La façon dont on met de l’ordre est le reflet de notre personnalité, mais aussi de nos conflits intérieurs. « Il y a une relation sentimentale qui s’affirme dans cet acte, explique-t-il. En plaçant un tee-shirt dans son placard, on l’intègre à sa vie. Ranger, c’est donner un sens aux objets. » Pour autant, il ne faut pas que cela tourne à l’obsession. Attention à ne pas devenir trop maniaque. « Celui qui remet tout systématiquement à sa place est une personne qui ne supporte pas le contact avec ses objets. Il préfère garder à distance la sentimentalité qui le lie à eux », précise-t-il. Quant au capharnaüm, il n’est pas toujours un point négatif. Tant qu’il reste modéré, il peut être un moment de liberté et insuffler de la vie dans une maison.

Pour éviter que cette tâche ne soit une corvée, il faut la ritualiser, en faire un moment – périodique, et non quotidien – de plaisir. Eteignez la musique et la télé, et créez un « espace de quiétude ». Autre règle d’or de la méthode KonMari : ne jamais appeler la famille en renfort. Il s’agit d’un acte solitaire. « Lorsque vos proches s’aperçoivent que vous avez décidé de faire le vide, ils peuvent se sentir coupables face à ce gaspillage éhonté. Mais ce qu’ils récupèrent de votre pile à jeter ne fera qu’accroître la montagne de choses inutiles qu’ils entassent dans leur logement », insiste la consultante.

Parfois, l’ampleur du remue-ménage est toutefois si grande qu’il vaut mieux faire appel à un pro. Depuis quelques années, les home organisers ou coachs – une profession venue des Etats-Unis -, rencontrent un franc succès chez nous, surtout auprès de la gent féminine. « Certaines personnes ont honte de nous faire entrer chez elles lors de la première session, car elles n’ont plus de contrôle sur la situation et, fatalement, elles en souffrent », confie Elvira Petit, fondatrice d’une telle agence, à Paris (www.agenceserenity.fr). Son rôle ? Apporter de la structure, donner des astuces personnalisées et, surtout, déculpabiliser ses clients avant qu’ils jettent ce qui les encombre. « De nos jours, plus on possède de biens, plus on a le sentiment d’exister. C’est le plus grand piège de la société de consommation. » En moyenne, Elvira Petit a besoin d’une séance de six heures pour que la magie opère. Et le résultat est sans appel. « C’est quasiment un acte de purification, affirme-t-elle. En se libérant de ce poids, la personne porte un regard neuf sur son intérieur et sur elle-même. Elle respire mieux. »

En plus de ses vertus psychiques, l’art de réorganiser son environnement aurait même des conséquences physiques sur celui qui s’y livre. Dans son livre, Marie Kondo raconte que certaines personnes ont perdu du poids, vu leur ventre se raffermir, ou ont eu le sentiment d’avoir fait un « mini-jeûne ». Si cela vous arrive, pas d’inquiétude : « Notre corps se débarrasse simplement de toxines qui se sont accumulées pendant des années et retrouvera ensuite son état normal », prévient la consultante. La nouvelle détox ?

La magie du rangement, par Marie Kondo, First éditions, 352 pages.

Marion, 36 ans, phobique de la paperasse

 » En tant que secrétaire dans un cabinet d’avocats, je suis habituée à gérer des centaines de dossiers et à connaître l’emplacement de chacun. Mais, chez moi, c’est une autre histoire. Mes tiroirs regorgent de papiers administratifs. Ils sont éparpillés dans toute la maison, et cela me pèse. Je ne parviens pas à m’imposer la même discipline que dans ma vie professionnelle. Pour moi, ces documents sont un symbole de responsabilités et de contraintes. Chaque fois que je les reçois par la poste, j’ai envie de les éloigner de moi le plus possible et je les laisse traîner. Résultat : même si je ne suis pas de nature négligente ou nonchalante, je repousse toujours cette tâche au lendemain. »

L’AVIS DU PSY, ALBERTO EIGUER

 » Marion adopte deux attitudes très différentes. Dans son travail, elle range parce qu’elle est à la disposition des autres et qu’elle sait que c’est essentiel pour mener à bien sa fonction. A la maison, elle ne se vit pas sous le regard des autres. Et se laisse donc aller. S’occuper des papiers représente symboliquement une contrainte. »

Hélène, 29 ans, « serial stockeuse »

 » Dans le cadre de mes études et de mon travail, j’ai été amenée à déménager de nombreuses fois. A chaque voyage, j’ai accumulé des souvenirs que je plaçais dans trois valises imposantes. Désormais, j’habite dans un petit appartement et je n’ai pas d’endroit pour les garder. Même s’ils m’encombrent, il m’est impossible de m’en débarrasser. Quand je les vois, cela me rappelle le temps où j’avais la  » bougeotte ». D’une certaine façon, leur présence me rassure, car elle me donne le sentiment que je peux toujours m’échapper de mon quotidien. J’ai l’impression que, si je les jette, j’enterre définitivement cette partie de mon existence. »

L’AVIS DU PSY, ALBERTO EIGUER

 » Ses valises ne peuvent être défaites, car cela permet à Hélène de garder intactes ses impressions anciennes. Ne redoute-t-elle pas que ces objets, une fois mélangés aux autres, n’y perdent l’intensité et la saveur de ces déplacements idylliques ? Pourtant, c’est en articulant ses souvenirs avec d’autres aspects de sa personnalité qu’ils seront intégrés et trouveront une deuxième vie. Ce ne sont pas les biens qui nous constituent, c’est notre vécu leur étant lié. On peut raconter mille fois une expérience personnelle, elle sera chaque fois un peu différente, car nous lui insufflons nos marques, même si nous en oublions des détails ou déformons les faits. »

PAR REBECCA BENHAMOU

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