Une nouvelle pyramide alimentaire

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Une nouvelle pyramide alimentaire a été proposée en Flandre. Elle provoque quelques remous, car elle instaure quelques changements radicaux. Knack a rencontré un spécialiste mondial de l’alimentation et de la santé. « Une pyramide alimentaire donne aux gens un sentiment de culpabilité. »

Le principe de la pyramide alimentaire est le suivant : elle indique ce que l’on doit manger chaque jour pour rester en bonne santé. La base étant ce qu’on doit manger le plus. Au sommet on retrouve les aliments qu’on ne devrait manger qu’en très minime quantité.

Depuis hier, l’institut de santé flamand propose une toute nouvelle pyramide réalisée avec l’aide de nombreux spécialistes et testé sur plus de 300 Flamands. Et elle a suscité de nombreux émois. Premier gros changement : celle-ci est inversée.

Une nouvelle pyramide alimentaire
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La base est désormais au sommet. Ensuite, elle n’est plus toute seule puisqu’elle est accompagnée d’une seconde pyramide autour du mouvement pour éviter les comportements trop sédentaires. Enfin quelques aliments ont été fortement rétrogradés. Le point sur cette pyramide qui est censée nous aider à mieux nous nourrir avec Sander Kersten, un spécialiste néerlandais de l’alimentation.

Une nouvelle pyramide alimentaire
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Une grosse bulle rouge avec les aliments à éviter

Red Wine In Swirling On White
Red Wine In Swirling On White© Getty Images/iStockphoto

Oui, le vin et la bière se retrouvent carrément hors de la pyramide et c’est plutôt une bonne chose. Car l’alcool est en réalité du pur poison. Les études qui disent qu’un ou deux verres de vin par jour est une bonne chose sont mensongères. Attention, je ne dis pas qu’on n’a pas le droit de boire un verre pour se détendre, c’est même plutôt l’inverse. Seulement la pyramide alimentaire n’indique, dans le fond, que les aliments que l’on doit consommer pour rester en bonne santé et vivre vieux. Elle délaisse le court terme et aussi le fait que la bière, les chips ou le vin sont consommés ensemble dans des moments de détentes. Des choses qui sont aussi très importantes pour notre bien-être. Pour moi, on peut boire du vin et même tous les jours parce que c’est bon et qu’on aime ça. Manger ce que l’on aime a aussi son importance. Il ne faut juste pas croire que c’est bon pour la santé, car ça, c’est un leurre.

Nous savons tous, dans les grandes lignes, ce que c’est de manger sainement. Par contre si vous souhaitez avant tout convaincre les concitoyens qu’un changement de comportement alimentaire peut être bénéfique c’est autre chose. Convaincre ceux qui achètent en masse du soda, de la bière, des saucisses et des frites n’est pas si évident. Si vous êtes le seul dans votre entourage à remplacer les chips par des bâtons de carottes vous allez passer pour un snob. La pression sociale dans ce domaine est immense.

La viande rouge se trouve tout en bas, c’est-à-dire qu’on doit en consommer le moins possible. Ce serait aussi pour épargner la planète.

On sait qu’une entrecôte est, par exemple, très peu « écologique ». Mais saviez-vous qu’une salade est bien plus énergivore qu’un brocoli ? Donc si on suit l’idée des concepteurs de cette nouvelle pyramide qui souhaitent aussi tenir compte de la planète, ces derniers devraient aussi prendre en compte l’agriculture et les pesticides. Ce qui rendrait le calcul infiniment plus compliqué.

Le poisson se trouve par contre au centre, mais est-ce que cela se justifie d’un point de vue durabilité ?

Tous les régimes sains contiennent une petite quantité de poisson. La critique pourrait être qu’il n’y a qu’un poisson. Or cet aliment est loin d’être uniforme et sa qualité nutritive dépend aussi beaucoup de sa provenance. Il n’est pas rare d’avoir du saumon aux antibiotiques ou du tilapia à la testostérone. Ils sont souvent aussi gorgés d’eau. Le poulet aussi d’ailleurs. Vous connaissez le « pop »poulet ? C’est un poussin qui est tellement gavé qu’il se transforme en quelques semaines en un poulet de plusieurs kilos. Cette pyramide ne tient donc pas vraiment compte des tours de passe-passe de l’industrie alimentaire.

De même que la pyramide conseille de remplacer, tant que ce peut, des aliments d’origine animale par des solutions végétales comme les légumes, les fruits, les légumineuses ou encore les fruits secs. Là aussi c’est un conseil très général. Si on est allergique ou qu’on supporte par exemple moins bien les aliments complets, on ne doit pas nécessairement en consommer. Pour de nombreuses personnes, ce genre de pyramide est une injonction à faire ceci ou cela. Même si cela se veut informatif, c’est perçu comme une obligation.

Le beurre est relégué en bas de la pyramide alors que les huiles végétales se retrouvent en haut. Le beurre mérite-t-il cette rétrogradation ?

Dans la presse on aurait tendance à vouloir réhabiliter le beurre, pourtant les scientifiques s’accordent à dire que l’huile végétale est meilleure parce que les graisses quelle contient ne sont pas saturées. Le beurre par contre est truffé de graisses saturées. Il existe donc objectivement une différence entre les deux.

Dans les produits à éviter, on retrouve aussi les aliments transformés…

Oui et ça c’est plutôt une bonne idée, car ceux-ci sont souvent saturés en sucre et en sel. Et on y ajoute aussi des additifs que l’on peut s’épargner comme une rage de dents alors que des aliments essentiels comme des fibres n’y sont plus. Par ailleurs, pour les plus transformés d’entre eux, comme les sodas par exemple, ils n’ont aucune valeur ajoutée et ne sont composés pratiquement uniquement que de sucre.

Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que tout en haut de la pyramide on retrouve l’eau. C’est l’aliment que l’on doit le plus consommer. Bientôt on ne pourra plus que boire de sodas ou de jus dans les écoles, mais que de l’eau. Les gens s’y opposent pour l’instant. Mais ils vont finir par s’y faire, comme pour l’interdiction de fumer dans les cafés.

Ne risque-t-on pas de finir dans une société où on va regarder de travers celui qui mange un gros hamburger, comme on le fait avec un fumeur ?

C’est possible et cela vaut aussi pour l’alcool. Il n’est pas impossible qu’un verre de bière ou de vin finisse avec le même statut que les cigarettes. Ce qui est un peu angoissant. Car ce n’est pas parce qu’on respecte ce triangle que l’on va tous subitement se mettre à vivre cent ans. Nous pouvons placer notre alimentation au centre de tout, mais il restera des choses dans la vie sur lesquels on n’a aucune influence. Nous devons veiller à ne pas donner trop d’importance à la nourriture. Par exemple lorsqu’on a un cancer se lamenter d’avoir bu pendant son adolescence ne sert à rien. Cela n’aurait quand même rien changé. Ce n’est pas dit de façon explicite, mais ce genre de pyramide donne en réalité un sentiment de culpabilité : « ma santé dépend de ce que je mets en bouche. » Néanmoins, ce genre de publication a cependant du sens et encourage les gens dans la bonne direction.

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