Natalia Vodianova super-icône

Top-modèle né dans la Russie soviétique, muse, mère de famille, star engagée: rencontre avec une belle personne.

Top-modèle né dans la Russie soviétique, muse, mère de famille, star engagée: rencontre avec une belle personne.

Brosser le portrait de Natalia Vodianova expose à deux risques: dégouliner de superlatifs en écrivant à quel point elle est belle, gentille, généreuse. Et ressentir une pointe de jalousie face à un destin si hors normes, où la résilience se conjugue à la bonne humeur et impose une existence aujourd’hui en tout point parfaite, en apparence. Mais la niaiserie et les bons sentiments ne sont pas le genre de beauté de Natalia V., par ailleurs réellement stupéfiante de grâce et de fraîcheur, sans une once de maquillage ce matin-là (bien qu’elle soit l’égérie des maquillages et parfums Guerlain), à plat dans ses mocassins, faisant tournoyer une jupe d’inspiration fifties.

Sous le vernis d’une vie désormais très sucrée -elle a épousé un riche dandy britannique- affleurent vite les stigmates d’un passé « très, très dur », dit-elle. Un voile mélancolique glisse alors sur son regard bleu-gris, presque embué dans ces moments où elle replonge vers sa Russie natale. Natalia n’a que 28 ans, mais elle a sacrément vécu.

Consciente d’être l' »élue », elle a voulu redonner symboliquement un peu de ce qu’elle a gagné. Depuis plusieurs années, le top-modèle est engagé corps et âme pour son association, Naked Heart, en faveur des enfants déshérités, de Russie bien sûr, mais pas seulement. Elle sillonne le monde pour inaugurer les jardins qu’elle fait construire et, le reste du temps, s’occupe de ses trois enfants, Lucas Alexander (8 ans), Neva (4 ans) et Victor (3 ans). Le reste du reste du temps (cette femme a mille vies en une!), elle fait chalouper sa silhouette racée sur les podiums les plus classes du monde. Chic fille!

Pensez-vous qu’une vie accomplie passe par un engagement solidaire?
Chacun de nous est responsable de ce qu’il fait de sa vie. On peut modeler notre existence en fonction des choix que l’on opère chaque jour, dans notre quotidien. Chaque cause est très personnelle. Quand on s’engage pour la bonne raison et que l’énergie déployée vient du coeur, c’est louable. Ce qui me touche le plus, personnellement, c’est la situation des enfants et des personnes âgées, qui méritent le meilleur car ils incarnent l’innocence, ou plutôt la vulnérabilité.

Comment est née votre idée de créer des jardins d’enfants, d’abord en Russie?

Mon choix d’ouvrir des jardins d’enfants répond à une préoccupation très intime. Quand j’étais petite fille, je m’occupais à plein temps de ma soeur cadette handicapée. Dans l’Union soviétique de l’époque, le handicap n’était pas accepté par la société; certaines personnes le considéraient même comme contagieux. Je n’avais donc aucun endroit où aller avec elle. Notre famille était très isolée, c’était très, très dur.

Mon projet Naked Heart [NDLR: « le coeur mis à nu »] est né de ces souvenirs douloureux. J’ai imaginé pour les enfants des lieux de vie dénués de toute barrière, qu’elle soit sociale, physique, raciale, et qui permettent de réhabiliter le jeu pour oublier un peu leurs souffrances. Les jardins que je crée comportent bien sûr des équipements adaptés aux handicapés. Depuis que j’ai lancé mon projet, en 2005, 40 ont vu le jour et on en ouvre au rythme frénétique de 15 par an. Il y en a en Russie et aussi en Grande-Bretagne.

Comment vous organisez-vous pour trouver le temps de vous impliquer réellement?

C’est une activité très prenante. Beaucoup de responsabilités pèsent sur mes épaules. Je dois piloter les inaugurations, trouver des fonds, faire preuve de diplomatie et d’imagination. En ce moment par exemple, je développe un projet avec le musée des sciences de Moscou, où j’aimerais créer un étage destiné aux enfants, pour qu’ils puissent apprendre la science en jouant.

J’inaugure moi-même la majorité des parcs. Heureusement, je bénéficie du soutien de beaucoup de personnalités du monde de la mode. M. Valentino ou mon ami le photographe Mario Testino m’accompagnent parfois lors de galas de charité.

Pour aider à la médiatisation de mon association, je vais monter un immense événement en juillet prochain à Paris, en pleine saison de la haute couture. Ce sera un grand défilé de mode pour lequel j’ai sollicité pas moins de 45 créateurs. Chacun dessine une robe sur le thème des contes de fées, qui sera portée pendant le défilé puis sera vendue aux enchères par Christie’s au profit de Naked Heart. Riccardo Tisci pour Givenchy, Stefano Pilati pour Yves Saint Laurent, Valentino, Versace, Diane von Furstenberg, Christopher Kane, Dolce & Gabbana, Gareth Pugh ont déjà répondu favorablement. Cette action que je mène en faveur des enfants représente le travail le plus important de ma vie.

Envisagez-vous d’adopter un enfant?

C’est une idée qui chemine en moi, et je vous réponds un immense oui, absolument. J’ai une grande sensibilité à cet égard.

Les anonymes vous sollicitent-ils?
Je reçois un abondant courrier. Beaucoup de personnes m’écrivent pour me demander un peu d’argent. C’est très émouvant, touchant et très rude en même temps. J’aime être utile, c’est mon plaisir. Peut-être pour redonner un peu de la chance que j’ai eue…

Avec votre époux, Justin Portman, quelle éducation donnez-vous à vos trois enfants?

L’aîné, Lucas Alexander, est déjà impliqué dans l’association puisqu’il vient régulièrement avec moi inaugurer des jardins. Il est très passionné et altruiste aussi. Quand on prend le métro, il veut donner à tous les gens défavorisés qu’il croise. J’essaie de faire prendre conscience à mes enfants de la chance qu’ils ont, sans toutefois les culpabiliser. Une enfance très confortable peut être très ennuyeuse. La mienne ne l’était absolument pas, je n’avais pas le temps! Je devais constamment penser en adulte, me battre pour trouver à manger pour moi et ma famille. Il m’en est resté une capacité à agir: je ne rêve pas, je fais. Mais aussi un sentiment d’urgence, qui me rend terriblement impatiente. Mon esprit est si habitué à lutter contre les difficultés que je suis parfois frustrée que tout le monde n’aille pas à mon rythme. En ce sens, j’ai hâte de vieillir, pour être plus calme et plus heureuse. Vivement mes 40 ans!

Propos recueillis par Katell Pouliquen

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